mardi 6 octobre 2020

Retrouvailles avec mon ressourcement

J'étais enfant et je vivais à la campagne. À quelques dizaines de mètres, les prés en bord de Charente. À quelques centaines de mètres, les bois, les coteaux, les chemins et les sentiers. Je ne le réalisais pas, à cette époque, mais ma source de salut coulait là, dans les arbres, les plantes, sous les cailloux et dans cette nature.
 
Après le collège, il est devenu difficile pour moi de m'enfuir dans ces balades sylvestres et salvatrices.
Marguerite de Valois, ça n'est pas le lycée le plus arboré d'Angoulême...
 
Pendant ma pause "CNED", chez moi, je n'ai pas vraiment pu reprendre mes balades de verdure, d'arbres, de terre et de feuilles: La tempête de 1999 avait défigurés les bois de mon enfance, effacés les sentiers si souvent empruntés, dévorés mes souvenirs de joies et de liberté.

Quand j'étais au CEPMO, je n'osais pas m'aventurer dans les bois encore blessés de l'île d'Oléron, et les balades dans les dunes et sur les plages, malgré les instants de calme et de bonheur qu'elles m'ont fourni, n'ont jamais pu remplacer la vie qui se déversait dans mon âme, pénétrait par mes poumons et me faisait me sentir (un peu) forte.
 
Puis Poitiers... Puis l'abandon de la faculté de psychologie... et le retour chez mes parents, les longues marches dans la nature, explorant bois et chemins, bouffées d'ivresse retrouvée. Le passage d'une belette à la recherche de sa pitance, les sentiers de gibiers, les agacements de trouver des douilles vides abandonnées par des chasseurs indélicats.
 
Puis Angoulême, mon studio boulevard Chabasse. Les arbres? Pffft ceux du boulevard Liédot, et aucune connaissance des parcs et jardins, à part le Jardin Vert, qui me semblait tellement loin.
 
Puis L'Isle d'Espagnac, la rue Pierre Loti, et pendant les vacances, les Pyrénées. Les Pyrénées au pas de course, je dois le préciser. Car mon compagnon certes aimait la montagne, mais la performance aussi, le défi. Moi j'aimais savourer la nature autour de nous, surtout dans les bois, dans les forêts. Je veillais à ce que personne ne figure sur mes photos de randonnées. Photos perdues... toutes perdues, ou presque. Cœur brisé de cette perte. L'impression d'avoir été flouée de ces centaines de clichés numériques qui me faisaient me sentir bien. En dehors des vacances, j'allais marcher, au début. Et avant que nous ne déménagions, après l'obtention de ma Licence, en 2009. Là j'ai commencé à découvrir les chemins qui montaient vers Soyaux, je montais à Grand Frais m'acheter une pomme. En vérité je fuyais, mais je n'étais pas prête à mesurer ce besoin de fuir.
 
Puis Juillan, Tarbes... mais presque jamais seule, et c'était dur. Puis seule, mais avec le poids de l'attente de celui qui était empêché de marcher.
 
Le retour en Charente, dans la douleur. Marcher, pas plus loin que le tour du quartier, et des questions parfois insultantes quand je rentrais. Tristesse.
 
Puis seule... impossible de marcher, je ne sais pas pourquoi. L'idée de prendre la voiture pour aller marcher m'étais insupportable, insurmontable. Pendant presque trois ans encore. Et puis il y a eu le GEM être ensemble, et la marche interGEM... puis mon adhésion à Sport pour tous et les marches du lundi et du jeudi matin, quand je pouvais, quand la météo le permettait.

Et le confinement. Marcher. Une heure par jour, à 1km maximum.
Puis un été de sédentarité.

Finalement, il y a quelques semaines, j'ai pris mes bâtons et je me suis lancée. Parfois dans la souffrance, au début avec l'objectif principal de perdre du poids...


 
Aujourd'hui, ce matin... j'ai marché pour marcher. Parce que j'en avais besoin, un besoin viscéral, comme un appétit, une gourmandise. Je me suis engouffrée dans ma marche, dans les bois humides, sous les gouttes tombant des arbres, entre ces grands chênes encore chargés de fruits que le vent ébrouait, dans la bruine et les averses, entre les brins d'herbe et la gadoue, et j'ai été remplie de bonheur.

Marcher. Marcher dans la nature. Auprès ou au milieu des arbres.
Me ressourcer. Me recentrer. Laisser ce chant monter en moi, ces notes de gorge fredonnées au hasard, comme des notes me raccordant avec moi même, me ré accordant, comme un instrument détraqué. Un pas après l'autre, bruit des feuilles qui murmurent, cris du gravier sous mes chaussures, charme des glands qui tombent encore et des cyclamens sauvages qui ponctuent mon cheminement.

Marcher dans la nature. J'adore les bois, tout près, là...
Marcher là, sous la pluie, libre de pleurer si j'en ressens le besoin, sensation de liberté de marcher sous la pluie, alors que les autres n'osent pas sortir.

Je m'étais perdue, toutes ces années.
Merci à Maud, qui m'a fait rencontrer Magali, laquelle m'a fait rencontrer la marche nordique. Merci à Gilles, qui m'a aidée à m'équiper, merci à mes amis d'aujourd'hui et à ma vie.

Je dois marcher, en toutes saisons, par tous les temps, parce que c'est vital.
J'en ai pleuré de joie, ce matin, la pluie avalant mon sel, l'entraînant loin de mon imperméable rouge.
Un écureuil m'a regardé avancer, un long moment, avant de grimper dans un arbre, et je me sentais vivante.