dimanche 1 juin 2014

Briser le silence...

01 juin 2014

Il y a des choses que je ne peux pas écrire actuellement sur mon blog. Je veux dire, à la date où j'écris ces mots, qui resteront enfouis dans mes brouillons pendant... des mois? Des années? Je ne peux pas le dire.
Ces choses, elles concernent ma souffrance de vie avec mon mari malade et de plus en plus dépendant. Elles concernent notre vie ensemble tellement cadrée qu'elle en est étouffante. Mais il faut que j'écrive, que je partage, même si ce partage sera nécessairement différé. Parce qu'il est hors de question pour moi de prendre le risque de blesser mon mari.

Alain m'aime [d'une façon tordue, qui se rapproche plus du sentiment de propriété et de supériorité que de l'attachement véritable], et je suis attachée [malgré moi] à Alain, mais les choses ne sont pas simples.
Il y a sa maladie, la DCB.
Il y a mes troubles psychiques, troubles anxieux généralisés ayant générée une phobie sociale invalidante.
Il y a aussi la personnalité anxieuse et psychorigide d'Alain, qui le poussent à un besoin de contrôle dépassant parfois les limites du "normal" dans une vie de couple, dans une relation à l'autre, dans la gestion de la vie quotidienne. [en vrai, c'était un pervers narcissique, avec des tendances à la paranoïa et à la mythomanie]

J'ai longtemps été frustrée de ne pas pouvoir écrire tout ça sur ce blog. Que devais-je faire? En créer un autre, qui lui soit inconnu, qu'il ne puisse pas lire? Garder tout ça pour moi?
Pendant un temps j'ai trouvés des exutoires dans mon agenda et dans les courriels envoyés régulièrement à mes parents. Mais ça ne suffisait pas. Alors j'ai examinées les solutions et c'est celle ci qui m'est apparue la plus judicieuse, la plus juste.
Le concept de la capsule temporelle, dans laquelle on se confie, et dont on ne peut pas prévoir la date d'ouverture.


Il y a un an, en juin 2013, j'ai commencé à confier à mon agenda des choses concernant ma vie avec Alain et sa maladie, la mienne, avec nos souffrances communes et la mienne, intime.
Ainsi le 10 juin 2013, j'écrivais:
"Je ne dors toujours pas très bien. Je reste attentive à Alain, que j'entends souffler de douleur la nuit. Rien ne le soulage vraiment. Quand il se lève, vers 4 ou 5h, je me réveille puis dors enfin "normalement"..."
Au fil des jours, j’annotais les pages sur mes réflexions concernant ma fatigue (nerveuse), mes passages à vide de plus en plus intenses, ma souffrance au travail, mes déprimes récurrentes, mes moments de lassitude, mes envies de rien, ma dépression.
Parfois, rarement, je rapportais mes bons moments, mes bonnes journées, les moments dont j'étais fière, les discussions enfin enrichissantes que j'avais avec ma mère.
Le 4 juillet 2013, après la venue de ma maman deux jours j'écrivais:
"Je suis abattue cette après midi et ce soir: c'est l'habituel contrecoup. Mais ce qui est nouveau, c'est de percevoir cet abattement, alors qu'avant c'était dilué dans mes autres symptômes. Aujourd'hui, le rebond se fait dès le lendemain et ne demande plus des jours et des semaines."
Malheureusement j'ai "régressé" les mois suivants. Les contrecoups ont reprit leur intensité passée, peut être même en pire, au fur et à mesure que la dépression s'est aggravée.

Bref.

Le 5 juillet 2013 j'écrivais :
"Enfin le weekend! Quelques passages à vide aujourd'hui.
Je sens qu'Alain est angoissé. Il comptait beaucoup sur l'arrivée du beau temps pour se sentir mieux, mais ça ne lui fait pas grand chose, finalement.
J'ai des angoisses moi aussi. Genre qu'il tombe ou s'étouffe.
Des choses qui me terrorisent en permanence"

Je crois que ça pourrait être la première capsule temporelle. Les premières lignes que je n'ai pas osé transposer dans le blog.

Et puis...

Le 10 juillet 2013, c'était un mercredi.
"À midi, en revenant du travail, je me suis arrêtée à la pharmacie et à Intermarché pour acheter du pain. Je suis arrivée à la maison à 12h31 et j'ai eu "droit" au refrain du "T'étais ?!? Tu t'es arrêtée? Tu aurais pu prévenir! Téléphone quand c'est comme ça!!!" et surtout Alain m'a littéralement agressée d'un "Tu n'es jamais arrivée si tard!!!". J'étais complètement choquée, je me suis sentie épiée, surveillée, prisonnière."

Le lendemain 11 juillet, j'écrivais encore :
"Ce n'est pas mes "retards" qui angoissent Alain. Pas le fait que je ne sois pas là. C'est l'absence d'informations. Donc si je le préviens, en téléphonant, en envoyant un SMS, tout va bien. C'est son anxiété, ses angoisses qui sont donc en cause. Du coup j'ai du mal à lui en vouloir.
J'aimerais tellement qu'il s'apaise".

Au fil du temps, au fil des jours, j'ai continué à annoter les "petits" événements de notre vie courante.
Des choses qui, misent bout à bout, concrétisées par l'écriture, ont finit par me laisser voir le caractère dysfonctionnel de notre relation, au delà de ses angoisses, au delà de sa maladie. Des choses qui ont finit par me montrer pourquoi je plongeais davantage dans la dépression, pourquoi je n'arrivais pas à affronter les choses.

Publié avec 3 ans de décalage, en 2017, mais "planifié" pour s'insérer dans les billets de 2014... Forcément, Alain étant décédé fin aout 2016, l'impact est différent. Les passages entre [...] indiquent les modifications faites en 2017.