jeudi 20 novembre 2014

UAOCC Unité d'Accueil et d'Orientation, Centre de Crise

C'était le mardi 28 octobre.
Je n'allais pas bien.
Depuis plusieurs jours.
Envies de fuir la vie.
Détresse. Automutilations.

Je me suis arrachée la peau des premières phalanges, dans un frottement compulsif et incontrôlable des poings l'un contre l'autre. Des ampoules se sont formées et ont éclaté. Je ne sentais rien, je n'étais rien, j'étais absente, c'était la nuit, je ne dormais pas, j'essayais de me calmer, de me vider la tête devant un film. Mais pendant ce temps je me recroquevillais comme une crevette qui se dessèche hors de l'eau, à l'intérieur d'une carapace intacte.

J'ai été hospitalisée à l'UAOCC.
Pas longtemps : ça a duré quatre jours, jusqu'au vendredi.
J'ai traversé des phases un peu confuses, du mal à sortir de la chambre, des sentiments confus, négatifs, pas possible de continuer, mais je peux que continuer.

Je me suis brossées les dents, je me suis douchée.
J'ai mangé les oeufs mollets les plus dégueux de toute ma vie.
J'ai été pesée. Vingt kilos de trop. Aïe.

J'ai essayé de reprendre mes esprits, mais pas facile.
Finalement je suis sortie le vendredi 31 octobre.
Mon mari, qui avait été hospitalisé en neurologie pendant mon "absence" est sortit le samedi.

On s'est retrouvés.
Comme jamais.

Je suis prête.
Prête à le soutenir jusqu'au bout. Mais en prenant soin de moi aussi.
De l'exercice et du lien social.

GEM. Groupe d'Entraide Mutuelle. Ici "La petite auberge", à 5 minutes à pied.
J'y suis rentrée le 19 novembre pour la première fois.

Un an exactement après ma mise en arrêt maladie qui a mit un point final à mon job d'assistante de vie dans les Hautes-Pyrénées.

Voilà pour les nouvelles.

jeudi 16 octobre 2014

Trou noir

Il y a des jours comme ça où je voudrais disparaître. En finir. Mourir.
Qu'est ce qu'elle a à m'offrir, cette vie, à part des souffrances et des peurs?
Comment puis-je me défendre, m'évader, esquiver cette douleur, ce néant, ce trou noir qui m'aspire vers lui, dévore mes émotions, me rend paranoïaque?
Qu'y puis-je. Qu'y pourrais-je jamais?
Chaque fois que je crois échapper à mes émotions déviantes, je me retrouve enlisée un peu plus.

Assise sur le carrelage dans le couloir.
Recroquevillée dans un coin du couloir.
Recroquevillée une heure sur le carrelage du couloir, en chien de fusil.
Incapable de bouger, de penser.
Mourir, mourir, mourir. L'obsession d'en finir.
Une heure qui passe.
Le bruit des voisins en dessous.
Peut être même des instants de sommeil, une joue sur le carreau.
Une heure recroquevillée sur le carrelage, à vouloir en finir, ne plus vivre.

Mais vouloir vivre, vivre.
Incapable de lâcher cette saleté de vie.
Pas seulement pour moi.

Pour lui.
Je ne peux pas l'abandonner.
Et puis pour moi parce que je ne veux pas mourir.
Je veux vivre.

Mais des fois il y a cette émotion qui me terrasse, qui tue temporairement toutes les autres, les musèle, les annihile, leur passe la camisole, les piétine, et il reste de moi cette loque étalée par terre, parfois enfermée dans un placard, repliée le plus possible, enfermée pour disparaître, et à ces moments là, je veux vraiment mourir.

C'est la guerre en moi. Je veux mourir, disparaître, arrêter de vivre et en finir. Je veux vivre, mais j'ai tellement, tellement peur de vivre que je suis terrassée par la peur de vivre, de devoir vivre, de devoir affronter la vie.

J'ai le vertige au bord du trou noir, mais je ne tomberais pas.
Je m'accroche, je veux m'accrocher.
Même si des fois je veux lâcher.

Quoi dire, quand j'arrive à me relever, les jambes tremblantes, prise de nausées, quand je reviens vers mon mari? Que lui répondre quand il demande où j'étais...?
C'est inimaginable, pour la plupart des gens, je pense.

samedi 11 octobre 2014

Lieux et personnes "ressources"

Quand on est dans ma situation (dépression, anxiété...) il est bon d'avoir des lieux et des personnes dites "ressources". Pour rompre avec l'isolement. Des personnes vers qui se tourner, des lieux où aller, quand ça ne va pas.
La MJC est un endroit de ce genre là.
Encore faut-il pour moi parvenir à arriver là bas.
Passer les portes, ça n'est pas mon fort. Faire des choses nouvelles. Entrer dans des lieux où je ne suis jamais allée pour rencontrer des gens que je ne connais pas.

Pourtant hier je suis parvenue à entrer dans la MJC Louis Aragon.

J'y ai rencontrées des personnes sympathiques. C'est un lieu ressource.
Mais encore faut-il que je sois en état d'y aller, que j'ai la force d'y aller.
Surtout en cas d'invitation.
Rien de pire.

J'ai été invitée à y aller cette après-midi.
Mais ça m'a torturée toute la journée, mon angoisse n'a cessé de croître, jusqu'à ce que je sois à la limite de la crise de panique. J'ai été obligée de prendre des anxiolytiques. Beaucoup. Plusieurs fois des demi barrettes de Bromazepam.

J'ai fini par accepter cet "échec personnel".
Mais ça a été dur, très très dur.

vendredi 10 octobre 2014

Beaucoup d'anxiété ces temps derniers

Depuis début aout, ça ne va plus très bien.
J'ai beaucoup perdu de mon équilibre antérieur. Les crises d'anxiété et d'angoisse s'alignent les unes derrières les autres, les crises d'agitation aigüe aussi, dans une moindre mesure.
Pas plus tard qu'hier, j'ai fais une crise d'angoisse au bureau de Poste, où j'étais partie poster un recommandé. La postière très gentille m'a proposé de m'asseoir, me voyant toute tremblante et bégayante, mais je savais que si je le faisais, je ne pourrais plus décoller de là, que l'angoisse deviendrait panique et que la panique me conduirait à me faire du mal...
J'ai fais ce que j'avais à faire, je suis sortie vite fait de là, j'ai marché le plus vite possible jusque chez moi et en bas de l'immeuble, je me suis enfermée dans la voiture et là j'ai laissé libre court à ma détresse morale. J'avais des spasmes désordonnés, décalés de mes sanglots, si forts au niveau du ventre que j'en ai gardé des courbatures! Qu'importe, ça vaut mieux que les lacérations que je me suis faites le 22 septembre.
Elles guérissent lentement... dermatillomanie. Je me gratte encore et encore les mêmes croûtes qui ne cicatrisent donc pas. En cas d'anxiété, c'est la tête que je gratte.
Dix jours après...

lundi 22 septembre 2014

Crise d'agitation aigüe

C'est une explosion et c'est dévastateur. ça me fauche, me lacère l'intérieur, l'extérieur.
Pour que ça arrive, il faut que je sois déjà dans un état d'anxiété avancé, sans maîtrise, sans possibilité de planche de salut, sans fuite possible. D'un seul coup les conditions globales ne sont plus supportables psychologiquement. La souffrance devient si intense qu'elle explose dans le cerveau, le déconnecte, il ne reste plus que la détresse, dans toute sa nudité, dans toute sa crudité.
On essaie de se défendre, malgré soi, on essaie de fuir, on devient un danger pour les autres et pour soi même.
Ayant encore un peu de maîtrise, c'est pour moi que je suis un danger. Physiquement.
Psychologiquement, il me reste les mots, l'agressivité soudain libérée.

Ce n'est pas une chose qui dure dans le temps.
En revanche c'est intense et très douloureux psychologiquement..
Pour moi, pour mon entourage. Pour toute personne qui s'inquiète pour moi.

"Crise de nerfs". C'est le petit nom qu'on donne à cet événement déchirant dans le langage commun.

J'y ai laissée ma peau.
Pas toute.
Grattage compulsif, brûlure au deuxième degré.


lundi 1 septembre 2014

C'est fait!

Nous revoilà en Charente.
Un déménagement riche en stress en en panique.
Il faut que je me soigne, mon mari aussi, et que nos prises en charges respectives ne se télescopent pas mais s'harmonisent.
Le quartier d'Angoulême?
Ma Campagne.
Résidence ?
Mas de la Pierre Levée.
7ème étage, même...

vendredi 22 août 2014

La semaine où j'ai décompensé de mes troubles anxieux...

Semaine du lundi 04 aout au dimanche 10 aout 2014.

Je m'inquiétais pour mon mari.
Sa maladie neurodégénérative continue inexorablement d'évoluer, grignotant sa vie, son autonomie, son indépendance... perturbant aussi sa façon de voir la vie, c'est à dire qu'elle influe sur son humeur, ses sentiments, sa résistance aux contrariétés. Oui, quand on est malade, diminué, qu'on a mal, et bien il se trouve qu'on est plus facilement déprimé, dépressif, parfois même un peu agressif avec les autres.
Je pense que ça peut se comprendre.

Je m'inquiétais donc pour mon mari, que je trouvais parano et morbide.

En fait c'était moi qui était en train de complètement péter les plombs, avec paranoïa, interprétations délirantes des situations, agitation, distorsions cognitives complètement tordues, etc.

Le lundi, on a signé la procuration devant permettre à mon père de signer pour notre compte l'achat d'un appartement de 90m² à Angoulême, où nous retournons vivre.
J'étais toute fière de mon mari, qui m'avais fait un bel alphabet de la main gauche, juste après m'avoir écris une suite de nombres allant de 1 à 30.
Fière comme une maman devant les premiers gribouillis de son enfant, j'étais.
Et en même temps un grand, grand soulagement, l'impression que des mois de souffrance psychique allaient enfin trouver leur fin grâce au déménagement. J'allais enfin pouvoir souffler grâce à la famille, grâce au changement de prise en charge...
Souffler...
Souffler...
Cette idée est alors devenue une obsession.
À un tel point que j'ai commencé à vouloir souffler, déjà.
Ne plus devoir tenir, avoir à faire face à tout ça, à tous les impératifs de notre vie jusque là...
Le lever, le petit déjeuner, la toilette, l'urinal, la crainte des fausses-routes, les craintes de contrariétés pouvant entraîner une agressivité, une volonté de mort de la part de mon mari. Les impératifs du fauteuil roulant, des sorties, des non-sorties... etc.
Sentant que j'allais mal et que mon mari allait mal, j'ai essayé de joindre notre médecin traitant.
En vacances.
J'ai eu sa collègue du cabinet, le Dr.F.
J'étais dans un état d'agitation important, j'avais peur, j'étais épuisée.
La doctoresse, qui ne m'avait jamais vue (et ne me verra plus jamais, grrrr) en consultation ne m'a été d'aucun secours...
J'ai ensuite eu au téléphone ma famille au téléphone, ma sœur, mon père, une belle sœur.... Au bout du compte, en fin de journée, j'étais à bout, je voulais que "ça cesse", et j'ai carrément appelé le SAMU pour mon mari. Qui n'était pas agité. Enfin... pas plus que n'importe quel mari qui voit sa femme s'agiter sans raison apparente. Il faut dire quand même qu'il disait (ou je m'imaginais?) des trucs genre "tue moi", "il faut que je meure" et autres délicatesses.
Le SAMU a débarqué, avec les pompiers, trois urgentistes du SAMU, quatre pompiers, sept personnes en tout. Mon mari était dans le fauteuil du salon, il avait l'air d'aller bien, il était relativement calme vue la situation, logique, cohérent. Moi par contre, j'étais agitée, très très agitée, en larmes, limite "hystérique", comme on dit. Mais j'avais appelé pour mon mari, et le constat de l'équipe du SAMU, c'est que mon mari allait bien. Alors ils m'ont laissée, seule avec lui et mon désespoir, que je ne savais même plus dire, expliquer.
Ils m'ont laissée avec la haine, celle que je voyais dans le regard de mon mari...

Le mardi j'allais de mal en pis. Mon mari me haïssait pour "ce que je lui avais fais", pour avoir "essayé de me débarrasser de lui".
J'étais en grande souffrance face à ces mots que je me prenais dans la face comme la dureté des pierres d'une lapidation publique. Je me sentais irrémédiablement coupable, acceptant le châtiment, convaincue au plus profond de moi que ma trahison à son égard, m'avait déchue sans retour possible dans son estime.
J'ai appelée la généraliste, le Dr.F. pour lui demander un rendez-vous, comme je l'aurais fais dans les mêmes circonstances avec mon médecin traitant, le Dr.R.. Pas avant 18h15.
J'étais désespérée. Je perdais les pédales, et je ne disais rien à mon mari de cette détresse psychologique, partagée entre la colère et l'amour. Pour moi c'était évident que c'était... évident ! Je n'ai même pas pensé à lui dire, lui expliquer, que le Dr.F. était la collègue généraliste de notre médecin traitant.

Pour ajouter à tout ça, comme mon mari me semblait agité (à la suite des événements de la veille, c'était compréhensible), j'ai demandé à l'association d'aide aux personnes qui intervient chez nous au titre de l'APA, de nous envoyer quelqu'un pour l'après midi. Fanny, notre aide ménagère était disponible, elle est venue fissa.

Si je voulais une présence en mon absence, c'était parce que j'avais peur que mon mari se fasse du mal, après qu'il eut affirmé à plusieurs reprises vouloir crever, après qu'il m'ait aussi demandé de le tuer...

Je voulais voir la généraliste pour lui dire que je n'en pouvais plus de la situation. Que je ne parvenais plus à me sentir épouse, que je ne me sentais plus qu'aidante, que j'avais le sentiment de ne pas pouvoir, de ne pas avoir le droit de le dire, de ne pas avoir le droit de souffrir de la situation. Je voulais dire à quelqu'un du corps médical que je n'en pouvais "simplement" plus, plus, plupluplu...
Et je que donc je voulais être hospitalisée, car sinon on courrait au drame... Mais je voulais que la prise en charge de mon mari soit en cohérence avec mon absence.

Mais elle n'a rien comprit. Rien du tout. Elle a promit qu'elle contacterait la clinique, mais elle n'a rien fait pour mon mari, en fait.

Je suis rentrée à la maison. Les choses étaient pires, les choses allaient mal, mais je ne savais toujours pas dire à mon mari à quel point ça allait mal. Il faut dire que chaque fois que je me suis plainte, j'ai eu à affronter une remarque agressive telle que "qu'est ce que je devrais dire, moi?!?", comme si c'était un concours.
Aucun point de comparaison ne peut être fait entre nos souffrances, sa maladie, mes TAG, son anxiété, ses douleurs. Aucune n'est acceptable. La douleur, c'est toujours inacceptable, quelle que soit la cause, qui que soit la personne qui y est exposée.
pourtant depuis des mois, je devais taire ma souffrance, mes craintes, mes angoisses. Pire je devais être disponible pour toutes ses attentes, pour l'aider à marcher, pour lui préparer des repas adaptés, pour l'emmener chez les prestataires de soins, pour l'emmener se promener, pour assouvir ses plaisirs. Ma volonté, mon désir, mes angoisses, tout ça, ça n'avait pas voix au chapitre. Ou alors c'était stigmatisé, c'était "mal" de ma part de ne pas être bien, de ne pas avoir envie de faire ci ou faire ça, parce qu'il est malade, et qu'on ne tire pas sur une ambulance. Et je me laissais écraser, voilà tout, stoïquement, pour éviter tout conflit, toute contrariété à l'Homme que j'Aime.

Le mercredi, je trouvais que mon mari était agité (à la suite de mon appel au SAMU de lundi soir, il avait consacré une partie de son après midi de mardi à appeler les membres de sa famille pour leur dire pourquoi ils devraient me haïr, que je ne l'aimais plus et voulais l'éliminer le plus vite possible.
Il se gardait bien de dire qu'à de multiples reprises il m'avait demandé de mettre fin à ses jours, lors de diverses crises d'angoisse au fil des derniers mois...

J'ai donc encore appelé la généraliste, qui m'a proposée une consultation en urgence à la permanence psy de l’hôpital, mais il fallait y aller par nos propres moyens et j'étais sure et certaine que Alain ne voudrait pas. Non non non non non non.
Je n'étais pas en état de l'entendre, de la comprendre, lorsqu'elle me disait de faire monter Alain dans la voiture sous un faux prétexte. J'étais alors convaincue que c'était impossible. Aussi le Dr.F. a dû abandonner cette idée, pourtant la plus simple, la meilleure...
Donc elle a appelé les ambulances et on est allés aux urgences. Il a du falloir 6h pour que Alain voit la psychiatre (qu'il aurait vue en 10 min si j'avais été en état d'entendre ce que Laure F., la généraliste, m'avait dit...). 8h aux urgences en tout.

Le jeudi ça allait à peu près, je crois?
J'ai essayé de démêler la réalité de mes troubles cognitifs, mais ça n'était pas top quand même.
J'ai beaucoup appelé ma famille, suite à l'épisode des urgences. Je sentais que je débloquais, que je faisais n'importe quoi à cause de mon état de panique croissant. À cause de la souffrance croissance. Il n'y avait plus que ça en moi. La douleur, la souffrance. La colère aussi, le sentiment d'incompréhension.

Le vendredi, on avait rendez-vous chez la neurologue de mon mari à 8h. Elle avait été injoignable une grosse partie de la semaine, s'étant cassé le pied le dimanche 03 aout en descendant un escalier. À 7h40 l'ambulance était là pour ce petit voyage. Heureusement parce que l'accès au cabinet serait devenue impossible sans les grands ambulanciers baraqués.
Le rendez-vous s'est très bien passé. On a eu une grosse bise de Monika, tout sourire malgré son pied en attelle (2 métatarses en morceaux).

Malheureusement, une fois qu'on a été de retour à la maison, j'ai commencé à aligner de grosses crises d'angoisse, avec une sensation de dépersonnalisation, une impression de "devenir folle". Être là... mais pas là. Se sentir absente à soi même, absente au monde mais se savoir là quand même. Vraiment, ça n'allait pas. Je voulais "disparaître" (mais pas mourir), m'enfermer au fond d'un placard, dans un tas de couvertures et de couettes, dans un nid, dans le noir, disparaître...

À 11h, je suis allée à la permanence du CMP et on a décidé de mettre en place une prise en charge à partir du lundi suivant avec mon infirmier référent, mais dans l'après midi, ça a été de pire en pire, j'étais parano, hyperactive, complètement aliénée par mes devoirs envers mon mari, son manque de "reconnaissance", son manque d'empathie envers ma propre souffrance, mon épuisement face à la situation...
J'étais très très mal.
Du coup j'ai demandé au CMP de m'envoyer au CHS, sauf que personne ne proposait de solution pour Alain qui dépend pourtant à plus de 95% des autres, c'est à dire de moi... J'ai cherché auprès de toutes les ressources dont je disposais, c'est à dire bien peu de monde, et finalement on ne m'a proposé aucune solution valable.

Ce qui fait du mal à mon mari ne peut pas me procurer de bien être. Mon bien être, au prix de son abandon, c'était et ça reste inenvisageable. Sans contradiction possible.

Donc à 17h30 environ, j'ai laissé tomber l'hospitalisation. J'étais épuisée, j'avais abandonné totalement.
Ce jour là, j'ai fais une décompensation massive de mes troubles anxieux. Larmes etc, parano, dépersonnalisation, douleur psychique à 7 ou 8, je savais plus qui j'étais, je hurlais que je n'en pouvais plus, des trucs cohérents et d'autres pas, je bavais tellement je pleurais...

Mon mari est tombé des nues.
Il m'avait jamais vue comme ça.
Il pensait pas que les TAG, ça pouvait faire ça. Il était perdu et très très triste.

C'était entre le 4 et le 8 aout.
Je ne suis pas encore remise.
Mes parents se relaient pour être là le weekend et j'essaye de préparer le déménagement du mieux que je peux.
Voilà.

mardi 12 août 2014

Décompensation

Je dois dire que ça faisait plusieurs mois que ça traînait. Comme un rhume qui est là, qu'on sent, qu'on mouche mais contre lequel on ne fait rien. Jusqu'au jour où la bronchite débarque, pire, la pneumonie.

Mes troubles anxieux généralisés, pour lesquels j'ai une ALD reconnue à la Sécu (Affection de Longue Durée, communément appelée aussi "100%") et une reconnaissance de handicap supérieur à 50%, c'est un peu ce rhume à la con. Des troubles récurrents, gênants, avec j'ai appris à vivre, puisque de toute façon je vis avec depuis toujours. En gros, j'ai appris au fil du temps à compenser, à cacher tout ça, comme une femme de ménage un peu malhonnête qui cache la poussière sous le tapis.

La plupart du temps, mes TAG ne se remarquent pas, je vis plutôt bien. Pendant à peu près 30 ans, bon, j'ai eu des phases dépressives vraiment pas top, j'ai développée une phobie sociale de plus en plus invalidante, mais bof quoi! rien de "grave", qui fasse de moi une "malade". J'avais des mécanismes de défense plus ou moins au point qui me permettaient de faire face et de faire semblant d'aller bien, d'avoir "pieds". J'avais des ressources de protection, genre mon homme à moi. Sauf que mon homme à moi est de plus en plus dépendante et que du coup mon équilibre était de plus en plus précaire. J'ai perdues les choses, les repères qui me permettaient de compenser mon mal être profond.

Tout ça m'a pêté à la gueule.
Enfin, nous, parce que moi, mon mari, nos familles, on est tous dans le même bateau. Mais mon mari plus que les autres, quand même.

La décompensation en matière psychiatrique, que ce soit en matière de névrose ou de psychose, c'est toujours "spectaculaire". Et effrayant. C'est une crise majeure qui marque l'effondrement de l'équilibre qu'on s'était construit. C'est un choc, c'est violent, douloureux.

Chez moi, ça s'est traduit par une grande agitation, de la confusion voire des bouffées délirantes. C'est monté, monté au fil des jours, sur à peu près une semaine, pendant laquelle j'étais persuadée que c'était mon mari qui était confus, délirant, parano...

Aucune vraie prise en charge thérapeutique. Les médecins que j'ai croisés n'ont soit rien vus, parce que focalisés sur mon mari, soient se sont placés eux mêmes en position d'impuissance parce que, bien que voulant m'aider (via une hospitalisation), ils ne suggéraient aucune aide pour mon mari, qui, je le rappelle, souffre d'une maladie neurodégénérative qui le rend dépendant des autres, car son invalidité dépasse largement les 80%.
Un cauchemar.

Bon. En matière de névrose, la décompensation est le plus souvent transitoire. Même si je me sens très très fatiguée, ça va beaucoup beaucoup mieux. Je ne me cogne plus la tête contre les murs, je ne suis plus paranoïaque et mon sentiment de dépersonnalisation a prit fin.

Mais vendredi 8 aout, les choses étaient très très différentes.
J'ai décompensé de mes Troubles Anxieux Généralisés et fait réaliser à mon mari qu'il ne connaissait rien de ma maladie. La phobie sociale, c'est le sommet visible de l'iceberg. Les TAG, c'est la maladie qui me bouffe par tous les bouts, qui me vide de mon énergie, m'empêche de rien voir de la "vraie" vie, parce que j'ai peur de tout, de la peur qui fait peur aux peureux et surtout, surtout... j'ai peur de moi.

lundi 21 juillet 2014

Fatigue nerveuse

Ces derniers temps, mes muscles bougent tous seuls, je tressaute de partout.
Mon cerveau aussi, je suis inquiète de tout et surtout n'importe quoi.
Mon humeur change.

Le déménagement se rapproche, et tous ses grands tralalas...
Je m'inquiète de la santé de mon mari.
Je m'inquiète de tout.

Émotions intenses, souvent douloureuses.
J'ai peur de perdre pieds!

Plus de potager... j'ai semé du gazon japonais et aussi des lentilles et quantités de choses... Beaucoup de plantes. Une sorte de remise à zéro.

dimanche 1 juin 2014

Briser le silence...

01 juin 2014

Il y a des choses que je ne peux pas écrire actuellement sur mon blog. Je veux dire, à la date où j'écris ces mots, qui resteront enfouis dans mes brouillons pendant... des mois? Des années? Je ne peux pas le dire.
Ces choses, elles concernent ma souffrance de vie avec mon mari malade et de plus en plus dépendant. Elles concernent notre vie ensemble tellement cadrée qu'elle en est étouffante. Mais il faut que j'écrive, que je partage, même si ce partage sera nécessairement différé. Parce qu'il est hors de question pour moi de prendre le risque de blesser mon mari.

Alain m'aime [d'une façon tordue, qui se rapproche plus du sentiment de propriété et de supériorité que de l'attachement véritable], et je suis attachée [malgré moi] à Alain, mais les choses ne sont pas simples.
Il y a sa maladie, la DCB.
Il y a mes troubles psychiques, troubles anxieux généralisés ayant générée une phobie sociale invalidante.
Il y a aussi la personnalité anxieuse et psychorigide d'Alain, qui le poussent à un besoin de contrôle dépassant parfois les limites du "normal" dans une vie de couple, dans une relation à l'autre, dans la gestion de la vie quotidienne. [en vrai, c'était un pervers narcissique, avec des tendances à la paranoïa et à la mythomanie]

J'ai longtemps été frustrée de ne pas pouvoir écrire tout ça sur ce blog. Que devais-je faire? En créer un autre, qui lui soit inconnu, qu'il ne puisse pas lire? Garder tout ça pour moi?
Pendant un temps j'ai trouvés des exutoires dans mon agenda et dans les courriels envoyés régulièrement à mes parents. Mais ça ne suffisait pas. Alors j'ai examinées les solutions et c'est celle ci qui m'est apparue la plus judicieuse, la plus juste.
Le concept de la capsule temporelle, dans laquelle on se confie, et dont on ne peut pas prévoir la date d'ouverture.


Il y a un an, en juin 2013, j'ai commencé à confier à mon agenda des choses concernant ma vie avec Alain et sa maladie, la mienne, avec nos souffrances communes et la mienne, intime.
Ainsi le 10 juin 2013, j'écrivais:
"Je ne dors toujours pas très bien. Je reste attentive à Alain, que j'entends souffler de douleur la nuit. Rien ne le soulage vraiment. Quand il se lève, vers 4 ou 5h, je me réveille puis dors enfin "normalement"..."
Au fil des jours, j’annotais les pages sur mes réflexions concernant ma fatigue (nerveuse), mes passages à vide de plus en plus intenses, ma souffrance au travail, mes déprimes récurrentes, mes moments de lassitude, mes envies de rien, ma dépression.
Parfois, rarement, je rapportais mes bons moments, mes bonnes journées, les moments dont j'étais fière, les discussions enfin enrichissantes que j'avais avec ma mère.
Le 4 juillet 2013, après la venue de ma maman deux jours j'écrivais:
"Je suis abattue cette après midi et ce soir: c'est l'habituel contrecoup. Mais ce qui est nouveau, c'est de percevoir cet abattement, alors qu'avant c'était dilué dans mes autres symptômes. Aujourd'hui, le rebond se fait dès le lendemain et ne demande plus des jours et des semaines."
Malheureusement j'ai "régressé" les mois suivants. Les contrecoups ont reprit leur intensité passée, peut être même en pire, au fur et à mesure que la dépression s'est aggravée.

Bref.

Le 5 juillet 2013 j'écrivais :
"Enfin le weekend! Quelques passages à vide aujourd'hui.
Je sens qu'Alain est angoissé. Il comptait beaucoup sur l'arrivée du beau temps pour se sentir mieux, mais ça ne lui fait pas grand chose, finalement.
J'ai des angoisses moi aussi. Genre qu'il tombe ou s'étouffe.
Des choses qui me terrorisent en permanence"

Je crois que ça pourrait être la première capsule temporelle. Les premières lignes que je n'ai pas osé transposer dans le blog.

Et puis...

Le 10 juillet 2013, c'était un mercredi.
"À midi, en revenant du travail, je me suis arrêtée à la pharmacie et à Intermarché pour acheter du pain. Je suis arrivée à la maison à 12h31 et j'ai eu "droit" au refrain du "T'étais ?!? Tu t'es arrêtée? Tu aurais pu prévenir! Téléphone quand c'est comme ça!!!" et surtout Alain m'a littéralement agressée d'un "Tu n'es jamais arrivée si tard!!!". J'étais complètement choquée, je me suis sentie épiée, surveillée, prisonnière."

Le lendemain 11 juillet, j'écrivais encore :
"Ce n'est pas mes "retards" qui angoissent Alain. Pas le fait que je ne sois pas là. C'est l'absence d'informations. Donc si je le préviens, en téléphonant, en envoyant un SMS, tout va bien. C'est son anxiété, ses angoisses qui sont donc en cause. Du coup j'ai du mal à lui en vouloir.
J'aimerais tellement qu'il s'apaise".

Au fil du temps, au fil des jours, j'ai continué à annoter les "petits" événements de notre vie courante.
Des choses qui, misent bout à bout, concrétisées par l'écriture, ont finit par me laisser voir le caractère dysfonctionnel de notre relation, au delà de ses angoisses, au delà de sa maladie. Des choses qui ont finit par me montrer pourquoi je plongeais davantage dans la dépression, pourquoi je n'arrivais pas à affronter les choses.

Publié avec 3 ans de décalage, en 2017, mais "planifié" pour s'insérer dans les billets de 2014... Forcément, Alain étant décédé fin aout 2016, l'impact est différent. Les passages entre [...] indiquent les modifications faites en 2017.

lundi 12 mai 2014

Respect et colère... Être ou paraître... quelques sources de quiproquos.

Mon mari, Alain, est malade. Une fichue saloperie de maladie neurodégénérative, rare et incurable.
Je m'occupe de lui, de nous, de notre vie, comme je le faisais "avant". Un peu plus, peu à peu. Je vois mon homme malade, je vois mon homme changer, je vois mon homme souffrir, rempli de la conscience de son état. Nous sommes loin de la famille, la mienne, la sienne, les amis. Donc les autres, globalement, ne voient pas la maladie évoluer. Et je ne peux m'empêcher de penser craindre, qu'ils sous-estiment les choses.

Il faut dire que quand nous avons de la visite, Alain a envie de se montrer sous son meilleur jour, combatif. Il a envie de rassurer les autres, et je le comprend. Mais entre le quotidien et ces jours exceptionnels, il se creuse parfois un fossé qui, finalement, me semble couper nos proches de la réalité des choses. Le paraître prend le dessus, source de quiproquos.

Ces derniers mois, j'ai été très mal. J'étais en colère, je refusais, je ne savais pas comment réagir à certaines situations. J'ai appelé au secours et, heureusement, j'ai reçu du soutien. De ma famille et de ma belle famille. Mais je n'appelais que ceux que j'estimais que ma détresse ne bouleverseraient pas trop. Or de question d'ajouter de la souffrance à la souffrance. Donc je n'ai pas appelés les fils de mon mari. Je les ai laissés dans l'illusion du "paraître", celui du téléphone, celui des visites. Mais ainsi nous avons tous entretenues des idées, des visions fausses, tronquées.

L'évolution de la maladie d'Alain, je n'en parlerais pas ici. C'est privé. Juste, je parlerais des événements des dernières 48 heures, téléphoniques et intérieurs.

En fait il faut remonter un peu plus loin pour comprendre...

À l'automne, le fils d'Alain qui vit en Guadeloupe est venu.
Attristé par le fait que son père ne sorte plus, il a insisté pour faire des choses, et je pense que c'était bien. Depuis, nous sortons régulièrement. Mais son père, pour le rassurer, l'arracher à la déprime, a été un peu au delà de ses limites. Alain a accepté de sortir presque tous les jours, malgré la fatigue. Mais il voulait tellement faire du bien à son fils! Pourtant ça l'a épuisé, mais il n'en a rien dit, sauf à moi. Beaucoup de choses faites, de barrières franchies grâce à ce fils, mais pas assez de temps passé vraiment entre père et fils. Au départ de son enfant, Alain a souffert de l'absence. Rien n'aurait pu lutter contre ça.
Est-ce qu'il lui a dit au téléphone? Je ne sais pas.
Ils sont un peu "taiseux", dans la famille.

Pour moi, se dire qu'on s'aime, que les gens nous manquent, c'est important. Leur dire les choses, comme "je me montre agressive sur tel ou tel sujet, parce que je sens de la colère ou de l'agressivité quand tu en parle", c'est important aussi. De dire "je préfèrerais qu'on évite ce sujet, parce que ça me fait du mal, mais je t'aime et ça ne change rien entre nous", c'est important aussi. Je l'ai fais avec ma mère.
Communiquer, s'écouter, se comprendre, ça n'a pas de prix.

Mais revenons à nos moutons.

Au mois de mai, les jours impairs du calendrier sont de "bons jours" pour Alain: il se sent relativement bien, a souvent envie de faire des choses, de sortir; il se sent plus à l'aise au téléphone; il est moins sensible à la contrariété.
Les jours pairs, à l'inverse, sont des "mauvais jours": il est plus fatigué, a davantage de douleurs et est plus sensible aux contrariétés, même "minimes". D'ailleurs je suis souvent angoissée ces jours là, parce que je ne sais pas toujours ce qui est susceptible de le contrarier. Une chose est sûre: parler au téléphone ces jours là, c'est une contrariété. Toute contrariété est susceptible de provoquer une crise d'angoisse. Et les crises d'angoisse sont compliquées à désamorcer, parce que c'est l'irrationnel, la peur, et donc l'agressivité, qui prennent le dessus.

Mardi 6 mai nous avons vu le médecin généraliste, qui a prescrit un nouveau médicament et j'ai fais la gaffe d'en donner à Alain.
Alain est hypersensible à de nombreuses molécules. Un simple sirop contre la toux peut produire des effets somnifères et amnésiques chez lui. Alors mieux vaudrait être prudent avec toute la pharmacopée. Mais je le voyais en souffrance, tout son visage, son être entier, montraient qu'il avait mal. Je lui ai donné le fameux médicament... S'en sont suivis plusieurs jours de malaise (étourdissements, fatigue intellectuelle et physique, nausées...).

Samedi 10 mai, Alain se remettait de la "saloperie", mais c'était un "mauvais jour". Il a reçus deux coups de téléphone ce jour là, de gens qui l'aiment et qui ne pouvaient imaginer une seule seconde que ça pourrait produire un raz-de-marée de contrariété et donc de souffrance psychique.
Personne ne peut l'imaginer. Même moi, je n'y suis pas complètement "faite", et quelque part, j'espère que je ne le serais pas, que je ne deviendrais pas "blasée". Mais quand même, il faudra que je m'habitue, parce que la souffrance d'Alain me jette dans le raz-de-marée avec lui. Le courant m'emporte et la colère me submerge sans que je parvienne à me raisonner.
Samedi, je suis aller marcher, un coup de téléphone est arrivé pendant que j'étais absente et j'ai retrouvé mon homme tout retourné. De ce qu'il m'a dis, j'ai quasi aussitôt tirées des conclusions hâtives et je me suis emportée.
♦♦♦

J'en avais marre!
Marre des gens qui ne comprennent pas la souffrance d'Alain!
Marre marre marre!
Marre de ceux qui téléphonent les mauvais jours, sans imaginer l'effet que ça peut lui faire!
Marre!

Je hurlais dans ma tête... Je hurlais de douleur, et les idées se télescopaient, me brutalisaient
Je me disais, mon homme, il a tellement mal dans son corps, mal à sa main, à son bras, sa jambe, sa cheville. Il a mal à sa nuque aussi, et il a mal à sa bouche quand il parle, mais aussi mal à ses poumons, il a mal partout, partout dans le corps, dans le cœur de lui même,dans l'âme. Parler ces jours là, les "mauvais" jours, que ça parte de la tête ou pas, c'est épuisant. Peu importe si c'est de la pensée magique, pour lui cette alternance est réelle. Toute souffrance est réelle et personne n'a le droit d'en contester la réalité et l'impact.
Les "mauvais jours", toute contrariété coupe le souffle à Alain, lui décuple sa douleur, le fait mourir un peu plus vite. Et je me disais que les gens, les autres, ceux qui ne sont pas là, ne se rendent pas compte, ne comprennent pas, ne peuvent pas comprendre.

J'étais en colère contre les uns et les autres. Contre ceux qui essayent de dédramatiser en disant "ça va aller mieux", pour se rassurer, eux aussi. Contre ceux qui ont peur devant la détresse d'Alain et lui conseillent de "se reprendre".
Je hurlais de colère et de détresse, je voulais les bouffer, ces négationnistes de la souffrance, de la réalité du désir d'en finir de mon mari, de mon Amour. J'en avais marre de ce que je percevais comme du déni, j'étais hors de moi, hors de ma contenance, hors du bon sens même. Je voyais l'angoisse d'Alain et j'étais bouleversée.
 
Être dans cet état ne me réussit pas. Souvent je démarre au quart de tour et j'écris des choses que je regrette profondément, après.

Mais samedi, je ne pensais qu'à Alain.
Au fait qu'il tend à éviter au maximum la venue de qui que ce soit parce qu'il se sent tellement diminué qu'il ressent probablement un fort sentiment d'humiliation d'être vu ainsi. Samedi, je pensais à tout ça, je le regardais et imprimais sur lui mon anxiété d'exposition, lui donnais des motifs. Peur du regard des autres sur soi. Anxiété de performance, peur du jugement éventuel, et j'avais mal pour lui, j'avais peur pour lui.
J'avais peur pour les autres, aussi. peur qu'ils souffrent.

J'étais dans la tempête et j'étais en colère, persuadée qu'eux, les autres, la famille, les amis, tous, sauf un ou deux, étaient dans le déni. J'étais furieuse et irrationnelle. Je jugeais et, quelque part, j'avais de la méchanceté en moi. J'estimais que les autres ne comprenaient pas, mais que moi si. Et j'étais triste parce que j'avais peur que les autres souffrent, à se tenir éloignés de la vérité. Alors...

J'en avais marre, marre des gens qui ne veulent pas comprendre que, quand on sait qu'on va mourir, on a envie de sentir que nos proches sont là, vraiment , qu'ils nous voient, sont attentifs, nous aiment, veulent qu'on le sache. Qu'ils savent qu'on est toujours là, une personne, pas un enfant ou un débile, pas un incapable ou une coquille vide, et encore moins la personne qu'ils voudraient qu'on soit. Quand on sait qu'on va mourir, on aimerait que les tracas restent de coté et qu'on se comprenne les uns les autres...

Et pourtant je ne comprenais pas.
Il n'y a pas de vérité en amour ni en souffrance. Chacun gère comme il peut ce qu'il a dans son cœur. Moi, par exemple, je gère assez mal, et j'en souffre beaucoup. J'ai besoin du soutien permanent de mes parents, de ma sœur et parfois d'une de mes belles-sœurs, pour tenir. Par mails, SMS, téléphone.

Samedi, toujours, je me disais et écrivais qu'il y a un moment où il faut laisser le déni à sa place et accepter l'inéluctable.
Certes.
Pas pour aujourd'hui ou pour demain, accepter qu'il n'y a pas de compte à rebours, mais que maintenant, il faut être prêt. Comme si c'était pour demain, pour bientôt. Accepter la mort prochaine de celui ou celle qu'on aime, c'est aussi lui épargner des tourments, lui apporter de la paix intérieure. C'est se donner les moyens de faire du temps qui reste un cadeau, une belle chose, un partage. C'est accepter de montrer à la personne qu'on aime tout ce qu'elle représente pour nous, lui donner tout ce qu'on peut et arrêter de lui demander de faire ou d'être ce qu'on aimerait, arrêter d'essayer de lui proposer ou de lui imposer ce qu'on penserait être le mieux pour elle.

Accepter la personne et apaiser ses angoisses.
Non pas approuver tout sans discuter. Au contraire, communiquer sereinement, partager, donner à voir qu'elle existe encore.

Sinon on perd cette personne, bien avant qu'elle soit partie. Parce qu'on a pas su la respecter. Parce qu'en voulant la "sauver", on l'a niée, infantilisée, on a pas respectés ses choix. La personne qu'on va perdre n'a pas choisi de tomber malade, de souffrir "comme jamais on aurait pensé pouvoir souffrir". La personne ne cherche pas à nous faire du mal. Elle a besoin de savoir que nous l'aimons et respectons ses besoins et ses choix, quels qu'ils soient.

Alain a besoin de tout ça, et je le lui donne, je le partage avec lui.
Mais samedi j'ai oublié que tout le monde a droit à ça. Tout le monde sans exception. Lui, moi, mes parents, sa famille, ses fils. Respect et écoute.

Alors finalement... marre... marre d'être moi, de me laisser emporter, de ne pas savoir appliquer à moi même mes préceptes d'écoute et de tolérance, de respect mutuel, d'égalité.
Et honte.


samedi 3 mai 2014

Peur sur la ville

Rassurez vous, je ne vous tourne pas un film de série B. ^^

J'ai écris dans mon précédent billet que nous voulions retourner vivre en Charente. Bon, je dois l'avouer, c'est surtout moi qui ai ce souhait. Je crois que pour mon mari, l'essentiel sera tout simplement de quitter la maison que nous habitons actuellement, achetée à une époque où les montagnes des Pyrénées étaient luisantes de promesses. Randonnées, grand air, balades.
Avant la maladie.

Moi, j'ai besoin de retourner près des miens, de ma famille, des lieux que j'ai connus et que veux connaître à nouveau,  m'adapter aux changements dans un décor rassurant.

J'ai besoin que ce soit Angoulême. Mais pas le centre ville.
Il n'y a pas la vraie vie là bas. 
On croise les gens, les commerçants, mais on ne se connaît pas. Les gens qui habitent en centre ville, ou "sur le plateau", ils ne connaissent pas leurs voisins, ils n'ont pas la vie de quartier à laquelle j'aspire.
Et puis je suis toujours en grande difficulté vis à vis des "commerces de proximité". À quoi bon vivre en centre ville si c'est pour s'en trouver prisonnière?
Je me connais : soit je ne sortirais pas du tout, ou très peu, soit je fuirais vers l'extérieur, vers les zones commerciales dépersonnalisées, uniformisées, vides du regard des autres, dans lesquelles je pourrais facilement me noyer dans l'indifférence générale..

Je ne veux pas plus de la périphérie, du "Grand Angoulême", un peu comme ici. Pas loin de la ville. Mais déjà loin. Une maison. Deux ou trois voisins à qui on dit bonjour. Le pain qu'on peut aller chercher à pied de temps en temps, quelques courses à Intermarché, mais la bagnole tout le reste du temps, vu que les bus ne viennent pas jusqu'ici.

Le bas du plateau, quand j'y pense, ça me donne le vertige à l'envers.
Le centre ville d'Angoulême trône en effet dignement sur un plateau rocheux, surplombant la plaine, à l'ouest, où s'écoule le fleuve vers l'océan. C'est comme si j'y étais écrasée, toute petite. Habiter en bas du plateau, c'est peut être disparaître, un peu. Je ne dois pas etre assez humble. Et puis c'est des endroits que je n'ai jamais "fréquenté", par le passé, alors en toute logique, j'ai peur.

Mais il y a quand même des appartements très bien par là bas. Pourquoi pas,  après tout? On pourraient être heureux là bas, vers Sillac.

Si ce n'est mon obsession pour Ma Campagne, son Intermarché, ses chemins de promenade, sa MJC, son labo d’analyses, ses infirmiers, ses médecins, ses kinés...

Oui, parce que, à Angoulême,  il y a le parfait endroit pour moi.
C'est un quartier.
On est pas en centre ville,  mais "intramuros" quand même.
Il y a les bus et cette super MJC de avec plein d'activités qui me font tripper un max.
En voiture, on est à même pas 5 minutes du centre ville. Arrivée direct dans un parking souterrain, avec ascenseur aux normes d'accessibilité, galerie commerciale, artère piétonne. Tout est à portée.

Le quartier de Ma Campagne est desservi par plusieurs grandes artères qui permettent d'aller facilement partout (au nord par le tunnel, au sud vers chez ma soeur, à l'ouest et à l'est par la D1000 qui contourne l'agglomération.

Mais surtout ce que j'aime à Ma Campagne, c'est une sorte d'esprit "ordinaire". Je veux être , croiser nos voisins dans les escaliers, les jeunes, les vieux, les sympas et les pas sympas, demander des nouvelles, aider à porter un truc. Jamais me cacher. Pas cacher que je suis "bizarre", sans l'exposer à tout bout de champ non plus. M'intégrer, faire mon  nid, en haut d'un immeuble, couver le quartier comme si c'était moi même. L’œuf et la poule. Être au dessus de l’œuf et au chaud dans l'oeuf. Je sais, c'est un peu con, tout ça, hein?

Je vais sans doute être déçue, d'une manière où d'une autre... On pourra peut être pas acheter là bas. Mon rêve restera un rêve parce que je ne serais pas capable de me défaire de mes sales habitudes de fuite. Ou autre chose encore.
Mais tout le monde a le droit de rêver, non?

En tout cas, j'ai envie de vivre en appartement.  Je sais pas pourquoi. C'est comme ça, c'est rassurant. Et pas trop bas, en plus. Nid d'aigle.
Bref, je suis chiante.

Pas si peur sur la ville, en fait. Juste je veux pas être "en" ville, comme mangée,  engloutie, effacée

Mais peu importe tout ça.
Nous trouverons.
Là où nous choisirons d'habiter, nous serons bien.
Il le faudra.


mercredi 23 avril 2014

Cherche appartement ou maison sur Angoulême

Bon pour commencer, ça va mieux.

Mon psychiatre m'a bazardé mon Seroplex contre de la Paroxétine. J'en prend deux fois pas jour, et en cas d'anxiété palpable, des quarts de Bromazépam (ou Lexomil).

Je n'ai plus de palpitations et surtout j'ai commencé à perdre du poids, vu que j'étais quand même montée jusqu'à 79kg et des patates. J'ai même perdus 3,5 kg entre le 20 mars et le 18 avril! En faisant quoi? Ben rien. Juste en mangeant à ma faim et en arrêtant quand je n'ai plus faim, sans attendre d'avoir trop mangé. Et je n'ai plus de compulsions alimentaires. Donc mes assiettes aux repas sont presque trois fois moins pleines et je n'ai plus de calories supplémentaires entre les repas.

Après, le poids, c'est pas tout. Je me sens mieux globalement. Je n'ai plus les passages à vide que j'ai pu avoir à certains moments et je retrouve le plaisir de partager ma vie avec Alain.

Nous allons "rentrer" en Charente et y acheter un appartement dans les quartiers sud d'Angoulême. Pour l'instant on cherche, c'est à dire que je fais une sélection d'appartements et maisons sur les sites de ventes immobilières et je mandate mon gentil pôpa pour qu'il fasse les visites.
À un moment j'ai fais une fixette sur un quartier, mais un mail de ma sœur m'a fait réaliser qu'en fin de compte, peu importait le quartier: l'important c'est qu'on trouve un endroit adapté à la vie de mon homme.

J'espère qu'à l'horizon de septembre 2014 nous aurons quittée la région tarbaise et rejoint l'angoumois.
Voilà.


mercredi 19 février 2014

Besoin de m'abandonner

Ces temps ci je suis toujours sur le qui-vive. À l'écoute de mon mari, attentive à son équilibre, à ses besoins, à ses possibilités, à son humeur. Je dois essayer de maintenir le rythme qui lui convient, parce que la moindre perte de repère est préjudiciable. Je suis aussi sur le qui-vive, toujours en alerte à cause de mes angoisses. Mes troubles anxieux sévères empirent. Je souffre de fatigue chronique. Je suis sur le qui vive à l'extérieur et je sens bien que je suis en régression par rapport à certains progrès que j'avais fais sur ma phobie sociale.
La vie m'oppresse de toutes parts et je ne rêve que d'une chose: pouvoir m'abandonner, lâcher prise, être prise en charge. Totalement. Par des personnes qui ne me sont rien. Des professionnels, des soignants. Besoin qu'on prenne soin de moi et que je puisse récupérer un peu, juste un peu, pour pouvoir continuer.
Je sais que ce n'est pas une solution parfaite, et sans doute pas la meilleure solution. Je sais que je ne serais pas nimbée de coton, de douceur et d'attentions. Un établissement psychiatrique reste ce qu'il est. Mais je serais en paix, une ou deux semaine, "institutionnalisée", et je l'appelle de mes vœux les plus sincères et les plus désespérés.


dimanche 16 février 2014

Un dimanche névralgique...

Cette nuit j'ai eu une grosse insomnie. Impossible de m'endormir malgré une demie barrette de Bromazepam (Lexomil). Il faut dire que j'ai des névralgies un peu partout (dentaires, cervicales, lombaires, articulaires...) qui ne sont guère soulagées par le mélange Tramadol / paracétamol prescrit par mon médecin (car je suis allergique à l'Ibuprofène). Par contre elles sont indubitablement causées par mes angoisses. Les tensions musculaires que mon anxiété sévère provoquent irritent les nerfs et me causent bien des désagréments.

Après une "extinction des feux" vers 23h, j'ai attendu environ minuit pour me lever, totalement éveillée. J'ai essayé de le faire le plus discrètement possible mais j'ai tout de même réveillé mon mari. J'ai tenté de trouver le sommeil en lisant sur mon PC, puis en regardant un film, la luminosité au plus bas, puis à 2h, entendant Alain parler, je suis retournée me coucher. Cette fois ci je me suis endormie rapidement.
Mais à 7h, les douleurs étaient bien plus vives, et depuis, c'est de pire en pire.
Je n'ai pas voulu faire la sieste de peur de ne pas être capable de dormir ce soir, ainsi que par peur de mal me positionner et d'accroître les tensions musculaires.
Demain sera un meilleur jour. J'espère.

J'irais au CATTP vers 10h et puis ensuite, on verra bien.

samedi 15 février 2014

Fauteuil et tic-tac

Hier j'écrivais que le tic tac de la pendule de la salle de séjour m'exaspérait... Aujourd'hui j'ai retirée la pile. J'ai raccrochée la pendule, pourtant inutile. Mais au moins maintenant je peux m'abandonner à l'oubli en toute tranquillité, bien au calme. Des fois avec le téléviseur allumé, le son presque coupé. "Hawaï, l'archipel de feu". Coulées de lave et explosions rougeoyantes. Hypnotisant.

Je ne suis pas du tout bien en ce moment.
J'aurais aimé qu'Alain aille à l'hopital, mais lui ne veut pas, et je ne le forcerais pas. J'en aurais profité pour aller au CATTP tous les jours, matin et après midi, sans culpabiliser de le laisser seul.

On va aller en Charente Maritime début mars, pour voir nos familles. C'est plus important pour lui, et pour moi aussi. D'ici là, je vais essayer de m'arracher à ma culpabilité permanente et aller au CATTP autant que possible, pour essayer de faire décroître mes angoisses.

Je me sens "nulle" en ce moment. J'ai envie de rien à la maison. Juste dormir, manger et végéter.


vendredi 14 février 2014

Angoisse croissante, solutions, culpabilité.

Ces temps ci, tout me coûte.
Je me sens épuisée moralement et physiquement.
La santé de mon mari joue pour beaucoup dans cet était de fait. Mais mes angoisses individuelles sont les premières fautives. Anciennes et récentes.

Les anciennes parce qu'elles m'ont poussée à m'enfermer dans un quotidien rassurant, intégré à notre vie de couple par l'un comme par l'autre. Une routine quasi immuable. Peu à peu influencée quasi exclusivement par les habitudes de mon mari : l'heure du lever, des repas, de la sieste, du coucher... Des choses ordinaires qui ponctuent la vie. J'ai suivi parce que ça ne me gênait pas vraiment, ça me structurait et j'aimais ça, même si j'aurais aimé un peu de relâchement de temps à autre, un peu de fantaisie. C'est comme ça que j'aime beaucoup aller à la cafétéria, par exemple.

Les nouvelles angoisses, parce qu'elles m'ont rendu ce huis-clôt intolérable. Avant, je travaillais et je sortais. Une sorte de bouffée d'oxygène, mais pour une autre source d'angoisse. Entre les deux j'essayais de m'aménager des pauses, un temps quasi volé pour aller faire une ou deux courses, un temps dérisoire. Mais j'avais toujours peur. Peur d'être en retard au travail. Peur d'être en retard à la maison. Mais c'était plus fort que moi, il fallait que je m'arrête, que j'aille acheter du pain, que je souffle.
C'était même déjà comme ça quand j'allais à la fac : j'avais besoin de m'aérer entre la maison et la fac, entre les cours du matin et ceux de l'après midi, puis entre la fac et la maison.
Depuis que je ne travaille plus, je suis à la maison tout le temps et aller marcher ne m'aère plus du tout. Je marche comme un zombie pour descendre à Intermarché, en comptant mes pas... 1, 2, 3, 4, 1, 2, 3, 4... tout le long du chemin. Des fois je compte jusqu'à 8. Puis je reviens à 4. J'ai envie de voir du monde mais en même temps je n'en ai pas envie. J'ai envie d'être loin, de changer, de trouver une vie à moi, tout près de lui, avec lui, comme si je travaillais. Pas un travail rémunéré en argent, mais un travail rémunéré en humanité, en plaisir de vivre. Que je pourrais lui raconter avec ce plaisir enfantin que j'avais à la fac, au travail... au début. Mais je ne sais pas s'il aimerait, et ça aussi, ça m'angoisse.

Les nouvelles angoisses c'est de laisser mon mari seul, peur qu'il me juge, m'en veuille. C'est la peur qu'il ait besoin de moi quand je ne suis pas là, comme quand on sonne à la porte et qu'il ne peut pas répondre. Peur qu'il pense qu'il ne compte pas, qu'il ne compte plus. Mais il compte, il compte énormément. Tellement que ça m'envahit, que ça m'obsède, au point j'ai le sentiment de n'être là que pour lui, pas loin, à portée de regard, à portée de voix, à portée de bras, pour le rassurer, pour l'accompagner, parce que j'ai peur qu'il soit fâché contre moi pour une raison ou une autre. Pas parce qu'il est comme ça, mais parce que moi je suis comme ça. Je m'étouffe d'angoisses. Je suis esclave de mes angoisses.

La maladie complique tout. Avant déjà j'avais les larmes aux yeux sur des quiproquos, des remarques anodines sans doute, des choses qui me blessaient sans qu'il s'en soit rendu compte le moins du monde, parce que j'ai toujours eu la sensibilité à fleur de peau, la peur du rejet, de la moquerie, du désamour...
La maladie, ça l'empêche de gérer plusieurs tâches à la fois. Parler en montant ou descendant l'escalier. Répondre à une question quand il coupe son pain. Mais j'ai toujours du mal à intégrer ces faits. Alors je continue de parler, je continue de poser des questions. Et puis il y a l'élocution, dont il n'a pas toujours conscience, surtout sur le "oui" et le "non", que je ne distingue pas toujours bien. Culpabilité encore, les larmes aux yeux quand je ne comprend pas ce qu'il me dit. Parfois je comprend mal une réponse. Non, ouais? Je ne sais pas toujours. Des fois si la TV est allumée, je n'entend pas bien, et il me reprend, parfois agacé. Panique dans ma poitrine, dans mon cœur. J'essaye de me raisonner, ce n'est pas contre moi qu'il en a, mais contre la situation. Mais c'est plus fort que la raison, mais ça me laisse blessée des heures durant.

Toujours, tout le temps, j'interprète, j'ai peur, j'angoisse. Peur qu'il m'en veuille si je ne viens pas lui tenir compagnie pendant sa sieste, peur qu'il m'en veuille si je m'endors (je suis épuisée, je dormirais sans peine 2h, s'il ne me réveillait pas), pire, si je m'absente.

J'ai commencé à aller au CATTP (Centre d'Activités Thérapeutiques à Temps Partiel) le vendredi 7 février. Je n'y suis pas restée longtemps, parce que j'avais rendez-vous à la MDPH. J'y suis retournée le lundi matin qui a suivi (10 février) et j'y suis restée presque deux heures. Je n'ai pas réussi à y retourner de la semaine.
Je me suis sentie dans l'obligation de ne pas "abandonner" mon mari trop longtemps, de ne pas sortir ses "bons" jours et de m'assurer de son accord formel pour toute sortie. Et maintenant je me sens coupable de ne pas y avoir été, parce que je voulais vraiment le faire, et je me sens aussi en colère et plein d'autres choses encore.
Angoissée.

L'angoisse ne cesse de croître ces temps ci. Je ne me sens plus de taille à gérer la vie quotidienne, l'excès de proximité avec mon mari m'oppresse et est presque en train de détruire notre relation. Sans doute qu'il ne le ressent pas ainsi de son coté. Mais moi c'est ce que j'éprouve.

Les sorties que nous faisons ensemble ne m'apaisent pas. Les sorties que je fais pour des raisons "utilitaires" (courses, pour l'essentiel), ne m'apaisent pas non plus. Je me suis même retrouvée à plusieurs reprises à faire les courses les larmes aux yeux, l'angoisse vissée à l'âme, avec  pour seule idée de rentrer chez moi et de me cacher, de disparaître à la vue de quiconque. Je rentre chez moi, chez nous, avec les dents serrées, mal au crâne, le ventre à l'envers. Chez nous.

Nous. Mais "nous", je n'y arrive plus. Je veux qu'on soit "nous" encore, mais ça me fait mal, ça me siffle dans le crâne, l'angoisse de l'avenir, du passé, les chutes en marchant, la chute dans l'escalier, ses soupirs d'agacement dans son bureau, son besoin répété d'intimité, ses troubles de l'équilibre, la peur des chutes, la peur quand il tousse, peur qu'il avale de travers, peur de la pneumopathie... J'ai peur, j'étouffe, j'étouffe de peurs.
Je veux mon mari, je veux l'aimer, mais je n'y arrive plus, je suis submergée d'angoisses, de peurs. Je veux fuir, mais je veux rester avec lui. Je ne veux pas que nous nous séparions, parce que je l'aime et qu'il m'aime et que nous avons besoin l'un de l'autre. J'étouffe alors je fuis, je m'enferme dans ma voiture et je pleure, je hurle mon désespoir, ma colère. Mon besoin de fuir mes angoisse, de voir autre chose, d'autres gens. Mon besoin de vie sociale, hors contexte. Je pleure, je pleure, je pleure.
Je me réfugie dans la salle de séjour, sur mon fauteuil, celui qu'il m'a acheté, et j'oublie. J'entends le tic-tac de la pendule et j'ai envie de l'arracher du mur, de la balancer. De lui enlever la pile, au moins. Mais pas le courage de m'arracher au fauteuil. Tic-tac incessant qui me fait serrer les dents. Attendre et serrer les dents.

J'attends que les autres disent pour moi, qu'ils me disent quoi faire, mais je sais qu'à un moment c'est à moi de faire les choix, de les affirmer. Pas imposer, juste dire "c'est ça dont j'ai besoin". Être responsable de moi même, de mes choix. Ne pas culpabiliser si les autres ne sont pas d'accord. C'est ma vie, d'abord. C'est notre vie, ensuite. Ensemble. Mais pas tout le temps. Pour mieux l'aimer.

Voilà.
C'est la Saint-Valentin.
J'ai osé l'écrire.
Pas un cadeau, désolée.
Mais j'assume.

samedi 8 février 2014

Je craque

08 février 2014

Il y a un mois, j'exprimais ma douleur face à la situation que nous vivons avec mon mari. Sa maladie empiète sur chaque instant du quotidien. Du matin au soir, pas un véritable instant de répit. Que je sois là où non, il souffre et je pense à lui. Je pense à sa détresse, à ses douleurs, à ses angoisses. Je l'assiste comme je peux, parce que je ne saurais comment faire autrement, parce que ça fait partie de moi, parce que je suis incapable de dire "non" ou de le rejeter, et parce que, aussi, ça m'est "naturel". Naturel mais usant.
Mais la maladie, ce n'est pas tout. Aussi invasive que soit la dégénérescence corticobasale d'Alain sur notre quotidien, elle n'est pas tout. Ce n'est pas ma vie.

Depuis des années, depuis l'enfance, je vais mal. Anxiété, crises d'angoisse, dépression, phobie sociale... Tout cela, je l'ai en moi, comme un bagage dont on ne peut complètement se défaire. On peut l'alléger, ou au contraire le trouver alourdi par les circonstances, mais on ne peut jamais totalement s'en défaire, s'en libérer. Juste le vider au mieux, réussir à oublier un peu sa présence.
Ces derniers mois, mon bagage s'est alourdit. J'ai régressé. La dépression est plus présente que jamais, mon anxiété est présente en permanence et mes comportements d'évitement se multiplient.

J'ai peur et j'ai honte.

J'ai honte parce que je voudrais aller mieux et que cela implique nécessairement une forme de rupture dans ma vie actuelle. Une affirmation de mes vrais besoins, pas forcément compatibles avec ceux des autres. Ceux de mon mari. Pas contre ses besoins, mais simplement en adéquation. Comme le besoin de me sentir libre, quel que soit le jour ou l'heure. Parce que pour moi tous les jours devraient être bons pour aller mieux, pour sortir. Pour entrer un peu plus dans une démarche de soins.

J'ai lues des histoires sur des personnes comme moi, ayant une faible estime d'eux mêmes, vivant en couple depuis des années. Tout allait bien. Mais le jours où ces personnes entraient dans une vraie démarche thérapeutique, le jour où finalement ces personnes sortent de leur souffrance psychique, soudain ça ne va plus avec leur conjoint. Pourquoi? Parce que souvent la relation s'est construite autour d'un équilibre dans l'affirmation réciproque. Alors le jour où on se sent mieux, qu'on s'affirme davantage, et bien tout s'écroule.

J'ai honte et je me demande si je suis en droit d'aller mieux alors qu'Alain est malade. Parce que mon besoin d'aller mieux implique de sortir selon mes envies à moi, d'aller au centre d'activités thérapeutiques à temps partiel (CATTP) non pas selon des "bons" ou "mauvais" jours, mais en fonction des activités que je veux suivre et en fonction de mon état d'esprit.

Peut être devrais-je attendre? Aller mieux, j'ai toute une vie pour ça. Pas lui. Est-ce que je ne devrais pas mettre tout ça sous le tapis, laisser tomber, ne plus voir ma psy, ne plus essayer de vivre, et le faire vivre lui, pour ce temps qui nous reste?
Non, je ne peux pas. Parce qu'il y aura forcément de la rancœur qui viendra troubler l'amour.
Malgré tout l'amour que j'ai pour lui, il est au dehors de moi.

J'aimerais protéger mon mari, j'aimerais lui être agréable, l'aimer comme il attend que je l'aime. Mais lorsqu'il me dit que tel jour il va chez l'orthophoniste et qu'après il veut sortir, ce qui induit nécessairement qu'il ne veut pas que j'aille au CATTP, je suis pleine de colère. Et cette colère, elle reste en moi, elle tourbillonne et emporte tout avec elle. Cette colère, je n'arrive pas à lui en parler et elle me torture. Alors j'ai envie de baisser les bras, de ne plus le soutenir, de ne plus être là, de reprendre ma vie, de me soigner, de fuir.

Je me déteste de ressentir ça. Parce que je l'aime et que j'aimerais lui apporter quelque chose, mais les moments que nous passons vraiment ensemble se font rares. Je suis près de lui et il est avec moi. Mais nous ne sommes plus ensemble. Je suis près de lui, je m'occupe de lui, je cherche à ce qu'il ne souffre pas, ne ressente pas de détresse. J'ai besoin de savoir qu'il dispose d'un certain confort, d'un semblant de bonheur. Mais je ne suis plus tout à fait sûre de faire partie de tout ça. Sans mentir sur mes sentiments (je l'aime toujours), je suis une actrice de sa vie, mais plus de notre couple. Je n'ai plus d'attentes, si ce n'est qu'il ne souffre pas. Je n'ai plus vraiment d'envies avec lui. J'ai besoin d'autre chose. D'autres choses, sans forcément savoir lesquelles. Mes besoins ne sont plus compatibles avec ses désirs, ses attentes.
J'essaye de le lui dire, mais je n'y arrive pas. Quand j'essaye, je vois cette lueur qui ressemble tant à de la haine dans ses yeux, et ça me fait terriblement mal.

J'ai commencé à ranger mes affaires, à faire le tri. Me défaire de l'inutile.
Je crois que je suis en train de baisser les bras devant notre couple. Plus rien à faire. Un mort vivant, un zombie qui marche encore, parce qu'il se souvient des geste quotidiens, mais qui ne sait pas qu'il est mort.

♦♦♦

Le matin, le réveil sonne à 6h55. Je l'éteins. Je me rendors parfois puis je me lève. J'ouvre les volets, je vide l'urinal, j'allume son PC. Une fois que je suis réveillée, je crois que je n’ai qu’une idée : bouger. Alain s’assoit sur le bord du lit (il insiste pour le faire seul, même si c'est de plus en plus difficile, mais je comprends son choix). Après l'avoir laissé enfiler seul ses chaussures, je l'aide à rejoindre son bureau, puis je descends préparer le petit déjeuner : sa tartine, sa boisson, ses médicaments. Dès que c’est prêt, je remonte le chercher.

Il s'agrippe à mes mains,  pour parcourir les quelques pas qui nous séparent de l'escalier.  Je l'aide à descendre, ou plutôt, je le surveille, en descendant à reculons en aval, agrippée aux rampes, guettant le moindre problème, prête à le rattraper, à essayer d'amortir une chute. Je surveille les gestes, la main droite qui n'agrippe plus bien la rampe, les pertes d'équilibre. Le regard tantôt fuyant, quand je n'en peux plus, tantôt plein d'amour quand tout va bien. 
On arrive dans la cuisine, je l'aide à s'asseoir en lui calant la chaise derrière les genoux et en le guidant par les aisselles, en gardant la cuisse en appui contre le dossier de la chaise, pour éviter qu'il ne bascule en se laissant tomber sur l'assise. Des choses que j’ai apprises à l’avenant, comme de le relever lorsqu’il est victime de chutes.

Je lui accroche sa serviette et le regarde manger, en buvant ma chicorée-café, tout en sachant qu'à la fin du bol, il avalera peut-être de travers, qu'il toussera convulsivement, le bol toujours entre les mains. Alors je me tiens prête à l'aider à le reposer sur la table. En plus de ça, je ne dois pas oublier le mouchoir en papier, à la fin du repas. Quand j’oublie, il regarde avec insistance vers la boite de mouchoirs, et je comprends toujours. Mais ça m’use, jour après jour, repas après repas.

Après le petit déjeuner il va aux WC. Toujours, invariablement. Il y va sans trop d'aide. Je reste à proximité, pour la suite.
D'abord la toilette, puis les dents. Ensuite on fait un tour de marche dans la salle de séjour, petit échauffement avant d'attaquer l’ascension de l'escalier. Je reste toujours derrière lui, en dessous, comme une voiture balai. De temps en temps je le cale pour qu'il se repose. Les dernières marches sont les plus faciles, celles du virage, les pires. Si l'escalier ne tournait pas, il y aurait moins de problèmes. Mais avec des "si" on mettrait Paris en bouteille. Il faut souvent cinq bonnes minutes pour faire l’ascension. Jusqu’à sept les très mauvais jours.

Je suis de plus en plus « absente » pendant ces étapes. Eteinte. Morte avec lui.

Arrivés en haut, je l'aide à s'habiller puis je le réinstalle dans son bureau. Pour ça, il faut qu’il franchisse le pas de la porte, s’agrippe au montant, s’accroche à son bureau. Je lui glisse le fauteuil à roulettes contre l’arrière des jambes, et je l’aide à s’assoir en le soutenant…

Trois fois par semaine, la kiné vient.
Une fois par semaine, c'est chez l'orthophoniste, que nous allons.

Alain aime bien aller chez l'orthophoniste. Moi aussi. Elle est très gentille.
Tout serait formidable si la commune où se situe le cabinet, quand elle a fait construire sa superbe "Maison santé et services" avait vraiment tenu compte du concept d'accessibilité. Visiblement ils en ont une vision très étrange puisque une grande esplanade s'étend devant le bâtiment, dont l'accès aux voitures est rendu impossible par de solides plots de fonte. Pas de "dépose" des patients envisageable, donc. Qu’on aille voir le médecin, l’orthophoniste, les kinés ou infirmières installés là, tout le monde doit traverser cette zone déserte. Qui plus est, cette sorte de place est recouverte d'un revêtement particulièrement traître, qui accroche les semelles. Gare à celui qui a le pas un peu lourd ou mal aisé, il risque d'y trébucher sans peine.
Quand il pleut, l'épreuve n'en est que plus pénible.

Quand il n'y a ni kiné ni orthophoniste, j’essaye de m’occuper un peu de moi, mais je manque de courage. À peine si je pense à me brosser les dents, à me coiffer, à me laver. Je suis épuisée rien qu’à l’idée de consacrer du temps à tout ça.
Et c’est de pire en pire.

Je vais parfois marcher, après tout ça, presque comme une obligation, parce qu'Alain me demande si je vais marcher, ou ce que je vais faire ce matin, cette après midi. Je marche pour sortir, pour être ailleurs, mais j'ai envie d'être loin, d'être ailleurs, de trouver un refuge et d'y disparaître.
Je suis tellement fatiguée que l'idée d'aller me "balader" autour de la maison me déprime. Je préfèrerais prendre la voiture et aller faire un tour à Géant, au Méridien, à la Maison des associations de l'Arsenal, n'importe où... ailleurs!

Quand je travaillais encore, si j'allais marcher, il fallait que je sois rentrée avant 10h, pour qu'Alain puisse faire ses trente à quarante minutes de vélo d'appartement, avant que je parte bosser. Maintenant, c'est vers 11h qu'il pédale. Deux coupures quotidiennes dans ses journées passées devant son PC, seule activité dont il dispose pour "passer le temps".
Trente à quarante cinq minutes pendant lesquelles je me sens souvent complètement désœuvrée, "privée" de mon PC.
La plupart du temps je descends dans la cuisine regarder la TV, essayer de ranger un peu. Parfois je téléphone à mes parents, à ma soeur. D'autres fois je me recroqueville seulement sur mon fauteuil "relax", sous une couverture, et j'attends que le temps passe.

Au début, j'avais proposé qu'Alain regarde ses podcasts sur mon PC portable en pédalant, sans penser à quel point je pourrais vivre cette solution comme une intrusion dans mon espace vital. Pour autant, je ne souhaite pas revenir en arrière. Je crois que j'apprécie cette sorte de frustration planifiée, qui m'oblige à m'arracher à mon écran et à mon clavier, à sortir de ma pièce et de faire autre chose.

Mais, pour qu’il puisse pédaler, il faut d’abord que j'aide Alain à marcher jusqu'au vélo, puis à l'enjamber et à enfiler une vieille espadrille au pied droit, parce que sa cheville reste en rotation permanente : avec les chaussons, ça ne passe pas. L'espadrille commence quant à elle à être bien abimée de ce traitement, mais qu'importe ! Je lui mets aussi ses lunettes sur le nez et parfois je me tiens prête à lui passer un coup de gant humide sur les yeux, quand ça se met à lui brûler. 

Quand Alain a fini de pédaler, je l'aide à enlever l'espadrille et à remettre le chausson, je lui tiens le vélo pour qu'il ne bouge pas. Je plaisante en lui disant qu'il est mon chevalier qui descend de son fidèle destrier, et que moi je suis sa petite écuyère. Puis il retourne se reposer dans son bureau, toujours avec mon aide, bien entendu. Souvent il est fatigué et je dois me montrer encore plus solide et attentive. Parfois aussi, je plaisante pas. Je n’en ai plus envie. Je n’ai plus envie de rien. J’ai envie de disparaitre à ses yeux, à sa vie, qu’il m’oublie et me laisse pleurer aussi fort que je le voudrais.

Je ne travaille plus.
Congé maladie le 19 novembre 2013.
Puis congés payés.
Puis démission le 24 janvier 2014

Avant, mes journées auprès de Denise se ressemblaient toutes. Deux ans de travail. Deux ans d'angoisses et de détresse, sans jamais réussir à le dire vraiment à Alain. Peur de quoi? Je ne sais pas. Je voulais qu'il soit fier de moi. Deux ans de souffrance à laquelle je ne savais pas dire "stop", alors je m'enfonçais, inexorablement.
Quand le psychiatre m'a fait l'arrêt maladie, je n'ai même pas compris sur le coup. En état de choc.
Je ne savais pas comment l'annoncer à Alain. Je ne savais même pas comment l'annoncer à mon travail.

Tout de suite j'ai su que je ne souhaitais pas reprendre. J’ai travaillé parce que Alain pensait que ça me ferait du bien, qu’il m’a poussée dans ce sens, mais j’ai toujours été en souffrance au travail, sans pouvoir l’avouer à quiconque. Pour l'instant, je ne veux plus travailler. Je ne peux plus. Alain a semblé le vivre comme un échec personnel. Pas comme mon échec, mais bien comme un de ses échecs à lui. Une vision des choses étrange. J'ai été très blessée par sa réaction. Finalement ma souffrance passait aux oubliettes, puisque c'était lui qui était blessé.

Est-ce que j'existe toujours? Est-ce que j'ai une vie, une existence, une réalité en dehors de lui? En tout cas je le fais souffrir. Je me sens coupable en permanence de le faire souffrir.

À midi je prépare le repas. Je suis usée. Plus d'idées. Envie de rien. Rien faire. Endives, tomates, betterave. Une soupe pour moi, macédoine surgelée, un peu de vermicelle. Envie de rien sauf me remplir de chaud, de plein, combler le vide.
Il faut sortir les médicaments du pilulier. Aller chercher Alain. Vider l'urinal de son bureau. Le surveiller en train de descendre les escaliers. L'installer à table. Manger. Lui sortir son mouchoir. Le regarder plier sa serviette. Le regarder se moucher. Le regarder se relever « seul », agrippé à la poignée de la porte fenêtre. Tenir la chaise par derrière. Faire le tour de la salle à manger. Et remonter les escaliers.

À 13h30, c'est l'heure de la sieste. L'aider à aller de son bureau à la chambre...

Quand tout ça s’est accéléré, quand c’est devenu nécessaire et indispensable que je le suive comme une ombre au moindre de ses déplacements, je tombais comme une masse. Je dormais une heure, deux quand l'alarme de ma tablette ne nous réveillait ni l'un ni l'autre. Avant ça, je m'efforçais de ne pas dormir, parce qu’au réveil, j'étais nauséeuse, et je restais comme ça pendant des heures. Alors je lisais ou regardais des choses sur ma tablette. Mais la fatigue est devenue réelle, envahissante. Ce n’était plus la lassitude qu’on ressent quand on est allongé sans rien à faire. C’était de la fatigue bien réelle, à vous assommer comme une masse. Je dors encore. Moins longtemps parce qu'Alain ne dort plus guère qu'une vingtaine de minutes. Il s'ennuie et me réveille, alors que j'aimerais rester dans la chaleur de l'oubli.

À 14h30 la "sieste" se termine. Parfois on traîne un peu, surtout quand je dors, moi aussi. La plupart du temps on ne se lève pas au delà de 15h30. Il faut toujours que j’aide Alain à se lever, à rejoindre le bureau. Et attendre. Ne pas savoir à quoi m'occuper en attendant qu'il veuille faire à nouveau du vélo. Je n'ose rien faire, rien prévoir. À peine si je sors dans le jardin. Pourtant ça me fait du bien. De passer la tondeuse, tailler la haie, me soumettre à des activités qui me permettent de me défouler, de prendre ma colère contre la maladie et de la projeter hors de moi à travers une activité toute différente. Mais j'aurais besoin d'aller plus loin, partir. Dormir, mais ailleurs. Pleurer.

Objectivement, j’aurais du temps pour moi, a priori, l’après midi. Entre 15h30 et 17h30. Deux putains d’heures. Pas plus, parce que au-delà ça risquerait d'être "tard". Peur des contrariétés. Peur de générer une crise d'angoisse. Alors pour avoir la paix, et surtout parce que ça me fait mal, atrocement mal, je reste là, je ne m'aventure pas "en dehors des clous". Les rares fois où je sors, je vérifie encore et encore que ça va aller, qu'il n'est pas contrarié.
Ma propre angoisse de l’abandon est mise à rude épreuve et je supporte très qu'Alain puisse être aussi fragile que moi… mais différemment, bien entendu. 

Au-delà de la maladie, des horaires, des inquiétudes que je peux avoir, il y a la pression (inconsciente?) d’Alain, son besoin de contrôle, de routine, son besoin d’être rassuré. Il me dit que je peux sortir, faire des choses, mais dès que je suis absente un peu trop longtemps, ou à un moment où ça le perturbe dans ses attentes, il n’est plus si d’accord que ça. Il faut même avouer que ça tourne parfois au chantage affectif : "puisqu’il m’empêche de vivre", dit-il, "il va se foutre en l’air" et comme ça "je pourrais faire ce que je veux". Une torture à entendre.

Pour reprendre le fil de la journée, vers 17 ou 18h, tout dépend de l’humeur, Alain refait du vélo, avec les mêmes parcours, les mêmes gestes, les mêmes besoins d’assistance. Pour sortir du bureau, monter sur le vélo, en descendre, rejoindre son bureau. Grande dépendance. C’est ça, que traduit son GIR 2. Un besoin constant d’aide et d’accompagnement, dans tous les actes de la vie courante, des plus importants aux plus anodins, même dans ceux où je ne peux rien pour lui, comme quand il se plaint de sa souris d’ordinateur, qu’il ne maîtrise plus. Je suis là, j’écoute, j’entends, je fais savoir que j’ai entendu et que je cherche à l’aider.

Après le vélo, pendant même, je prépare le dîner. Mais des fois c'est trop dur, je n'y arrive même plus. Je ne sais pas quoi faire, je n'ai envie de rien. Pour élaborer les menus, il faut que je réfléchisse à la facilité de manger les choses. Pré-découper les viandes, ne pas faire de trop gros morceaux de légumes, ni de soupes trop fluides. Et dès que je m’autorise de sortir de tout ça, c’est trop difficile à manger, ça ne va plus, ça ne va pas. Même les crèmes dessert sont un problème : les petits pots ne sont pas pratiques pour lui, il n’arrive plus à racler le fond. Je dois prévoir de changer de contenant.

Monter le chercher... descendre... manger... remonter... les dents... le bureau...

À 21h, on se couche. Télévision en mode « podcast ». Le plus souvent on regarde juste un épisode d’une série. Parfois c’est un documentaire ou une émission de variété, mais c’est rare. On ne regarde jamais la télévision en direct.

À 22h au plus tard, extinction de la télévision. Cuillère de confiture pour Alain, avec son Prazepam, un anxiolytique. Massage du bras, gratouillis dans la barbe pour éliminer les squames provoquées par sa dermite séborrhéique…

À 22h30, extinction des feux. À un moment, je m’offrais un moment de quasi solitude, avec ma tablette. Parfois je regardais la télévision sur mosaïque, avec mon casque audio. Je pouvais enfin zapper, regarder « Les experts » ou « Faut pas rêver » ! Et faire des recherches, aussi, sur Internet. Mais maintenant, je dors comme une masse.
Je grince des dents et je parle beaucoup.
Et le lendemain, ça recommence.



Jour après jour, je navigue au radar. Je me rapproche de plus en plus de l’épuisement. Je commence à perdre pied. J’ai besoin de renforts. J’ai besoin de sortir, de rire, de hurler, de me vider la tête. D’aller à un groupe de parole, s’il faut. De faire en sorte de tenir, le temps qu’il faudra, avec tout l’amour que je lui porte.