samedi 8 février 2014

Je craque

08 février 2014

Il y a un mois, j'exprimais ma douleur face à la situation que nous vivons avec mon mari. Sa maladie empiète sur chaque instant du quotidien. Du matin au soir, pas un véritable instant de répit. Que je sois là où non, il souffre et je pense à lui. Je pense à sa détresse, à ses douleurs, à ses angoisses. Je l'assiste comme je peux, parce que je ne saurais comment faire autrement, parce que ça fait partie de moi, parce que je suis incapable de dire "non" ou de le rejeter, et parce que, aussi, ça m'est "naturel". Naturel mais usant.
Mais la maladie, ce n'est pas tout. Aussi invasive que soit la dégénérescence corticobasale d'Alain sur notre quotidien, elle n'est pas tout. Ce n'est pas ma vie.

Depuis des années, depuis l'enfance, je vais mal. Anxiété, crises d'angoisse, dépression, phobie sociale... Tout cela, je l'ai en moi, comme un bagage dont on ne peut complètement se défaire. On peut l'alléger, ou au contraire le trouver alourdi par les circonstances, mais on ne peut jamais totalement s'en défaire, s'en libérer. Juste le vider au mieux, réussir à oublier un peu sa présence.
Ces derniers mois, mon bagage s'est alourdit. J'ai régressé. La dépression est plus présente que jamais, mon anxiété est présente en permanence et mes comportements d'évitement se multiplient.

J'ai peur et j'ai honte.

J'ai honte parce que je voudrais aller mieux et que cela implique nécessairement une forme de rupture dans ma vie actuelle. Une affirmation de mes vrais besoins, pas forcément compatibles avec ceux des autres. Ceux de mon mari. Pas contre ses besoins, mais simplement en adéquation. Comme le besoin de me sentir libre, quel que soit le jour ou l'heure. Parce que pour moi tous les jours devraient être bons pour aller mieux, pour sortir. Pour entrer un peu plus dans une démarche de soins.

J'ai lues des histoires sur des personnes comme moi, ayant une faible estime d'eux mêmes, vivant en couple depuis des années. Tout allait bien. Mais le jours où ces personnes entraient dans une vraie démarche thérapeutique, le jour où finalement ces personnes sortent de leur souffrance psychique, soudain ça ne va plus avec leur conjoint. Pourquoi? Parce que souvent la relation s'est construite autour d'un équilibre dans l'affirmation réciproque. Alors le jour où on se sent mieux, qu'on s'affirme davantage, et bien tout s'écroule.

J'ai honte et je me demande si je suis en droit d'aller mieux alors qu'Alain est malade. Parce que mon besoin d'aller mieux implique de sortir selon mes envies à moi, d'aller au centre d'activités thérapeutiques à temps partiel (CATTP) non pas selon des "bons" ou "mauvais" jours, mais en fonction des activités que je veux suivre et en fonction de mon état d'esprit.

Peut être devrais-je attendre? Aller mieux, j'ai toute une vie pour ça. Pas lui. Est-ce que je ne devrais pas mettre tout ça sous le tapis, laisser tomber, ne plus voir ma psy, ne plus essayer de vivre, et le faire vivre lui, pour ce temps qui nous reste?
Non, je ne peux pas. Parce qu'il y aura forcément de la rancœur qui viendra troubler l'amour.
Malgré tout l'amour que j'ai pour lui, il est au dehors de moi.

J'aimerais protéger mon mari, j'aimerais lui être agréable, l'aimer comme il attend que je l'aime. Mais lorsqu'il me dit que tel jour il va chez l'orthophoniste et qu'après il veut sortir, ce qui induit nécessairement qu'il ne veut pas que j'aille au CATTP, je suis pleine de colère. Et cette colère, elle reste en moi, elle tourbillonne et emporte tout avec elle. Cette colère, je n'arrive pas à lui en parler et elle me torture. Alors j'ai envie de baisser les bras, de ne plus le soutenir, de ne plus être là, de reprendre ma vie, de me soigner, de fuir.

Je me déteste de ressentir ça. Parce que je l'aime et que j'aimerais lui apporter quelque chose, mais les moments que nous passons vraiment ensemble se font rares. Je suis près de lui et il est avec moi. Mais nous ne sommes plus ensemble. Je suis près de lui, je m'occupe de lui, je cherche à ce qu'il ne souffre pas, ne ressente pas de détresse. J'ai besoin de savoir qu'il dispose d'un certain confort, d'un semblant de bonheur. Mais je ne suis plus tout à fait sûre de faire partie de tout ça. Sans mentir sur mes sentiments (je l'aime toujours), je suis une actrice de sa vie, mais plus de notre couple. Je n'ai plus d'attentes, si ce n'est qu'il ne souffre pas. Je n'ai plus vraiment d'envies avec lui. J'ai besoin d'autre chose. D'autres choses, sans forcément savoir lesquelles. Mes besoins ne sont plus compatibles avec ses désirs, ses attentes.
J'essaye de le lui dire, mais je n'y arrive pas. Quand j'essaye, je vois cette lueur qui ressemble tant à de la haine dans ses yeux, et ça me fait terriblement mal.

J'ai commencé à ranger mes affaires, à faire le tri. Me défaire de l'inutile.
Je crois que je suis en train de baisser les bras devant notre couple. Plus rien à faire. Un mort vivant, un zombie qui marche encore, parce qu'il se souvient des geste quotidiens, mais qui ne sait pas qu'il est mort.

♦♦♦

Le matin, le réveil sonne à 6h55. Je l'éteins. Je me rendors parfois puis je me lève. J'ouvre les volets, je vide l'urinal, j'allume son PC. Une fois que je suis réveillée, je crois que je n’ai qu’une idée : bouger. Alain s’assoit sur le bord du lit (il insiste pour le faire seul, même si c'est de plus en plus difficile, mais je comprends son choix). Après l'avoir laissé enfiler seul ses chaussures, je l'aide à rejoindre son bureau, puis je descends préparer le petit déjeuner : sa tartine, sa boisson, ses médicaments. Dès que c’est prêt, je remonte le chercher.

Il s'agrippe à mes mains,  pour parcourir les quelques pas qui nous séparent de l'escalier.  Je l'aide à descendre, ou plutôt, je le surveille, en descendant à reculons en aval, agrippée aux rampes, guettant le moindre problème, prête à le rattraper, à essayer d'amortir une chute. Je surveille les gestes, la main droite qui n'agrippe plus bien la rampe, les pertes d'équilibre. Le regard tantôt fuyant, quand je n'en peux plus, tantôt plein d'amour quand tout va bien. 
On arrive dans la cuisine, je l'aide à s'asseoir en lui calant la chaise derrière les genoux et en le guidant par les aisselles, en gardant la cuisse en appui contre le dossier de la chaise, pour éviter qu'il ne bascule en se laissant tomber sur l'assise. Des choses que j’ai apprises à l’avenant, comme de le relever lorsqu’il est victime de chutes.

Je lui accroche sa serviette et le regarde manger, en buvant ma chicorée-café, tout en sachant qu'à la fin du bol, il avalera peut-être de travers, qu'il toussera convulsivement, le bol toujours entre les mains. Alors je me tiens prête à l'aider à le reposer sur la table. En plus de ça, je ne dois pas oublier le mouchoir en papier, à la fin du repas. Quand j’oublie, il regarde avec insistance vers la boite de mouchoirs, et je comprends toujours. Mais ça m’use, jour après jour, repas après repas.

Après le petit déjeuner il va aux WC. Toujours, invariablement. Il y va sans trop d'aide. Je reste à proximité, pour la suite.
D'abord la toilette, puis les dents. Ensuite on fait un tour de marche dans la salle de séjour, petit échauffement avant d'attaquer l’ascension de l'escalier. Je reste toujours derrière lui, en dessous, comme une voiture balai. De temps en temps je le cale pour qu'il se repose. Les dernières marches sont les plus faciles, celles du virage, les pires. Si l'escalier ne tournait pas, il y aurait moins de problèmes. Mais avec des "si" on mettrait Paris en bouteille. Il faut souvent cinq bonnes minutes pour faire l’ascension. Jusqu’à sept les très mauvais jours.

Je suis de plus en plus « absente » pendant ces étapes. Eteinte. Morte avec lui.

Arrivés en haut, je l'aide à s'habiller puis je le réinstalle dans son bureau. Pour ça, il faut qu’il franchisse le pas de la porte, s’agrippe au montant, s’accroche à son bureau. Je lui glisse le fauteuil à roulettes contre l’arrière des jambes, et je l’aide à s’assoir en le soutenant…

Trois fois par semaine, la kiné vient.
Une fois par semaine, c'est chez l'orthophoniste, que nous allons.

Alain aime bien aller chez l'orthophoniste. Moi aussi. Elle est très gentille.
Tout serait formidable si la commune où se situe le cabinet, quand elle a fait construire sa superbe "Maison santé et services" avait vraiment tenu compte du concept d'accessibilité. Visiblement ils en ont une vision très étrange puisque une grande esplanade s'étend devant le bâtiment, dont l'accès aux voitures est rendu impossible par de solides plots de fonte. Pas de "dépose" des patients envisageable, donc. Qu’on aille voir le médecin, l’orthophoniste, les kinés ou infirmières installés là, tout le monde doit traverser cette zone déserte. Qui plus est, cette sorte de place est recouverte d'un revêtement particulièrement traître, qui accroche les semelles. Gare à celui qui a le pas un peu lourd ou mal aisé, il risque d'y trébucher sans peine.
Quand il pleut, l'épreuve n'en est que plus pénible.

Quand il n'y a ni kiné ni orthophoniste, j’essaye de m’occuper un peu de moi, mais je manque de courage. À peine si je pense à me brosser les dents, à me coiffer, à me laver. Je suis épuisée rien qu’à l’idée de consacrer du temps à tout ça.
Et c’est de pire en pire.

Je vais parfois marcher, après tout ça, presque comme une obligation, parce qu'Alain me demande si je vais marcher, ou ce que je vais faire ce matin, cette après midi. Je marche pour sortir, pour être ailleurs, mais j'ai envie d'être loin, d'être ailleurs, de trouver un refuge et d'y disparaître.
Je suis tellement fatiguée que l'idée d'aller me "balader" autour de la maison me déprime. Je préfèrerais prendre la voiture et aller faire un tour à Géant, au Méridien, à la Maison des associations de l'Arsenal, n'importe où... ailleurs!

Quand je travaillais encore, si j'allais marcher, il fallait que je sois rentrée avant 10h, pour qu'Alain puisse faire ses trente à quarante minutes de vélo d'appartement, avant que je parte bosser. Maintenant, c'est vers 11h qu'il pédale. Deux coupures quotidiennes dans ses journées passées devant son PC, seule activité dont il dispose pour "passer le temps".
Trente à quarante cinq minutes pendant lesquelles je me sens souvent complètement désœuvrée, "privée" de mon PC.
La plupart du temps je descends dans la cuisine regarder la TV, essayer de ranger un peu. Parfois je téléphone à mes parents, à ma soeur. D'autres fois je me recroqueville seulement sur mon fauteuil "relax", sous une couverture, et j'attends que le temps passe.

Au début, j'avais proposé qu'Alain regarde ses podcasts sur mon PC portable en pédalant, sans penser à quel point je pourrais vivre cette solution comme une intrusion dans mon espace vital. Pour autant, je ne souhaite pas revenir en arrière. Je crois que j'apprécie cette sorte de frustration planifiée, qui m'oblige à m'arracher à mon écran et à mon clavier, à sortir de ma pièce et de faire autre chose.

Mais, pour qu’il puisse pédaler, il faut d’abord que j'aide Alain à marcher jusqu'au vélo, puis à l'enjamber et à enfiler une vieille espadrille au pied droit, parce que sa cheville reste en rotation permanente : avec les chaussons, ça ne passe pas. L'espadrille commence quant à elle à être bien abimée de ce traitement, mais qu'importe ! Je lui mets aussi ses lunettes sur le nez et parfois je me tiens prête à lui passer un coup de gant humide sur les yeux, quand ça se met à lui brûler. 

Quand Alain a fini de pédaler, je l'aide à enlever l'espadrille et à remettre le chausson, je lui tiens le vélo pour qu'il ne bouge pas. Je plaisante en lui disant qu'il est mon chevalier qui descend de son fidèle destrier, et que moi je suis sa petite écuyère. Puis il retourne se reposer dans son bureau, toujours avec mon aide, bien entendu. Souvent il est fatigué et je dois me montrer encore plus solide et attentive. Parfois aussi, je plaisante pas. Je n’en ai plus envie. Je n’ai plus envie de rien. J’ai envie de disparaitre à ses yeux, à sa vie, qu’il m’oublie et me laisse pleurer aussi fort que je le voudrais.

Je ne travaille plus.
Congé maladie le 19 novembre 2013.
Puis congés payés.
Puis démission le 24 janvier 2014

Avant, mes journées auprès de Denise se ressemblaient toutes. Deux ans de travail. Deux ans d'angoisses et de détresse, sans jamais réussir à le dire vraiment à Alain. Peur de quoi? Je ne sais pas. Je voulais qu'il soit fier de moi. Deux ans de souffrance à laquelle je ne savais pas dire "stop", alors je m'enfonçais, inexorablement.
Quand le psychiatre m'a fait l'arrêt maladie, je n'ai même pas compris sur le coup. En état de choc.
Je ne savais pas comment l'annoncer à Alain. Je ne savais même pas comment l'annoncer à mon travail.

Tout de suite j'ai su que je ne souhaitais pas reprendre. J’ai travaillé parce que Alain pensait que ça me ferait du bien, qu’il m’a poussée dans ce sens, mais j’ai toujours été en souffrance au travail, sans pouvoir l’avouer à quiconque. Pour l'instant, je ne veux plus travailler. Je ne peux plus. Alain a semblé le vivre comme un échec personnel. Pas comme mon échec, mais bien comme un de ses échecs à lui. Une vision des choses étrange. J'ai été très blessée par sa réaction. Finalement ma souffrance passait aux oubliettes, puisque c'était lui qui était blessé.

Est-ce que j'existe toujours? Est-ce que j'ai une vie, une existence, une réalité en dehors de lui? En tout cas je le fais souffrir. Je me sens coupable en permanence de le faire souffrir.

À midi je prépare le repas. Je suis usée. Plus d'idées. Envie de rien. Rien faire. Endives, tomates, betterave. Une soupe pour moi, macédoine surgelée, un peu de vermicelle. Envie de rien sauf me remplir de chaud, de plein, combler le vide.
Il faut sortir les médicaments du pilulier. Aller chercher Alain. Vider l'urinal de son bureau. Le surveiller en train de descendre les escaliers. L'installer à table. Manger. Lui sortir son mouchoir. Le regarder plier sa serviette. Le regarder se moucher. Le regarder se relever « seul », agrippé à la poignée de la porte fenêtre. Tenir la chaise par derrière. Faire le tour de la salle à manger. Et remonter les escaliers.

À 13h30, c'est l'heure de la sieste. L'aider à aller de son bureau à la chambre...

Quand tout ça s’est accéléré, quand c’est devenu nécessaire et indispensable que je le suive comme une ombre au moindre de ses déplacements, je tombais comme une masse. Je dormais une heure, deux quand l'alarme de ma tablette ne nous réveillait ni l'un ni l'autre. Avant ça, je m'efforçais de ne pas dormir, parce qu’au réveil, j'étais nauséeuse, et je restais comme ça pendant des heures. Alors je lisais ou regardais des choses sur ma tablette. Mais la fatigue est devenue réelle, envahissante. Ce n’était plus la lassitude qu’on ressent quand on est allongé sans rien à faire. C’était de la fatigue bien réelle, à vous assommer comme une masse. Je dors encore. Moins longtemps parce qu'Alain ne dort plus guère qu'une vingtaine de minutes. Il s'ennuie et me réveille, alors que j'aimerais rester dans la chaleur de l'oubli.

À 14h30 la "sieste" se termine. Parfois on traîne un peu, surtout quand je dors, moi aussi. La plupart du temps on ne se lève pas au delà de 15h30. Il faut toujours que j’aide Alain à se lever, à rejoindre le bureau. Et attendre. Ne pas savoir à quoi m'occuper en attendant qu'il veuille faire à nouveau du vélo. Je n'ose rien faire, rien prévoir. À peine si je sors dans le jardin. Pourtant ça me fait du bien. De passer la tondeuse, tailler la haie, me soumettre à des activités qui me permettent de me défouler, de prendre ma colère contre la maladie et de la projeter hors de moi à travers une activité toute différente. Mais j'aurais besoin d'aller plus loin, partir. Dormir, mais ailleurs. Pleurer.

Objectivement, j’aurais du temps pour moi, a priori, l’après midi. Entre 15h30 et 17h30. Deux putains d’heures. Pas plus, parce que au-delà ça risquerait d'être "tard". Peur des contrariétés. Peur de générer une crise d'angoisse. Alors pour avoir la paix, et surtout parce que ça me fait mal, atrocement mal, je reste là, je ne m'aventure pas "en dehors des clous". Les rares fois où je sors, je vérifie encore et encore que ça va aller, qu'il n'est pas contrarié.
Ma propre angoisse de l’abandon est mise à rude épreuve et je supporte très qu'Alain puisse être aussi fragile que moi… mais différemment, bien entendu. 

Au-delà de la maladie, des horaires, des inquiétudes que je peux avoir, il y a la pression (inconsciente?) d’Alain, son besoin de contrôle, de routine, son besoin d’être rassuré. Il me dit que je peux sortir, faire des choses, mais dès que je suis absente un peu trop longtemps, ou à un moment où ça le perturbe dans ses attentes, il n’est plus si d’accord que ça. Il faut même avouer que ça tourne parfois au chantage affectif : "puisqu’il m’empêche de vivre", dit-il, "il va se foutre en l’air" et comme ça "je pourrais faire ce que je veux". Une torture à entendre.

Pour reprendre le fil de la journée, vers 17 ou 18h, tout dépend de l’humeur, Alain refait du vélo, avec les mêmes parcours, les mêmes gestes, les mêmes besoins d’assistance. Pour sortir du bureau, monter sur le vélo, en descendre, rejoindre son bureau. Grande dépendance. C’est ça, que traduit son GIR 2. Un besoin constant d’aide et d’accompagnement, dans tous les actes de la vie courante, des plus importants aux plus anodins, même dans ceux où je ne peux rien pour lui, comme quand il se plaint de sa souris d’ordinateur, qu’il ne maîtrise plus. Je suis là, j’écoute, j’entends, je fais savoir que j’ai entendu et que je cherche à l’aider.

Après le vélo, pendant même, je prépare le dîner. Mais des fois c'est trop dur, je n'y arrive même plus. Je ne sais pas quoi faire, je n'ai envie de rien. Pour élaborer les menus, il faut que je réfléchisse à la facilité de manger les choses. Pré-découper les viandes, ne pas faire de trop gros morceaux de légumes, ni de soupes trop fluides. Et dès que je m’autorise de sortir de tout ça, c’est trop difficile à manger, ça ne va plus, ça ne va pas. Même les crèmes dessert sont un problème : les petits pots ne sont pas pratiques pour lui, il n’arrive plus à racler le fond. Je dois prévoir de changer de contenant.

Monter le chercher... descendre... manger... remonter... les dents... le bureau...

À 21h, on se couche. Télévision en mode « podcast ». Le plus souvent on regarde juste un épisode d’une série. Parfois c’est un documentaire ou une émission de variété, mais c’est rare. On ne regarde jamais la télévision en direct.

À 22h au plus tard, extinction de la télévision. Cuillère de confiture pour Alain, avec son Prazepam, un anxiolytique. Massage du bras, gratouillis dans la barbe pour éliminer les squames provoquées par sa dermite séborrhéique…

À 22h30, extinction des feux. À un moment, je m’offrais un moment de quasi solitude, avec ma tablette. Parfois je regardais la télévision sur mosaïque, avec mon casque audio. Je pouvais enfin zapper, regarder « Les experts » ou « Faut pas rêver » ! Et faire des recherches, aussi, sur Internet. Mais maintenant, je dors comme une masse.
Je grince des dents et je parle beaucoup.
Et le lendemain, ça recommence.



Jour après jour, je navigue au radar. Je me rapproche de plus en plus de l’épuisement. Je commence à perdre pied. J’ai besoin de renforts. J’ai besoin de sortir, de rire, de hurler, de me vider la tête. D’aller à un groupe de parole, s’il faut. De faire en sorte de tenir, le temps qu’il faudra, avec tout l’amour que je lui porte.



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