dimanche 19 décembre 2010

Souvenirs et riz sauvage

À l'approche des fête, je réfléchis aux repas que je vais servir à la famille en visite. Les fils de mon mari viennent pour l'occasion (ils sont tous deux mes aînés) et le cadet et son compagnon m'ont expressément demandé quelque chose de léger. Ils vont en effet faire le tour de la famille, et de dîners en déjeuners, vont sans doute s'en tirer avec une fameuse crise de foie.
Notre repas de famille (mon mari, moi, ses deux fils et leurs conjoints) sera donc composé d'un velouté de panais (du jardin) aux pommes, de rôti de saumon farci aux saint-Jacques (du commerce) et d'une tarte à la châtaigne et aux fruits rouges.
Reste la question de l'accompagnement du rôti.
Hier j'ai pensé à un mélange de riz basmati complet et de "riz sauvage", cette céréale nord américaine de la famille de l'avoine...
Et là un souvenir m'a assaillie.

J'étais à l'université de Poitiers à l'époque, j'avais 20 ans et je me sentais seule. Je n'avais pas vraiment d'amis solides, à force de ne pas savoir comment agir avec mes connaissances, à force d'avoir peur de sortir. Pour une fois, j'avais renoué contact avec une connaissance du lycée, Céline. Elle était en cours de sociologie avec moi (j'ai fais socio quelques semaines avant de passer en fac de psycho, dont je suivais déjà les cours). Elle m'avait confié que les week end à Poitiers n'étaient pas très amusants pour elle, alors je lui avais proposé de venir avec moi chez mes parents.
Le dimanche, ma mère avait préparé les garniture de la volaille préparée par mon père.
Elle est arrivée toute fière d'elle avec un plat de riz sauvage, en précisant qu'elle en avait fait pour tout le monde sauf pour moi, que pour moi elle avait préparé du riz rouge parce que je n'aimais pas le riz sauvage.
J'ai été idiote. Je l'ai reprise aussitôt en lui disant qu'elle se trompait, que c'était le contraire, que je n'aimais pas le riz rouge, mais que j'adorais le riz sauvage. S'en est suivie une très brève discussion. Je sentais qu'elle risquait de se transformer en conflit ouvert et hurlant, alors j'ai voulu désamorcer la situation.
Je lui ai dis de laisser tomber, que je mangerais des légumes, que ce serait très bien.
...
Fracas de terre cuite heurtant le sol. Elle a laissé tomber le plat de riz, au propre, mais n'a pas lâchée l'affaire, au figuré.
Je me suis enfuie dans ma chambre.
Je me sentais horriblement coupable que la situation ait aussi vite dégénéré, j'avais envie de me faire du mal pour ne pas avoir su garder le silence, m'écraser.
J'ai passé le poing à travers un carreau. Heureusement il y avait un voilage dessus, et je ne me suis presque pas blessée.
Dans la voiture, au retour, ma copine a demandé si ma mère se faisait soigner.
Non. Elle a souvent suivi des traitements antidépresseurs, mais là elle "allait bien". De son  point de vue.

Des anecdotes de ce genre là, il y en a des dizaines qui m'assaillent chaque année.
De petites choses me font penser à ces affrontements dépourvus de sens.

J'aime ma mère. Je l'aime terriblement, d'un amour fusionnel et puissant. Mais jamais cet amour ne sera partagé. Je l'ai longtemps espéré, j'ai longtemps attendu, prié, essayé de faire en sorte que les choses s'arrangent entre nous. Sans oublier le mal qu'elle m'a fait, je lui ai pardonné, j'ai décidé de continuer à avancer, en faisant abstraction de tout ça, parce que j'aurais voulu qu'elle soit ma mère, ma maman, mon amie, qu'elle soit douce. Mais après la résilience, il a fallut que je fasse mon deuil de la relation que j'aurais aimé avoir avec elle. Car elle ne changera pas et elle me fera toujours du mal, malgré tout mon pardon et mon oubli.

Ma mère m'aime aussi, à sa façon, mais elle est toxique.

Je servirais du riz sauvage avec mon dîner.

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