lundi 28 mars 2011

27 mars 2011 - Tempête dans un crâne

Ce dimanche 27 mars, c'est l'anniversaire de mon petit neveu, et de ma grand mère.
Un gouter d'anniversaire est organisé chez ma sœur. C'est la veille de notre déménagement qui va nous emporter loin de la Charente, vers les Pyrénées.

On serait bien venus quelques jours plus tôt, pour voir le bout de chou, mais pour faire plaisir à mes grand mères, surtout, nous nous sommes finalement décidés à venir passer une heure ou deux au milieu de toute la famille. Il y avait mes parents, ma sœur et son futur mari, nos deux grands mères, mon oncle et ma tante, la maman, le frère et la sœur de mon beau frère, les deux enfants de celle ci et son conjoint, ainsi que le compagnon de la maman de mon beau frère. Je crois que je n'oublie personne...

Ma tante est directrice d'une agence d'aide aux personnes. Cela pourrait être bien, puisque c'est précisément dans ce secteur que je veux travailler. Seulement ce serait trop simple, voyez vous... et voici pourquoi:

Nous nous étions croisées, ils y a quelques semaines, sur le parking de la maison de retraite où réside ma grand mère. Nous avions discuté, en partie au sujet de notre déménagement , en partie à propos de mon orientation... ou tout du moins de l'orientation que mon entrée dans la vie active semblait prendre. Elle m'avait d'ailleurs demandé à ce moment là pourquoi devenir aide à domicile, alors qu'avec ma licence de Droit, j'aurais pu prendre en charge un secteur. J'en avais éprouvée une terrible angoisse, épluchant soudain en l'espace d'une seconde toute l'étendue de mon incompétence... J'en avais ressentie une forte gêne, que j'avais assez vite oblitérée en allant voir ma grand mère, puis en allant en visite chez ma belle famille.

Donc ce dimanche, elle m'a demandé si j'avais trouvé du travail, à Tarbes.
Moi, aussitôt, je me sens prise au piège, tenue sur la défensive. Comme si son intérêt était enflé de reproches, comme si ses questions avaient pour objectif principal de me prendre à défaut, de démasquer mes manques et mon incompétence. Je me suis d'abord écrasée, justifiée, enfoncée, puis j'ai battu en retraite.

Ma tante me demande si j'ai trouvé un travail, donc. Aussitôt, je me défend, comme prise en faute, j'essaye de m'expliquer. Non, pas encore, mais j'aimerais bien travailler dans un CLIC (Centre local d'information et de coordination gérontologique). Je m'enlise, terrain en fusion.
Elle s'intéresse à ce que je dis, mais insiste sur le fait qu'il faut être pistonné pour travailler là bas. Badaboum, mon équilibre précaire finit de s'effondrer comme un château de carte. Mes châteaux en Espagne aussi. Mon incompétence criante ressurgit, j'ai soudain chaud, épouvantablement, et je me sens au bord des larmes. Je commence à chercher une sortie honorable à la discussion à peine amorcée...

Je m'embrouille un peu plus, parle de l'ADMR. Elle me parle de ses connaissances au sein de l'association. Je panique de plus en plus, ma tête tourne et j'ai envie de disparaître sous la terre. Elle va se rendre compte que je parle de quelque chose que je ne connais pas, que je suis nulle, que je suis une nunuche finie qui est terrorisée rien qu'à l'idée de faire le ménage devant des tiers, qui est incapable d'éplucher une carotte sous le regard de son mari aimant...
Ces pensées, elles n'existent pas sur l'instant, mais c'est ce qui traduit le mieux mon malaise du moment.

Peu à peu l'angoisse pousse ses ramifications dans mes derniers retranchements. Elle me monte aux joues (elle va bien le voir, que je rougis!!!) et pire, aux yeux (non non non, ne pas pleurer, sinon on va me demander ce que j'ai, devant une quinzaine de personnes, ça sera épouvantable!!!!). Je continue de m'enfoncer inexorablement, et puis finalement je repousse maladroitement sa tentative d'aide et de conseil. Je m'évade je ne sais trop comment, je lui échappe.

Je me souviens de m'être réfugiée à deux pas de là, auprès de mon mari, de lui avoir glissé à l'oreille que ma tante me persécutait en voulant m'aider, mais il n'a pas bien compris, ne m'a pas rassurée. L'angoisse est restée. J'ai aussi essayé d'aborder la question avec ma soeur, mais ni l'un ni l'autre n'a perçu ma détresse du moment.

Après ça, pendant l'heure où nous sommes restés, j'ai attendu qu'on s'en aille. J'ai laissé éclater l'angoisse dans une rapide crise de larmes silencieuse, aux WC, puis je suis retournée faire "comme si de rien n'était".
Dans la voiture, sur le chemin du retour, je n'ai parlé que de cet incident.
Et le soir il m'a fallut de longues heures pour trouver le sommeil, cesser de ressasser.

...

Je voudrais tant apprécier l'aide et les conseils de mes proches. De ma tante. Mais impossible de lui avouer mes faiblesses, ma honte, mon incompétence, mon anxiété de performance, mon degré zéro d'estime de moi même.
J'aimerais pourtant qu'elle m'aide, me renseigne, me conseille sur la meilleure voie, la meilleure solution. Mais j'ai terriblement peur d'elle, de son jugement éventuel sur mes faiblesses. Elle me fait si peur. Il me semble qu'elle représente une figure d'autorité dans ma famille. Elle est plus chef d'entreprise que tante, face à mes angoisses. Alors dès qu'elle s'intéresse à moi, je voudrais qu'elle me laisse tranquille. Car au fur et à mesure qu'elle veut me parler, ma honte grandit, cette honte de ne pas savoir être, de ne pas savoir travailler, de na pas savoir affronter la vie, de ne pas savoir où je vais. Cette si grande honte d'avoir peur du monde entier.

Difficile aussi d'avouer clairement que je veux travailler seulement 50 à 60 heures par mois, juste pour avoir ma propre sécurité sociale (et ne plus être ayant droit de mon mari).

De toute façon, impossible de parler d'un sujet aussi grave devant témoins. Parler travail, orientation, c'est craquer irrémédiablement, me mettre à pleurer, laisser déborder mon angoisse d'échouer, de commettre des erreurs (je sais, c'est normal, tout le monde en fait... une partie de moi le sait... mais une grande et terrifiante autre partie de moi exige que je n'en fasse pas, parce qu'elle imagine que ces erreurs sont minables, idiotes, infantiles ou je ne sais quoi...).
En famille, de tels débordements, l'idée seule m'est intolérable.

1 commentaire:

  1. je suis bouleversée, de lire tous tes textes.
    Ca me paraît tellement insupportable, d'imaginer devoir affronter tout ça...

    RépondreSupprimer

Un petit mot, ça fait toujours plaisir...
Mais comme je n'aime ni les machines ni les trolls, je modère tout de même un peu ^^