jeudi 22 février 2018

Après la fac, boulversements...

Avril 2009. Je décroche ma licence de Droit à 27 ans.
Je me sais incapable de continuer en Master à Poitiers.
Qui plus est, je n'en ai aucune envie.
J'ai étudié des matières fascinantes comme le droit des biens, des personnes morales, le droit communautaire ou l'histoire du droit français... mais je ne me vois aucun avenir juridique.

J'avais voulu étudier la sociologie pour comprendre la société.
J'ai permuté vers la psychologie pour comprendre le fonctionnement des gens.
J'ai finalement étudié le droit dans le même type de démarche : comprendre, avant tout. La justice, le droit, des choses "communes", des institutions, du monde étrange dont je fais partie malgré moi.

Durant l'été, je lis des romans, cuisine, me promène, pars en vacances avec Alain...
C'est vague dans mon esprit.

Parfois, je me sens très, très mal.
Ma vie ne me convient pas.
Je ressens de nombreux manques, un vide profond...
J'essaie de ne pas y penser mais je relâche parfois la tension en me laissant aller en écrivant, en jetant sur le papier des réflexions d'ordre intime sur le papier, sans penser, sans réfléchir, déversant mon mal-être profond.

Un jour je suis dans le jardin tandis qu'Alain est à son ordinateur, dans la salle de séjour.
Quand je reviens à la cuisine, je suis confrontée à mon mari, furieux. Il irradie la rage. Je ne comprends pas.
Il s'avère qu'il est entré dans mon bureau pour regarder un livre et a vu un de mes textes, sur mon bureau. Et l'a lu.
Je suis choquée car il existe un accord tacite entre nous : cette pièce appartient à mon intimité personnelle. Je m'y sens en sécurité, c'est en quelque sorte mon "chez moi", chez lui, mon refuge. J'en ai un réel besoin. Il le sait très bien, mais n'en a pas tenu compte.

Ce qu'il a lu, c'étaient des mots de désarrois, des maux de mon esprit. De mon corps, aussi, qui hurle depuis longtemps, me torture quand je vais mal, quand je ne vis pas, que je survis, que je vis pour les autres, que je nie les choses et me laisse diriger par les autres parce que j'ai trop peur d'être moi-même.

Ce qu'Alain a lu ce jour là, c'étaient des mots de doutes...
Est-ce que je l'aime vraiment?
La question était réellement posée sur le papier, parmi d'autres réflexions.

L'écrire ici, publiquement, on pourrait se dire que c'est me livrer exagérément.
Alors que non.
Non, parce que en dépit de mes doutes d'alors, d'avant, de plus tard, j'ai toujours été très attachée à Alain, j'avais des sentiments forts pour lui, même s'ils étaient souvent ambivalents.
Je l'aimais, je le détestais, j'avais besoin de savoir qu'il allait bien, qu'il était en sécurité, tranquille, mais je me sentais prise au piège. J'ai détesté une partie de sa personnalité, son "passager noir", l'ombre tapie qui entachait sa douceur et sa gentillesse.
Alain était aimant, mais quelque chose était "cassé", en lui, défaillant.

Il était devenu mon mari sans que nous en ayons parlé avant que ça se fasse.
Je n'avais pas refusé.
Tout comme j'étais allée vivre chez lui parce qu'il me l'avait proposé.
Tout comme j'avais conclu un PACS.
Je ne protestais pas, j'étais sans opinion, je laissais la vie faire les choses pour moi.
Je laissais Alain décider.

Quels reproches pourrais-je lui faire, alors que je ne l'ai jamais contredit ?
Pendant des années je suis restée dans une attitude d'acceptation, ne le contredisant jamais, sauf intérieurement, faisant juste parfois des choses discrètement quand il s'affirmait détenteur d'une vérité, qui en fin de compte était trompeuse. Il m'est ainsi arrivé de laisser le chauffage dans certaines pièces, en hiver, au lieu de le couper et de le relancer... il était en effet persuadé qu'il faisait des économies d'énergie, mais une pièce où la température est constante et modérée se réchauffe plus vite et à moins de frais qu'un espace glacé (du sol au plafond, surfaces et air). Au final mon attitude discrète n'avait aucun impact notable sur la facture et mon confort était amélioré.

Souvent Alain se plaisait à dire aux tiers que nous ne nous disputions jamais.
Je pondèrerais largement cette affirmation : nous ne nous affrontions pas dans de bruyantes querelles. Non.
Cependant j'affrontais régulièrement des pluies de reproches, souvent injustifiées au sens commun (ses récriminations étaient "légitimes" au regard de son système de valeurs personnel). Simplement je choisissais de ne pas y répondre. Je le savais meilleurs orateur que moi, plus acharné et obstiné. Sans compter que j'étais le plus souvent convaincue qu'il avait finalement raison, que j'étais dans l'erreur, que j'avais fais ou dis quelque chose de "mal". Ceci en dépit du fait que les notions de bien et de mal soient à géométrie variable, selon les personnes, les sociétés, les époques, la gravité des faits, et autres aspects.

Les choses ne sont jamais toutes blanches ou toutes noires.
La vie, ce qu'on ressent, c'est une palette infinie de nuances, de tons, de textures, de mesures.
On ne peut pas présumer de ce que ressent tel ou untel pour une autre personne.
On peut aimer et détester, désirer et repousser, on peut vivre auprès de quelqu'un et avoir besoin d'en rester éloigné, comme on peut vivre éloigné et ressentir le besoin de contact.

Toujours est-il que je m'étais toujours interrogée sur le bien fondé de notre relation, et évidemment aussi après notre mariage.

J'ai toujours vécu dans le doute. Ça a longtemps été mon principal mode de fonctionnement, d'ailleurs. Quiconque me le reproche me reproche également d'être la personne que je suis, et par extension, me reproche de souffrir de troubles anxieux sévères.
Reprocherait-on à un cancéreux d'être malade ? Non !
Alors quiconque s'estimerait légitime à me reprocher mes troubles psychiques serait dans l'erreur.
Merci bien, je n'ai pas choisi d'être ainsi. Croyez moi, c'est un lourd fardeau.

Lors de l'été 2009, j'ai demandé à mon mari s'il souhaitait que nous nous séparions ou que l'on divorce. La chose me semblait logique devant la réaction extrême d'Alain. Peut être que cela semble absurde vu de l'extérieur, mais après tout, il avait bien lu ce que j'avais bel et bien écris : j'étais attachée à lui, mais je me sentais mal à l'aise et pas vraiment à ma place auprès de lui.

Non, il ne voulait ni divorce ni séparation.
Peut être que c'était ce que je désirais, mais je ne saurais honnêtement pas le dire aujourd'hui.

Le mariage est un contrat qui concerne uniquement les parties qui le signent : les conjoints, donc. La pérennité du contrat est leur affaire, à eux et eux seuls. Une fois le mariage conclu, sauf cas très spécifiques (mariage blanc, mariage forcé...), les tiers n'ont pas leur mot à dire.

Nous n'avons plus remis en question le contrat avant des années, et même alors, nous avons chacun fait le choix explicite de rester mariés.

En septembre, j'ai commencé à faire de l'intérim. Beaucoup d'inventaires et des missions d'ouvrier polyvalent (sans qualifications). J'étais malade quasiment à chaque nouvelle mission. Question recherche d'emploi, j'ai commencé à me sentir vraiment très mal. Au delà de mal à l'aise, l'idée de postuler à des offres me mettait dans un état de panique totalement irrationnel.

Dès le mois d'octobre, je suis allée consulter mon médecin traitant (cette femme me suit toujours et je pense que, à moins qu'elle ne déménage, elle le fera jusqu'à sa retraite). Elle qui avait suivi ma scolarité et constaté mon anxiété croissante au fil de mes études a finit par comprendre que j'étais bien au delà du stress ordinaire. Je lui ai parlé de mes angoisses, que je porte en moi depuis aussi loin que mes souvenirs m'entraînent, et de mon incapacité totale à aller vers l'emploi, vers les autres, vers la vie, à entrer dans les magasins, à pousser des portes, faire de nouvelles choses. Bref, je me suis effondrée, j'ai tout lâché dans les larmes devant elle.

"Ça ressemble beaucoup à une phobie sociale, tout ça".

C'était le début de mon véritable parcours diagnostic.

Grâce à elle, j'ai commencé à aller mieux. J'ai trouvée une psychiatre (en 2010, après plusieurs essais avec des praticiens avec qui ça n'a pas "collé) qui m'a apprit que je souffre de dysthymie (anciennement appelée "névrose bipolaire"), et peu à peu, j'ai appris à me connaître, à faire la différence entre qui je suis et ce dont je souffre.

Mon médecin traitant, Laurence, est formidable.
Ce n'est qu'une humaine.
Moi aussi.

jeudi 15 février 2018

Centre Universitaire de la Charente, Licence de Droit

Après ma tentative avortée de passer le BAFA, "comme ma sœur" durant les vacances de Pâques de 2005, face au constat que les boîtes d'intérim ne voulaient pas franchement de moi, j'étais résolue à reprendre des études. Au début, je pense "vite et bien". J'envisage de m'inscrire en BTS, mais Alain me déconseille cette voie, qu'il me présente comme ne me "correspondant pas". Je l'écoute. Après tout, il sait de quoi il parle.

Finalement, vers la fin mai, je suis décidée à réaliser un vieux rêve, dont la conseillère d'orientation du collège avait tenté de me décourager : faire des études de droit. Le fait est qu'il existe un antenne déconcentrée de l'Université de Poitiers près d'Angoulême, juste à côté du CHS (des années après, je remarque l'aspect ironique des choses).
Autour du feu, lors des 25 ans de ma sœur aînée, chez sa future belle-mère, j'évoque cette reprise d'études avec mes parents. Comme toujours, ils veulent mon bonheur avant tout.

L'été auprès d'Alain, chez qui j'emménage début juin, est tranquille, presque idyllique. Il s'occupe de son potager, je cuisine les légumes, nous allons dans les Pyrénées pour randonner.

L'inscription au Centre Universitaire de la Charente, début septembre 2005, est une épreuve difficile. Elle le sera les trois années suivantes également.
Le début de la première année se fait presque facilement. J'ai une confiance en moi nouvelle, je me sens bien. Malheureusement les choses ne durent pas. Quand les travaux dirigés commencent, je commence à ramer. Je ne sais plus faire de commentaire de texte, alors des commentaires d'arrêt de justice, c'est vraiment difficile. Sans compter qu'en première année il y a des chargés de TD "honorifiques", non universitaires mais installés dans les institutions locales. Parfois ils manquent cruellement de pédagogie.

En outre à la maison, les choses se compliquent : les horaires de repas, de coucher et de lever changent dès la fin du mois d'aout.
La vie d'Alain m'apparaît soudain comme une succession de routines inébranlables. Levé à 6h45, petit déjeuner à 7h, toilette au lavabo pour lui, habillé, travail. Le soir on doit être à table pour dîner à 18h45, après quoi il regarde une émission de télévision de 19h à 20h45, puis éventuellement autre chose. Extinction des feux à 22h45 maximum.
En weekend, il vaque à ses occupations, mais a ses horaires précis pour toutes choses. Il fait le ménage et la lessive le dimanche, et prend également son bain hebdomadaire.

Quand je vais en cours, je dois envoyer un SMS pour dire que je suis bien arrivée, et un autre pour dire que je rentre. Je dois aussi appeler à midi. Si je ne le fais pas, Alain "s'inquiète" et me reproche de "l'oublier". La chose devient une routine. Je ne me rend même pas compte qu'il m'empêche de cette manière d'interagir avec les autres et qu'il me surveille.

Peu importe. À ce moment de mon existence, à 23 ans, je pense que je ne pourrais jamais avoir une vie meilleure, que j'en suis définitivement incapable.

Face à mes difficultés scolaires, Alain ne cesse de me répéter que je dois faire des fiches, mais je ne sais absolument pas comment m'y prendre. J'ai toujours fonctionné sur mes acquis de cours : j'allais en classe, j'écoutais, j'écrivais ce qu'on me disait et c'est à peine si je les relisais mes cours pour obtenir des notes dans la moyenne.
Je ne peux pas refaire le passé, mais qu'est-ce que ça aurait été si j'avais appris à apprendre plus tôt...

Toujours est-il que je valide mon premier semestre de DEUG, puis le second, mais de justesse.
J'ai quelques camarades de promotion proches, mais je ne les considère pas comme des amis. On ne se voit qu'au centre universitaire et nous n'avons pas d'intimité et rien à partager.
Durant la première année, je met une fois les pieds au restaurant universitaire. Je m'y sens très mal, envahie par le brouhaha ambiant, incapable de suivre une conversation, avec l'envie de m'enfuir qui me tenaille le ventre.
J'emporte systématiquement mon déjeuner avec moi.
Le matin, j'arrive systématiquement en avance en cours.

Entrée en deuxième année, les choses se compliquent. Je commence à être régulièrement malade. Cystites, problèmes digestifs, angoisses croissantes et j'en passe. J'apprends peu à peu à organiser mon travail, à faire des fiches, à réviser. Malheureusement ça ne suffit pas : en droit administratif, je n'arrive pas à fixer ma concentration sur les méandres de la jurisprudence et en droit civil, notre chargé de TD est obsédé par la doctrine et la philosophie du droit, sur laquelle il fait sa thèse, au lieu de se concentrer sur la bonne compréhension de la matière. Qui plus est il a un accent très prononcé et j'ai du mal à le suivre quand il parle.
Mon médecin commence à me prescrire un anxiolytique, le Stresam.

À la fin de l'année, je me battais pour valider toutes les UE (unités d'enseignement) sauf les deux matières problématiques que sont le droit Civil et le droit Administratif.

En outre à la fin du printemps 2007 Alain fait un accident vasculaire oculaire : un caillot obstrue la veine centrale de son œil gauche. Il reprochera longtemps (mais seulement à portée de mes oreilles) à mes parents cet incident, survenu alors que nous déjeunions sur la terrasse, chez eux, "alors qu'il déteste manger dehors".
Nous avons donc passé une partie de l'été à faire la navette entre Angoulême et l'hôpital Pellegrin à Bordeaux, où il a également été hospitalisé de jour pour une hémo-dilution et des examens concernant la coagulation. Il doit également passer des examens de contrôle de la rétine réguliers. Une partie, faute d'arrivée de flux sanguin, est morte. À titre préventif, pour éviter un décollement de rétine par néo-vascularisation, on lui cautérise alors au laser les petits vaisseaux endommagés.

Pour comprendre pourquoi le caillot s'est formé, on fait passer à Alain une batterie de tests, on l'envoie chez un cardiologue, un angiologue, on lui fait passer un test sanguin pour savoir s'il coagule de manière normale.
Deux choses apparaissent alors : d'une part il a une sur-coagulation probablement congénitale et d'autre part, il souffre d'une dilatation de l'aorte descendante inquiétante. Dès lors on surveille sa santé de près.

Alors que je repique ma deuxième année de Licence (le DEUG n'existe plus), on apprend que la dilatation aortique d'Alain est devenue alarmante. Chez un adulte normal, le diamètre en est de 25mm environ. Un scanner révèle une dilatation à 56mm. Le cardiologue l'effraie terriblement en lui affirmant qu'on doit l'opérer d'urgence et sort du bureau pour demander à sa secrétaire de prévoir une coronarographie à l'hôpital. Pendant qu'il est absent, Alain me dit qu'il faut qu'on se marrie. Comme ça.
C'est la mi-décembre.

Fin janvier 2008, nous sommes mariés.
Nous avions déjà conclu un PACS en 2007, pour des questions fiscales (avantageuses pour lui).
Là il transforme son compte personnel en compte joint et me rend bénéficiaire d'assurances vie déjà constituées.

Il faut cependant attendre fin mars 2008 pour qu'il soit opéré.
Je passe mes partiels alors même qu'il est hospitalisé.
On lui pose plusieurs prothèses, dont une valve cardiaque en carbone et titane, ce qui l'obligera à prendre un anti-coagulant jusqu'à la fin de ses jours.
Étrangement, je suis très détachée de ces événements. Je ne suis pas vraiment atteinte par tout ça, cela me semble infiniment distant, comme derrière une paroi de verre, assourdit. Je ne saurais pas comment l'expliquer. Je me sens concernée tout en ayant le sentiment de ne pas l'être.

Après un mois de convalescence, Alain rentre chez lui, à la maison. Il est en congé maladie et prend sa retraite dans la foulée, au 1er octobre 2008 (encore une histoire de fiscalité).

Cette dernière année de droit, où je vais obtenir ma licence va être difficile à bien des points de vue.
D'une part, je suis terriblement anxieuse et beaucoup de matières sont évaluées à l'oral, alors que c'est un exercice que je redoute terriblement. Je fini quasi-systématiquement en larmes et bégayante, même si j'ai des notes convenables (dont un 17 en droit du travail!).
D'autre part... Alain, qui est à la retraite, se montre maintenant vraiment intrusif.
Il critique les horaires de mes cours, et de mes TDs, se plaint des dates de mes partiels qui "nous" empêchent de partir en vacances quand il le souhaiterait, me reproche de ne pas l'appeler si je reste un quart d'heure à discuter avec des camarades sur le parking avant de rentrer.

Bref, même si je refuse de l'admettre, quelque chose ne tourne pas rond.

Alain a décidé que nous allions déménager dans les Pyrénées. Après avoir hésité entre Pau et Tarbes, j'avoue préférer Tarbes, plus petite et sécurisante pour moi. Il semble chercher mon bien être. Nous cherchons des maisons à vendre. Alain se focalise parfois sur des détails, mais c'est lui qui a l'argent, c'est lui qui veut déménager, c'est lui le maître, alors je ne fais que suivre le mouvement.

J'obtiens ma Licence sans devoir passer le rattrapage.
Les choses sont étrangement confuses dans mon esprit, concernant cette période là...
Je ne vivais pas ma vie, à ce moment là, j'étais absente à moi même.

jeudi 8 février 2018

Université de Poitiers... hésitations et abandons

Septembre 2002... Le bac en poche. Inscrite à la Faculté de Sciences Humaines de Poitiers en Sociologie. Matière de découverte : Psychologie.

J'ai trouvé un studio de 27m² à 10 minutes du campus. Avant même la rentrée, j'y ai dormi avec Frédéric, que j'ai rencontré quelques jours avant le début des cours.

Le début de l'année universitaire est difficile. Des amphithéâtres pleins, du bruit, de l'agitation et des cours que je peine à suivre, surtout en sociologie. Les enseignants tiennent pour acquit que tous les étudiants sortent de la filière économique et sociale, ce qui n'est pas mon cas.

Les cours de psychologie m'intéressent beaucoup et je galère beaucoup moins.
Les six premières semaines, je m'accroche. Les cours de travaux dirigés des étudiants de sociologie n'ont pas encore commencés. Quand cela arrive, je m’effondre et perd pied. Je suis obsédée par l'idée que c'est au delà de mes forces, j'entre en mode "blocage". Terrorisée, je demande au secrétariat de l'UFR de faire basculer ma matière de découverte en matière principale et réciproquement.
Malheureusement les travaux dirigés de psychologie ont commencé dès le début de l'année et je ne peux donc pas les intégrer.
On me fait rencontrer le directeur pédagogique du DEUG de Psychologie. Je m’effondre en larmes dans son bureau, en grande détresse morale. Il me propose d'être dispensée d'assiduité pour ce premier semestre et de passer l'épreuve documentaire sur table sous la forme d'une note de synthèse. J'accepte sans hésiter.

Je remonte un peu la pente, même si les cours de sociologie en "découverte" sont extrêmement rébarbatifs : quatre heures dans un amphi immense. Qui plus est il me manque une grande partie des cours et je n'ai personne vers qui me tourner.

Je ne sais pas où se trouve le service de reprographie et n'ose demander à personne. Je n'ai aucun ami, aucune "copine" vers qui me tourner. Je suis incapable de mettre les pieds à la bibliothèque universitaire, mais également dans un "resto U". Je ne sais pas comment ça fonctionne, je n'ose pas demander de peur qu'on se moque de moi. Je ne sais même pas où sont les toilettes avant d'avoir passé trois mois dans les locaux, incapable de demander. Je suis dominée par la peur et je continue à prendre le Lexomil qu'on m'a prescrit pour passer le bac, au coup par coup.

Au bout de quelques temps, Frédéric, que j'ai rencontré pendant l'été, me propose de le rejoindre à Paris alors qu'il y est en formation. Ça tombe en semaine, sur deux jours de cours, mais j'y vais, je m'évade.

Je n'ai pas de but dans la vie. On m'a tracée la voie : dès le collège, on m'a "conseillé" de passer en seconde littéraire en option Arts Plastiques. C'était la meilleure façon d'avoir mon bac, paraît-il. J'ai suivie cette voie. Après, et bien l'université semblait être la voie "normale", alors c'est là que je suis allée. Mais je ne sais pas pourquoi. Je m'intéressais à des tas de choses, mais surtou aux comportements humains, que je ne comprend pas bien, à la nutrition, à (ce que je ne sais pas encore être) l'économie sociale et familiale, à l'art, la cuisine, le dessin. J'ai des passions intenses dans lesquelles je m’investis, la plupart loin du regard des autres.

Je ne me sens pas vraiment à ma place à l'université.
Je ne sais rien des soirées étudiantes, je n'y ai jamais mis les pieds.

De l'Université de Poitiers, j'ai peu de souvenirs.
J'ai rapidement réalisé que j'avais besoin d'être dans les premiers rangs pour pouvoir suivre, pour ne pas être gênée par les bruits parasites produits par les autres étudiants. Lors des travaux dirigés, j'ai réalisé avec gêne et un certain désarrois que mon fonctionnement cognitif était assez divergent de celui de mes camarades, ce qui n'a pas manqué de me perturber alors que ça semblait intéresser mes chargés de TD (doctorants), lesquels me proposaient de manière récurrente de venir participer aux études du bâtiment de recherches, ce qui me terrorisait.

J'ai fini la première année. Le jour du début des examens, mon grand père paternel est décédé. Mon père m'a dit de ne pas venir à l'enterrement. Je savais que j'allais rater mes examens, alors que ce soit en étant mauvaise ou absente... mais j'ai écouté mon père. C'est un de mes grands regrets.
Je n'ai validé que la langue étrangère du premier semestre.

Redoublement.
J'étais de moins en moins assidue en cours, je voyais Frédéric de temps à autre, même si il se montrait de plus en plus imbu de lui même et de plus en plus critique et désagréable à mon égard. Finalement, il a fini par me dire qu'on ferait mieux d'en rester là, un soir. Je suis restée près de lui toute la nuit, à l'hôtel, et le lendemain, quand il est descendu prendre son petit déjeuner, je me suis habillée et suis partie, tout simplement.

Par ailleurs, depuis quelques temps, j'avais repris contact avec "Julien", sous l'influence de plusieurs de mes correspondants, dont "Lola", "Mélodie", "Bernard"...
Je met les noms entre guillemets parce que ces "gens" n'ont jamais existé: plus d'un an après le décès de mon mari, à la recherche de mes sauvegardes personnelles sur les disques durs externes d'Alain, je suis tombée sur des fichiers texte très étranges. Il s'agissait de dizaines (voire des centaines) de correspondances partielles, écrites à la première personne, sous diverses identités. Parmi les alias, j'ai trouvé... Lola, Bernard, Bruno, Daniel, Mélodie... et autres. J'ai eu des correspondances avec ces alias. Je ne saurais pas expliquer pourquoi, je n'ai pas été véritablement surprise ou choquée, même si j'aurais pu l'être. Ça a simplement été comme si je regardais un film d'un tournage, une pièce de théâtre depuis les coulisses. J'ai vu les événements passés sous un nouvel angle et j'ai vu à quel point j'avais été manipulée par quelqu'un de profondément malade. En outre, quand j'ai fais le tri des papiers, j'ai aussi trouvé des courriers manuscrits lui étant adressés de manière plus ou moins détournée (à un autre nom mais à la bonne adresse, à son ex-femme ne vivant pourtant plus avec lui...), parfois très anciens, où il était question de correspondances entre femmes ou couples.

Fin de la digression : alors que j'étais "étudiante" à Poitiers, donc, je ne sais pas trop à quel moment, j'avais repris contact avec "Julien", encouragée par plusieurs de mes correspondants, dont certains étaient sensés l'avoir rencontré dans le cadre de relations professionnelles. "On" m'affirmait qu'il avait été "maladroit", "ne pensait pas à mal" et autres arguments et je m'étais fais avoir. Je lui avait proposé de nous revoir et c'est ce que nous avions fait. Cependant j'étais mal à l'aise avec ça, je sentais qu'il y avait quelque chose de malsain (en dehors de nos 34 années d'écart). Il ne se montrait jamais insistant, aucun geste déplacé à mon égard, nous ne faisions que discuter, encore et encore et toujours.

En janvier 2004, je n'ai pas repris les cours et personne ne s'en est soucié.
J'ai continué à aller à Poitiers comme si j'étais toujours étudiante.
Je sortais un peu, sous l'impulsion d'une voisine, mais je végétais essentiellement.
J'avais l'idée de faire de l'intérim, comme me le suggérait Alain lors de nos longues discussions, mais jamais je n'ai trouvé l'impulsion de le faire.
Finalement, je suis retournée vivre chez mes parents, malheureuse, ne comprenant pas pourquoi j'étais si "incapable" d'agir, tellement "bonne à rien". Je me renfermais sur moi.

Je ne fais pas d'intérim durant cette période. Cela viendra plus tard.
Je marche pendant des heures dans la campagne. Parfois je prend le train, pour rejoindre un ami à Paris, mais j'arrête vite.

Début 2005, je décide d'aller vivre à Angoulême, espérant évoluer. J'emménage dans un studio vétuste en mars.

Après qu'on m'y ait incité plus ou moins directement depuis des années, je m'essaie à essayer de passer le BAFA "comme ma sœur", même si au fond de moi, je sais que je ne suis pas du tout faite pour ça. Bonheur : on ne valide pas mon premier stage (c'est très rare). C'était un vrai soulagement après les crises d'angoisse que j'ai eu pendant ce stage "théorique", dont une crise d'agitation aigüe avec perte de contrôle, lors d'une "chasse au trésor" nocturne. J'en ai encore honte de cet épisode, mais c'est arrivé et je n'y peux rien. Cette nuit là, j'ai crié après des gens qui ne comprenaient pas mon état d'anxiété extrême, j'ai jeté ma lampe torche au sol, beaucoup pleuré et vécu un moment très humiliant.

Le dernier jour du stage, Alain m'a envoyé un SMS dans lequel il m'invitait à venir vivre chez lui.

jeudi 1 février 2018

CEPMO, lycée épisode 2

Après ma tentative de suivre des cours par correspondance, ayant aboutit à un bac de français "à moitié passé", je suis entrée dans un lycée "expérimental" (comprendre que les cours et la pédagogie ne s'y organisent pas selon les mêmes temps et les mêmes modes que dans un établissement lambda, tout en restant un établissement public).
Le CNED, j'avais toujours su que je n'y arriverais pas, mais je préférais dire "je veux suivre des cours par correspondance" que "je ne veux plus aller au lycée, ça me rend trop malade" à mes parents. Pourtant le signal d'alarme aurait sans doute été plus fort, mais peu importe, on ne refait pas le passé.

La journée portes ouvertes, également journée de préinscription, a été très pénible pour moi. Je voulais être jolie, mais j'ai très mal vécue la sensation d'être regardée de près, observée (ce qui n'était sans doute pas le cas).
Quand j'ai passé l'entretien de pré-inscription, j'étais nouée de partout et je me sentais très mal. Je me souviens qu'un des profs m'a demandé si je n'avais pas des envies, de passions et que je me suis sentie "coincée", je n'ai pas su quoi répondre, j'avais peur de dire une connerie et de voir mon dossier "rejeté". Alors qu'en fait ces entretiens permettent avant tout à l'équipe pédagogique de se faire une idée des candidats. Pas d'en faire des "oraux" décisifs.

Le CEPMO était à Boyardville, sur l'Ile d'Oléron (il a déménagé à Saint-Trojan, de nos jours).
Mes parents m'ont trouvé un logement à Saint-Denis d'Oléron.
C'était quelque chose : presque tous les élèves louaient des logements initialement prévus pour les beaux-jours, pas toujours bien isolés ni bien chauffés. Moi j'avais décroché le pompon avec un logement dont la chambre /pièce à vivre était séparée par une ruelle de la terrasse et son accès à la cuisine et la salle d'eau. Je ne disposais pas d'un compteur d’électricité individuel, ni d'un disjoncteur, bien entendu, car il s'agissait d'une dépendance d'une autre maison, bien plus grande.

Le CEPMO ne m'a pas permit de développer mes habiletés sociales, même si j'y ai eu des copines. Mais c'étaient là encore uniquement des "copines", pas des amies. Je les connaissais très probablement mal et nous n'avons pas gardé le contact une fois que j'ai quitté l'établissement, bien que j'ai essayé, pour certaines, mais je ne savais (et ne sais toujours pas) faire.

Le lycée était à échelle "humaine" pour moi, avec de toutes petites classes avec un maximum de 20 élèves par classes (inscrits, mais pas toujours présents). Les choses fonctionnaient par contrat élève-lycée, avec des engagements d'assiduité réaliste en fonction des problématiques individuelles. J'imagine que les choses n'ont pas beaucoup changé de ce point de vue là.

Je suis restée dans la filière L arts plastiques. En regardant en arrière, je sais que j'aurais sans doute mieux fait de passer en 1ère Économique et Sociale, éventuellement avec une option facultative d'Arts, mais on ne refait pas le passé. J'aurais même pu ne pas être scolarisée là-bas, mais dans le petit lycée à 15 kilomètres au nord de chez mes parents, où j'aurais sans doute été aussi bien.

Pour autant je ne regrette pas mes années CEPMO. Deux années riches, même si j'ai été absente 25% du temps contractuel sur la première période de la première année (nous ne fonctionnions pas par trimestres, mais selon les périodes de cours s'intercalant entre les vacances scolaires).

A début je mangeais j'étais sensée manger à la cantine à midi, mais en réalité j'ai dû y mettre les pieds qu'une dizaine de fois. Soit je jeûnais, soit j'emportais à manger. Bref je reproduisais ce que j'avais fais par le passé, au collège puis dans mon premier lycée. D'autant que là c'était pire : pas de self-service mais des tables communes, avec des plats apportés à table, la cohabitation infernale avec les autres, le bruit, le rythme à suivre... la pause de midi était épuisante nerveusement.
Le phénomène étant fréquent, à la fin de la première période, le responsable d'établissement demandait aux élèves inscrits à la demi-pension s'ils y allaient vraiment. J'ai demandé à ce qu'on me désinscrive.

Certes on me savait "anxieuse" lors de mon inscription, déscolarisée après une tentative d'études par correspondance, mais c'est tout. Je n'avais à l'époque aucun diagnostic "officiel" autre que celui de phobie scolaire, et encore, il n'avait fait l'objet d'aucune déclaration, que ce soit auprès de la CPAM ou de la MDPH.
Je me savais en souffrance psychique de longue date.
J'ai cherché à voir la psychologue scolaire pour lui parler de mon mal être mais soit je m'exprimais mal, soit elle ne comprenait pas l'ampleur de ma détresse et prenait les choses à la légère. Toutefois je ne lui en veux en rien car elle avait également à suivre des élèves en situation de handicap psychique bien plus invalidante que la mienne, confrontés à des début de schizophrénie, des troubles obsessionnels compulsifs envahissants, bipolaires, boulimiques et autres...
Nous n'en parlions pas entre nous, par une sorte d'accord tacite, tous élèves, tous différents, mais avant tout élèves. Cependant nous savions tous qu'une partie des élèves étaient là parce que les établissements scolaires traditionnels refusaient de "prendre le risque" de les admettre pour cause de "problèmes" psychiatriques.

J'ai été confrontée à la schizophrénie d'un des élèves un jour où je le ramenait chez lui, à Saint-Denis d'Oléron avec ma voiture. J'avoue que je n'avais jusque là jamais rien vu en lui qui ait pu m’effrayer. Il était élève depuis un ou deux ans, alors en terminale et moi en première. C'était le printemps. Tandis que je conduisais, il avait commencé un monologue sur la violence des hommes, leur cruauté, qu'il allait punir... j'avais senti que je ne devais pas essayer de le contredire, par une sorte d'instinct. Lorsqu'il a commencé à parler de sa "femme" et de "chez lui" en citant le Vatican ou la Mecque, il m'est apparu évident qu'il était en perte de contact avec la réalité.
Une fois arrivée à Saint-Denis, je me suis garée au bord d'un square et ai simplement attendu qu'il s'apaise et descende de lui même du véhicule. À aucun moment je n'ai crains qu'il me fasse du mal, même si ses paroles avaient des accents de violence effrayants. Il est "redescendu" au bout d'une dizaine de minutes de discours acerbe parfaitement construit et convaincant, bien qu'évoquant sa déité supposée. Il m'a remercié de l'avoir ramené, en descendant tranquillement, mais en me disant quand-même qu'il n'oublierait pas, le jour de son courroux, que j'étais du côté des "justes".
Oui, oui, oui...

Le lendemain, je me suis enquis de savoir qui était son tuteur (nous avions tous un professeur référent), que je suis allée voir pour rapporter l'incident, sans chercher à en savoir plus. Quelques mois plus tard l'élève en question a malheureusement du être hospitalisé, ce qui était relativement rare dans l'établissement, car il était devenu un danger pour les autres. Il avait en effet un certain charisme, notamment auprès d'élèves en quête d'identité, et en avait entraîné un à commettre des actes violents. C'est le seul incident notable dont j'ai eut vent, alors que j'ai côtoyé de façon certaine d'autres élèves psychotiques.

Au CEPMO, il existait (à cette époque, et c'était il y a plus de 15 ans) une sorte de dichotomie entre les élèves "locaux" et les autres. En effet il y avait les insulaires et ceux qui, pour une raison ou une autre, avaient besoin d'une scolarité "différente". J'en faisais partie. Les oléronnais étaient minoritaires. La plupart des adolescents du cru en âge d'aller au lycée étaient internes à Rochefort, notre lycée de tutelle, ou à Bourcefranc pour l'enseignement technique maritime.
Souvent les habitants de l'île avaient des réticences à inscrire leurs enfants au CEPMO, précisément à cause de la concentration d'élèves en situation d'échec scolaire, quelle qu'en fut la cause. En outre l'organisation de la scolarité, non conformiste, déplaisait à la plupart.

J'ai traversé ces deux années de façon "mécanique". Je fonctionnais essentiellement sur mes acquis de cours, ne révisais quasiment jamais, perdais mes cours de manière récurrente.

Les épreuves anticipées de français, mathématiques et sciences se sont bien passées (une expérimentation qui n'a pas perduré) à la fin de ma première, même si mon niveau d'anxiété était important.

Quand je suis passée en terminale, j'ai changé de logement pour aller habiter à La Côtinière. Je me contentais de faire le trajet aller-retour entre le lycée, m'arrêtant simplement à Saint-Pierre d'Oléron pour faire mes courses. Je n'allais pas marcher et restais enfermée la plupart du temps dans mon studio. J'étais tellement effrayée par le regard de mes propriétaires, dont je devais traverser la cour pour sortir, que j'emportais souvent mon sac poubelle avec moi le matin, pour le jeter dans une benne sur mon chemin, plutôt que de le mettre dans la leur.

Il y aurait bien entendu beaucoup à écrire sur cette période de ma vie mais je ne suis pas certaine de l'utilité de ce récit.

J'ai été confrontée à des situations que peu de gens voient vraiment, en raison du caractère atypique de l'établissement. En 2001, les attentas du 11 septembre ont fait réagir beaucoup d'élèves, ce qui m'a entre autre révélé la mythomanie pathologique d'une jeune fille que je croyais bien connaître.
Dix jours plus tard, l'accident de l'usine AZF à Toulouse a provoqué le départ précipité de plusieurs élèves inquiets pour leurs familles.
À un moment indéterminé dans le temps, au début de ma terminale je pense, nous avons apprit le suicide d'un des élèves (je ne le connaissais pas), d'où la mise en place d'une cellule d'écoute spécialisée dans l'établissement.
Une des élèves a fait un déni de grossesse et a accouché en urgence à Rochefort...
Certains élèves ont été surpris à voler de la nourriture dans une grande surface, faute de savoir gérer leur budget, achetant des plats préparés à foison en début de mois et se trouvant sans le sous à la moitié du mois...

Un chapelet de petits événements représentant un condensé de la vie "réelle" et très ordinaire que la plupart des adolescents et jeunes adultes ne connaissent pas vraiment, isolés dans cette sorte de tour d'ivoire qu'est le lycée général et sa dilution des individus dans les masses anonymes.

De ma première année là-bas, en 1ère, donc, je peux en outre évoquer un échange culturel avec un établissement scolaire de Gratz, en Autriche, qui a mis à rude épreuve mon anxiété pathologique. Nous sommes d'abord allés là bas au cœur de l'hiver (voyage en train de près de 24 heures, en groupe, hébergement dans une famille, barrière linguistique...), travaillant sur le concept de l'actionnisme et le thème des tabous. Un voyage de 10 jours, dont un weekend à Vienne, hébergés en auberge de jeunesse (j'ai un souvenir extrêmement confus de cette expérience). À notre retour à Gratz, nous avons mis en place nos actions, projets artistiques de performance en milieu urbain, destinés à interpeller les témoins sur un thème.
Ensuite nous avons accueillis nos correspondants chez nous au printemps (pour moi, l'enfer de la cohabitation, de ma correspondante-binôme qui partait avec ma bicyclette et ne rentrait pas, sans me prévenir, et autres imprévus imprévisibles effrayants...).
Quand nous avons travaillé en groupe sur la plage, effectuant la transition entre l'actionnisme et le land-art, abordant dans une ronde rythmée par les galets que nous entrechoquions en nous balançant pour évoquer le thème du flux et reflux lié à la mer toute proche... j'ai fais une crise d'angoisse qui m'a littéralement fichue par terre, sidérée.
Trop de monde, trop de bruit, trop de regard, trop d'anxiété de "performance". Trop de stimulations sensorielles simultanées aussi. Ce n'est que des années plus tard que j'ai réellement compris que mon cerveau avait alors été saturé par un excès de stimuli et était entré en mode "survie".
Un professeur m'a ramenée chez moi, dans un état second.
Je garde de cet échange culturel une sorte d'amertume et de mélancolie.
On aurait pu poser des diagnostics à l'époque.
Mais les enseignants ont cru que j'avais eu une insolation.

Bref. Je suis allée dans un lycée experimental public, donc.
Il y en a d'autres en France, et ailleurs.

L'approche des épreuves terminales du baccalauréat a été très problématique pour moi. Deux semaines avant les épreuves, je ne dormais plus que par micro-sommeils. J'ai vu un medecin local qui a eut la riche idée de me mettre sous Stilnox (hypnotique) et Zoloft (antidépresseur). J'ai pris le somnifère (un demi) le soir même (on était mercredi) et j'ai littéralement oublié mon jeudi matin. Une prof m'a dit de rentrer chez moi. Le soir j'étais encore dans le brouillard. Le lendemain matin, j'ai appelé mon médecin, chez mes parents et pris rendez-vous. Après une mâtiné de cours, je suis partie directement et vu mon médecin, qui m'a prescrit du Lexomil.

En début de première, j'avais passé mon permis de conduire. Après deux échecs à l'examen (et 40 heures de cours contre les 20 obligatoires), j'avais obtenu le papier rose (on l'envoie par courrier, aujourd'hui) avec l'aide de médicaments prescrits par mon médecin, dont des ampoules sublinguales de... lithium.

Il est à souligner que je prenais également quotidiennement de l'Euphytose, spécialité de phytothérapie agissant sur l'anxiété, prescrit par mon gastroentérologue lorsque j'avais 16 ans (du fait de l'anxiété, j'avalais de l'air, ce qui affaiblissait les muscles de l’œsophage par fatigue permanente). Pour mon examen de conduite, à 18 ans donc, mon généraliste m'a prescrit de passer de 3 comprimés par jour à 6, avec complément de magnésium et ces fameuses ampoules de lithium.
Aucun diagnostic sérieux concernant des troubles anxieux dont je présentais des symptômes évidents depuis la petite enfance n'a cependant été posé.

J'ai donc passé le baccalauréat sous Lexomil. 1/4 le soir pour dormir et 1/4 une heure avant les épreuves. Boite de 28 barrettes... Je suis devenue dépendante. À tel point que j'en ai ensuite volé à ma grand-mère paternelle.

Bien qu'ayant égaré la plupart de mes notes de cours et que notre prof de Lettres et Philosophie ait été une calamité en termes de pédagogie (à défaut de prof titulaire, l'académie de Poitiers nous avait envoyé un jeune docteur en philosophie, sans formation d'enseignant, vacataire donc), j'ai eu 13/20 au bac.

Je me souviens que ma mère s'est limite fait agresser par une cousine au 3ème degré de mon père, parce que on avait pas annoncé que j'avais eu mon bac... pour la bonne raison que nous ne lisions pas le journal, mais elle si. Donc nous l'avons appris par des tiers. On m'a offert des livres que je n'ai jamais lu et j'ai passé un été sans vagues.

Que dire d'autre de cette période?
Pendant mes années au CEPMO, j'ai eu une sorte de relation "virtuelle" à distance avec un auteur de littérature jeunesse, étant intervenu dans l'école où exerçait ma mère. Il habitait en région parisienne. Quand notre classe de 1ère Arts Plastique avait fait le voyage annuel à Paris, j'avais été hébergée chez lui (chez ses parents!!!). Très... "amoureuse", je lui écrivais régulièrement des lettres ou courriers électroniques exprimant avant tout mon besoin de reconnaissance.
Toutefois les rares fois où nous avons été ensemble, j'ai éprouvé une sorte de profond malaise.
Ça avait été le cas lors du voyage à Paris, durant lequel je m'étais trouvée confuse face à cet homme qui me semblait somme toute étranger.
J'avais essayé de lui exprimer mes doutes, mais il m'avait totalement déstabilisée en me disant que je ne "pouvais pas lui dire que je l'aimais un instant, et lui dire le contraire l'instant d'après".
Effrayée, influençable, hyper-empathique et incapable de gérer mes émotions, je m'étais "pliée" à son raisonnement et avais fait taire mon ressentit profond.
Au final, j'ai rompu avec lui lors d'un voyage ensemble à Aix-en-Provence durant les vacances de Pâques 2002, au bout de 48 heure d'une cohabitation qui m'avait été très pénible.

En parallèle, j'écrivais par mail à de nombreuses autres personnes, depuis que j'avais 17 ans environ. Parmi mes correspondants, il y avait un certain "Julien", professeur à Angoulême. Je l'avais même rencontré, fin mai 2001. J'étais alors à la fin de mon année de 1ère au CEPMO. Cet homme, par sa façon d'écrire, exerçait sur moi une sorte d'attraction effrayante. Notre rencontre avait été un désastre personnel et je refusais de lui écrire encore... Durant mon année de terminale, j'en faisais même parfois des cauchemars.

Durant l'été 2002, j'ai butiné, via Internet fais quelques rencontres plus ou moins hasardeuses, et suis tombée sur Frédéric. Ça devait être une simple relation estivale car il était du Nord et seulement en formation dans la région. Ça a duré un peu plus, et je me suis fais largement manipuler. Mais pas autant que par "Julien" cependant.