vendredi 22 novembre 2019

Nous changeons tous

Voici de longs mois que je n'ai pas écris.

Globalement, je vais mieux: mon implication dans le GEM Être ensemble me donne un nouveau moteur. Malheureusement, je me (re)découvre des limites handicapantes. Ma fatigabilité nerveuse est très envahissante, notamment. Je peine ainsi à être active plus de 4 heures d'affilée, sans être prise de vertiges ou d'altération de l'humeur (agressivité ou au contraire, euphorie). J'en ressens un sentiment d'échec et de culpabilité.

Certaines choses changent, d'autre non, il semblerait.

Quand j'écris que nous changeons tous, je veux parler de nos point de vue sur les choses passées.

Qu n'a jamais regardé en arrière sur sa vie et posé un regard neuf sur lui-même? Un regard critique, éclairé par une meilleure connaissance de lui même, de nouvelles connaissances des autres, d'un contexte qu'on ne percevait pas, autrefois, dans son ensemble?

Aujourd'hui je regarde en arrière et je me souviens de la personne fragile et malléable que j'ai été.

Les années de scolarité, passées à essayer de comprendre la direction que les autres aimeraient me voir prendre, travaillant bien moins pour moi même que pour satisfaire les autres...

Les années d'études supérieures, passées à essayer de surmonter mes angoisses, pour avoir un "vrai" diplôme...

Les années de vie de couple, passées à essayer de prouver que je pouvais être "normale", à essayer de satisfaire quelqu'un, sans me rendre vraiment compte à quel point cette attitude était illusoire, vaine, et déviante.

Les années de thérapies à essayer de trouver des solutions pour aller "mieux" avant même de regarder la réalité de mes troubles en face...

On ne décrit jamais le passé comme on l'a vécu.
Nous changeons tous notre regard.

Nos façons de ressentir, de voir ou de décrire les choses évoluent selon les éléments dont on dispose pour les comprendre, ainsi que du recul qu'on a sur celles-ci.

Alors, certes, les paroles s'envolent, les écrits restent...
Mais des écrits rédigés alors qu'on était dans tel ou tel état d'esprit (colère, revanche, apitoiement, joie, bonheur, dépression...), sont ils la traduction d'une réalité objective, ou simplement l'expression d'une compréhension des choses à un instant "T"?

Mon sujet de philosophie, au bac, était "Peut on mieux connaître le présent que le passé?"
Non, on ne peux pas.
On est jamais objectif dans le présent, car on ne peut en aucun cas en avoir une vision globale. On ne peut pas connaître les gens, les choses qui les motive, les émotions qu'ils ressentent, les conflits qu'ils vivent. Ce sont des choses qu'on ne peut découvrir qu'avec le temps. De même qu'on apprend à se connaître soi-même.

Je me suis toujours sue anxieuse et dépressive.
J'ai vécu dans l'illusion que ça passerais et que je pourrais un jour vivre "normalement".
Sauf que la "normale", ça n'existe pas.
Je vis aujourd'hui dans l'espoir d'être le moins mal possible, entourée le mieux possible de gens qui me comprennent au moins un peu et me soutiennent.
J'ai mis très longtemps à admettre que mes troubles anxieux et dépressifs constituaient un réel handicap, bien que j'ai toujours été en quête d'aide, parfois auprès des mauvaises personnes (au sens qu'elles ne pouvaient m'aider).

C'est d'autant plus difficile à admettre lorsqu'on connait de longues périodes où "tout va bien", avec une sorte de sentiment illusoire que les choses vont de mieux en mieux, que, quoi qu'on fasse, ça va continuer à aller mieux.
Lorsque l'effritement se produit, que l'anxiété et la dépression réapparaissent, on se retrouve au bord du gouffre et on ne regarde plus les choses que l'on a fais, dis ou écris de la même façon. C'est comme si la personne qu'on est, que je suis, n'était plus la même. C'est absolument terrifiant.

En ce moment, je suis en train de refaire mon dossier MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées). Je demande à être reconduite dans mes "droits": une reconnaissance de handicap (entre 50% et 79%), la RQTH (Reconnaissance de Qualité Travailleur Handicapé), éligibilité à l'AAH (Allocation Adulte Handicapé - je précise cependant que, depuis octobre 2016, je ne perçois plus cette allocation, ayant d'autres revenus par ailleurs... cependant y être éligible compte malgré tout). Je demande aussi une carte de priorité, dont je me garde bien d'abuser, mais qui me permet de faire certaines choses que j'évite purement et simplement, sans cela. Rassurer vous, il ne s'agit en aucun cas de stationnement ou de places assises, mais principalement du droit de couper une file d'attende en cas de crise d'angoisse. C'est aussi par exemple utile quand je fais une crise de mutisme nerveux.
L'établissement de ce dossier, c'est aussi l'occasion pour mon psychiatre de communiquer avec mon médecin traitant.

Cette démarche, ça n'est pas pour les autres que je la fais. Je n'ai rien à prouver à qui que ce soit. C'est pour moi, d'abord et avant tout.

En aucun cas, ce n'est une question d'argent, puisque justement, je ne perçois aucune allocation, que ce soit l'AAH, l'APL ou autre. C'est une question de limites à connaître et à respecter, ou a savoir titiller si nécessaire, tout en ne culpabilisant pas d'échouer. Essayer, c'est toujours important.
Je suis contente et fière d'avoir essayer de travailler (et d'essayer encore dans l'avenir?), même si je sais que ça me rend malade physiquement et psychiquement, que ça m'angoisse beaucoup et me conduit généralement à un état dépressif.
La reconnaissance de handicap ne définit pas mes empêchements, elle m'offre à mieux me connaître et mieux être connue de mon entourage social.

Je choisi d'avancer, en acceptant que nous changeons tous.
Je n’effacerais pas les choses qui se sont produites, la façon dont je les ai vécue ou interprétées.
Ce n'est plus moi, je vais vers l'avenir.
Advienne que pourra.

Je ne nie pas avoir émis des jugements déplacés, à des moments où j'étais absolument certaine d'avoir raison, puis d'avoir -sinon changé radicalement d'avis, au moins- changé mon degré de perception et donc d'expression.
Nous changeons tous: Nous révisons nos opinions et jugements, en fonction des nouveaux éléments qui nous sont révélés, ainsi qu'en fonction de nos émotions.

J'ai cru un long moment que ça avait une quelconque importance, que je sois au non "aspie" (touchée par le syndrome d'Asperger), mais ça n'en a en fait aucune. Ce qui compte, c'est que je souffre de troubles névrotiques sévères qui altèrent ma qualité de vie. Un "trouble anxieux et dépressif avec une prédominance sur la sphère phobique sociale avec agoraphobie". Un "trouble de l'adaptation", aussi. Je suis parfois "trop empathique" et j'ai du mal à "anticiper les limites affectives nécessaires"... Un état qui est susceptible d'alimenter diverses manifestations psychosomatiques, mais aussi un fort sentiment d'échec et de culpabilité. Un fonctionnement qui a malheureusement pour conséquence d'occasionner un risque de décompensation dépressive.

La plupart du temps, j'aborde la vie quotidienne seule. Parfois, pour des choses qui sortes de mes habitudes (prendre rendez-vous pour changer mes pneus, par exemple...), je suis obligée de me faire aider, parce que ça me met en panique totale...
Même quand je suis en groupe, je ne me sens pas intégrée et je vis les choses avec anxiété.
J'essaye cependant de vivre sans dépendre totalement des autres, alors que c'est ce que j'ai fais la plus grande partie de ma vie (mes parents, ma sœur, tous les hommes avec qui j'ai entretenu une relation...). Parfois par simple "confort", pour éviter d'avoir à prendre des décisions par moi-même, d'autres fois pour contourner mes angoisses et souvent par "obédience", comme si l'autre était une puissance spirituelle qui avait le pouvoir de m'indiquer "la" Voie à suivre. Une partie de moi voulait croire que, en suivant les préceptes de cet autre, j'irais mieux. Les hommes se sont succédés dans ma vie, et ce depuis depuis mes 16 ans, mais je me suis toujours fourvoyée. Aujourd'hui, j'essaie de vivre les choses de façon différente, moins fusionnelle, préservant mes opinions et mon identité.
J'essaie de ne pas toujours m'appuyer sur les mêmes personnes, aussi...
Mais j'ai conscience de rester en quête d'approbation sociale, et de "validation" de mes choix.

J'ai beaucoup changé, ces dernières années.
J'espère que c'est en bien.

Je continue d'y travailler...