dimanche 27 octobre 2024

Vide

Assise sur un banc de bois humide des dernières pluies nocturnes, je me sens vide. Il n'y a rien en moi. Ou bien il y a trop. Trop de mots, d'idées, de souvenirs et de questions qui se heurtent, qui flottent au gré de mon vague à l'âme, sans rien pour les diriger, les ancrer dans ma réalité. Ils s'agrègent entre eux faute de pouvoir trouver un rivage favorable.

Autour de moi, devant moi, les gens passent, simples promeneurs, joggers solitaires ou en groupe, eux aussi agrégés par une activité sportive commune, une foi dans leurs ambitions de compétition, dans leur remise en forme ou que sais-je...

En quoi ai-je foi?
En moi-même, étrangement, malgré ce vide étourdissant qui me submerge au quotidien. En l'avenir, avec la certitude qu'il existera toujours, dans la permanence des temps, même si je n'ai plus perception de celle-ci...

Je suis sortie de chez-moi pour échapper à mon immobilisme et me voilà à nouveau assise, simplement ailleurs.
Les nuages ont recouvert le ciel et ses horizons d'une chape grisâtre qui m'éblouit bien davantage qu'un ciel bleu. Je baisse les yeux, le menton, les épaules. Tout en moi s'affaisse et se crispe. Mes cils retiennent les larmes qui menacent de franchir la limite des paupières. Des ébauches de sanglots me serrent la gorge, peut-être un peu plus que d'ordinaire.

Dans mon dos, au loin vers le nord, ou à l'ouest, peut-être, je perçois les cloches d'une église, là où la messe sera dite ce jour. En réponse à cette clameur de fonte, les pies donnent de la voix à leur tour dans le bosquet situé un peu en aval des remparts où je suis bloquée par mes mots qui se déversent. Une corneille croasse, loin, ailleurs.

Les pas des piétons qui passent font crisser le gravier alentours. Des corps dont je perçois les mouvements sans pouvoir relever mon regard assez haut pour distinguer des traits.

Ma faim commence d'émerger. J'ai acheté du saumon, de la julienne de légumes, de l'ananas. Je vais essayer de me faire un repas structuré, assise à une table. Tout à l'heure, quand je rentrerai. Quand j'aurai quitté le banc, les bruits de la ville, tout autour.

Il faudra bien qu'à un moment j'arrive à me dénuder, prendre la douche que je repousse depuis des jours, faute de trouver l'énergie pour m'abandonner au flux de l'eau chaude avant de m'arracher à son cocon apaisant. La fin de la douche est redoutable. Lever de jambe pour sortir de la baignoire. Essuyage. Moiteur. Lorsque je me lave ou ne serait ce que, lorsque je me mouille la tête, séchage. Je n'envisage pas de me couper les cheveux. Jamais. Mais tout ça me coûte cher en énergie. Quand j'en manque, la seule éventualité de devoir consacrer du temps et des efforts à en  éliminer l'humidité m'épuise avant même de passer la porte de la salle de bain.

Ce vide qui encombre mon quotidien cherche l'épure, l'économie, le "rien". Pourtant je redoute tout ça. Comment vivre vraiment dans l'absence de tout? L'absence d'efforts, l'absence de vie.

Je l'ai déjà écris, je ne fais que survivre, quand la dépression m'entraîne dans ses flots et me ballote au gré des vagues.
J'essaie de reprendre pied, comme je peux, où je peux. Je m'accroche à ce qui passe, en espérant que ça tiendra, que je ne vais pas être encore plus perdue. J'essaie. Ou pas. Je me tourne, étend bras et jambes, m'abandonne au flux, me laisse charrier par le mouvement, impuissante. À quoi bon lutter lorsqu'il n'y a pas de terre à l'horizon ?

La métaphore est faussée et fallacieuse, bien sûr.
Je ne suis pas seule au milieu des flots de mes pensées. J'ai des (rares) amis, de la famille, des thérapeutes.

J'écris sans réfléchir à mes mots.
Je suis ressortie après avoir fait mes courses, parce que me renfermer dans mon T2 m'étais insupportable. Je suis allée me garer rempart de l'Est, ai remonté à pied le boulevard Émile Roux et puis ce banc, à peine le Conseil Départemental dépassé.

J'aurais de l'énergie physique pour marcher encore. Un peu. Mais le moral est résolument en berne et tout ce que je parviens à faire, c'est écrire, du bout du doigt, en ligne.

Déverser des mots comme si je pouvais échapper à moi même, de cette manière.

J'ai essayé de comprendre pourquoi tout ça revient, tout ça m'envahit. Mais il n'y a pas d'explication, pas de réponse miracle, pas d'illumination qui pourrait transfigurer mon état dépressif vers un épanouissement subit.
Il faut que je fasse des efforts, que j'aille de l'avant, que je réenclenche les mécanismes positifs. Il je suffit pas de prendre l'air une fois, un dimanche matin, pour que mon cerveau comprenne que la donne a changé. Il va falloir tenir bon, réapprendre à sortir, marcher, profiter, respirer, écouter, sentir, me remplir de ce "tout", collection de petits "pas grand chose", qui viendront peu à peu à bout du vide.

Je me suis fermée, je crois, ces derniers mois. Je n'ai plus laissé entrer les choses, les gens, les émotions, les stimuli.
J'ai fais venir, par Internet, les choses dont je pensais avoir besoin. Mais je ne suis pas allée vers les gens, le monde. Ou trop peu, par intermittence, par sursauts.

Je suis restée trop longtemps assise. Je vais aller faire un tour. Comme je peux.

Je me sens moins vide, et plus détendue.

samedi 26 octobre 2024

Compliqué

Ces temps ci, c'est compliqué.

Cette souffrance, cette douleur quotidienne. Me lever, prendre mes médicaments et mes compléments alimentaires.Et puis quoi?
Aller à la salle se sport, les meilleurs jours.
Tourner en rond à l'intérieur de chez-moi, à l'intérieur de moi même, le reste du temps.
Espérer un évènement, un quelque chose, un changement, un progrès.
Rester dans ce nulle part, ce nul être, cette nulle vie.
Ne plus progresser, ne plus avancer. Espérer. Désespérer. Subir. Se punir, car la culpabilité est là, de sombrer peu à peu, de ne pas être capable de faire ce qu'il faut pour aller mieux, m'en sortir.
Plusieurs fois se relever, rebondir, remonter la pente, tomber et se relever.
À quoi bon? Pourquoi s'infliger ça?
Parce-que c'est intolérable de ne pas essayer.

Il y a cette solitude terrible, face à tout ça.
L'impression que je ne peux que faire souffrir mes proches. Je ne veux pas leur imposer mes détresses émotionnelles, faire d'eux des aidants. Mes parents, ma sœur.
J'ai honte de moi quand j'envoie des messages de détresse à mes aimés.

J'ai honte, tellement honte.
Je me demande ce qui est le pire: ma détresse ou ce sentiment de culpabilité de ne pas être "comme il faudrait", de me sentir incapable d'affronter la vie, le monde, de la même manière que les gens "ordinaires".

Je ne sais pas ce que je devrais faire ou être pour que ça marche. Pour que je me sente bien au quotidien. Pour faire les bons choix, pour maintenant et pour le long terme.

Il y a des personnes avec qui je me sens en confiance, pas seulement dans ma famille. Mais je ne me sens pas en droit de leur imposer mes doutes et angoisses, ni ce sentiment de honte.

Les changements en particulier sont des moments difficiles à vivre. Qu'il s'agisse de faire des choses nouvelles, de déménager, de faire livrer ou installer des choses, d'aller à de nouveaux endroits, de réaliser de nouvelles tâches...

Je désespère et pourtant je veux continuer, avancer, essayer, encore, toujours.

J'aimerais pouvoir demander de l'aide, mais je ne vois pas à qui.
J'ai déjà un psychiatre, une psychologue, de la famille, des amis, mais ça ne change rien au mal être profond que je ressens.

Je n'ai pas de médecin généraliste. En théorie, oui, mais cette femme manque d'empathie et ne semble pas souhaiter établir de relation humaine avec ses patients, du coup elle m'angoisse tellement que je refuse de la voir.

Peu importe.

Mes problèmes sont des serpents qui se mordent la queue. Je suis dépressive faute d'avoir une vie sociale et emotionnelle satisfaisante. Mais je ne peux pas développer ça sans une vie un tant soit peu active... Ce qui m'est très difficile à cause de mon état dépressif et de mes troubles anxieux.

J'ai peur de l'échec et de ne pas réussir à faire ce que je devrais. J'ai conscience de surestimer les normes à atteindre, principalement parce que je ne connais pas du tout le seuil "basique" des dites normes. Alors de peur de mal faire, de faire de travers, je ne fais rien. Ou tout du moins, j'ai du mal à agir en règle générale, dès que la situation est nouvelle ou inhabituelle.

Ces temps ci, je n'arrive pas à faire grand chose. Car aux troubles anxieux s'ajoute cette maudite dépression et je n'arrive même plus à prendre soin de moi, par moments.