samedi 25 décembre 2010

Noël, suite...

Samedi soir, Noël.
Depuis mercredi ça n'arrête pas.
Je n'ai pas dormi dans la nuit de mardi à mercredi. L'angoisse et l'anxiété ont prit le dessus.
L'arrivée et la présence des enfants de mon mari ont été très éprouvantes.
L'après midi avec mes parents aussi.
La préparation du dîner en présence de mon mari, ses fils et un conjoint aussi.
Le dîner aussi.
Le déjeuner chez une de mes belles sœurs aussi.
Le dîner du jeudi avec le fils aîné de mon mari aussi.
Le déjeuner avec le même, aussi.
Le réveillon chez une de mes meilleures belles sœur a été épouvantablement éprouvant de lenteur et de longueur (de 19h30 à 2h30 du matin).
Le déjeuner de Noël chez mes parents, avec ma soeur et son mari, mon neveu et nos grands mères... il a été éprouvant parce que c'était la dernière étape de ce parcours du combattant de mes angoisses et de ma sauvagerie associale.

Demain nous partons acheter notre nouvelle maison, à 400km.

mardi 21 décembre 2010

Noël...

Noël, c'est une période où pendant près de 15 ans je me suis efforcée d'être heureuse, d'avoir un bon Noël comme dans les films à la TV, mais ça ne marchait pas. J'étais déprimée et j'en voulais à tout le monde d'avoir l'air heureux et pas moi. J'étais très fusionnelle avec ma famille (mais ni ma sœur ni mes parents ne le sont, eux) et j'aurais voulu que l'époque bénie de ma petite enfance continue, comme quand on faisait le sapin ensemble, qu'on décorait le salon. Quand je n'ai plus cru au Père Noël, il y a eu une brusque rupture, comme si ça ne servait plus à rien qu'on fasse des truffes au chocolat avec maman, ni qu'elle pense à acheter le sapin, ou qu'on cache les cadeaux avant le 25. C'est comme si en ne croyant plus au Père Noël, j'avais tué Noël et une partie de la féérie de l'enfance.

Après, à l'adolescence, j'étais dépressive et j'en voulais aux gens de "faire semblant" d'être heureux, ou de l'être, alors que moi je ne l'étais pas.

Aujourd'hui, les fêtes, c'est l'occasion de voir plein de monde, et je trouve ça très anxiogène. Surtout quand les fils de mon mari viennent à la maison, comme là (on fait un peu hôtellerie: "on arrivera mercredi matin, on repartira jeudi après le déjeuner, faites des trucs légers aux repas" ). Je dois ranger mon bureau et le céder en tant que chambre d'amis, perdant ainsi mon havre de tranquillité. Quand je ne suis pas bien habituellement, je m'y réfugie et les choses rentrent dans l'ordre. Alors que là, quand nous avons des invités et que je sature d'anxiété à cause de cette intrusion dans mon univers, je suis obligée de me réfugier dans les WC ou dans un coin de notre chambre à coucher, mais j'ai alors bien plus de mal à retrouver mon équilibre émotionnel.

Et puis il y a le réveillon dans la famille de mon mari, où on est généralement une trentaine de personnes. Ce sera différent cette année, ma belle mère étant décédée récemment, et nous serons moins nombreux, mais je n'aime pas ce genre de rassemblements, qui m'angoissent systématiquement.

Vivement le 26, que moi et mon mari nous partions dans les Pyrénées.
Nous signons l'acte d'achat de notre nouvelle maison le 27. À partir de là, on commence à amener les meubles le 28 et on se fait livrer le canapé le 29... Réveillon là bas si on a l'électricité: les anciens propriétaires nous laissent en effet le four électrique, la table de cuisson, le frigo et le lave vaisselle.
Dîner en amoureux en perspective.

lundi 20 décembre 2010

Fatigue et cheveux gras.

Tu parle d'un titre pour un billet! C'est pourtant ce qui m'a semblé le plus approprié.
J'ai les cheveux longs (jusque à la taille) et depuis quelques temps, ils regraissent à une vitesse record, ce que j'associe à ma fatigue permanente, mes yeux irrités et ma gorge gênée de mucosités épaisses. J'espère qu'une petite cure de nigari et d'EPP m'aidera à remettre tout ça en ordre, mais je sais que mon état de santé physique est étroitement lié à mon état psychologique, qui n'est pas au mieux ces temps ci.
Je devrais avoir démarchés des employeurs potentiels, ce mois ci, mais mon prochain déménagement vers une nouvelle vie ne me motive pas particulièrement à surmonter mes angoisses. Alors je laisse couler, j'attends de me sentir mieux, et pendant ce temps là, je suis plus inactive que jamais.
J'ai honte de moi.

dimanche 19 décembre 2010

Souvenirs et riz sauvage

À l'approche des fête, je réfléchis aux repas que je vais servir à la famille en visite. Les fils de mon mari viennent pour l'occasion (ils sont tous deux mes aînés) et le cadet et son compagnon m'ont expressément demandé quelque chose de léger. Ils vont en effet faire le tour de la famille, et de dîners en déjeuners, vont sans doute s'en tirer avec une fameuse crise de foie.
Notre repas de famille (mon mari, moi, ses deux fils et leurs conjoints) sera donc composé d'un velouté de panais (du jardin) aux pommes, de rôti de saumon farci aux saint-Jacques (du commerce) et d'une tarte à la châtaigne et aux fruits rouges.
Reste la question de l'accompagnement du rôti.
Hier j'ai pensé à un mélange de riz basmati complet et de "riz sauvage", cette céréale nord américaine de la famille de l'avoine...
Et là un souvenir m'a assaillie.

J'étais à l'université de Poitiers à l'époque, j'avais 20 ans et je me sentais seule. Je n'avais pas vraiment d'amis solides, à force de ne pas savoir comment agir avec mes connaissances, à force d'avoir peur de sortir. Pour une fois, j'avais renoué contact avec une connaissance du lycée, Céline. Elle était en cours de sociologie avec moi (j'ai fais socio quelques semaines avant de passer en fac de psycho, dont je suivais déjà les cours). Elle m'avait confié que les week end à Poitiers n'étaient pas très amusants pour elle, alors je lui avais proposé de venir avec moi chez mes parents.
Le dimanche, ma mère avait préparé les garniture de la volaille préparée par mon père.
Elle est arrivée toute fière d'elle avec un plat de riz sauvage, en précisant qu'elle en avait fait pour tout le monde sauf pour moi, que pour moi elle avait préparé du riz rouge parce que je n'aimais pas le riz sauvage.
J'ai été idiote. Je l'ai reprise aussitôt en lui disant qu'elle se trompait, que c'était le contraire, que je n'aimais pas le riz rouge, mais que j'adorais le riz sauvage. S'en est suivie une très brève discussion. Je sentais qu'elle risquait de se transformer en conflit ouvert et hurlant, alors j'ai voulu désamorcer la situation.
Je lui ai dis de laisser tomber, que je mangerais des légumes, que ce serait très bien.
...
Fracas de terre cuite heurtant le sol. Elle a laissé tomber le plat de riz, au propre, mais n'a pas lâchée l'affaire, au figuré.
Je me suis enfuie dans ma chambre.
Je me sentais horriblement coupable que la situation ait aussi vite dégénéré, j'avais envie de me faire du mal pour ne pas avoir su garder le silence, m'écraser.
J'ai passé le poing à travers un carreau. Heureusement il y avait un voilage dessus, et je ne me suis presque pas blessée.
Dans la voiture, au retour, ma copine a demandé si ma mère se faisait soigner.
Non. Elle a souvent suivi des traitements antidépresseurs, mais là elle "allait bien". De son  point de vue.

Des anecdotes de ce genre là, il y en a des dizaines qui m'assaillent chaque année.
De petites choses me font penser à ces affrontements dépourvus de sens.

J'aime ma mère. Je l'aime terriblement, d'un amour fusionnel et puissant. Mais jamais cet amour ne sera partagé. Je l'ai longtemps espéré, j'ai longtemps attendu, prié, essayé de faire en sorte que les choses s'arrangent entre nous. Sans oublier le mal qu'elle m'a fait, je lui ai pardonné, j'ai décidé de continuer à avancer, en faisant abstraction de tout ça, parce que j'aurais voulu qu'elle soit ma mère, ma maman, mon amie, qu'elle soit douce. Mais après la résilience, il a fallut que je fasse mon deuil de la relation que j'aurais aimé avoir avec elle. Car elle ne changera pas et elle me fera toujours du mal, malgré tout mon pardon et mon oubli.

Ma mère m'aime aussi, à sa façon, mais elle est toxique.

Je servirais du riz sauvage avec mon dîner.

samedi 18 décembre 2010

Toute ma vie j'ai été anxieuse et dépressive...

Toute ma vie j'ai été dépressive, anxieuse chronique, hypersensible.
Toute ma vie ou presque. Je ne me souviens pas exactement vers quel âge tout ça a commencé, mais je revois dans ma mémoire des photos de moi enfant, avec déjà ce regard triste et vide, mélancolique.
J'étais triste, je n'avais envie de rien. Je me sentais terriblement fatiguée, au bord de l'épuisement total. J'avais du mal à ressentir du plaisir, sauf peut être avec la nourriture, dont je me gavais de manière compulsive jusqu'à l'indigestion. Quand j'étais adolescente j'en voulais terriblement aux autres de ne pas voir que j'allais mal, tout en rejetant violemment toute aide extérieure, tout intérêt qui m'était porté. Personne ne pouvait me comprendre, je ne me comprenais pas moi même...
Je me sentais inutile, nulle, inadaptée. La vie en société me faisait peur, j'avais beaucoup de mal à supporter l'école, les autres, leur contact, leurs regards, leurs paroles.
Mon hypersensibilité me rendait vulnérable face aux moindres difficultés.
Et surtout je souffrais de troubles anxieux généralisés.

À mon entrée au collège j'ai sombré dans une dépression majeure (c'est la dépression pour la plupart des gens, qui ignorent souvent qu'il en existe en réalité plusieurs formes). Celle-ci a duré approximativement jusqu'à mon entrée en terminale, puis j'ai retrouvé mon état antérieur, qui reste cependant un état dépressif.

Quand j'avais 16 ans mes crises de grignotage compulsif m'avaient conduite à avoir si souvent des indigestions que mon père m'a emmenée voir un gastro-entérologue qui n'a pu que constater les effets du stress sur mon organisme. J'avalais une trentaine de fois à la minute, une fréquence anormalement élevée. Il m'avait alors prescrit de l'Euphytose, à raison de 4 comprimés par jour (matin, midi, soir, coucher)

J'ai connu des périodes de rémission de mon anxiété et de mes troubles dépressifs. Mais aussi des périodes d'aggravation, comme au moment du bac, où je ne dormais plus, et où j'ai vu mes problèmes de concentration s'aggraver. J'ai passé ces examens sous Lexomil, un puissant anxiolytique. Je suis devenue dépendante psychologiquement de ce produit, et c'est grâce à lui que je suis entrée à l'Université, que j'ai pu louer un studio... mais j'ai fini par ne plus en avoir dans le flacon et je n'ai pas voulu aller en mendier à mon médecin.

Je ne suis pas restée à la fac. Chaque cours était une épreuve. Je devais arriver 20 minutes en avance pour maîtriser mes angoisses, je garais ma voiture à l'écart des autres, et je passais le temps d'attente enfermée dans les toilettes à l'écart des autres. C'est difficile de résumer tout cela en quelques lignes, d'où les billets sur mon histoire.
J'ai fini par passer l'éponge et arrêter la fac de psycho.
J'ai continué de vivre dans mon studio encore quelques mois puis je suis retournée chez mes parents, malgré le conflit que j'avais avec ma mère (de nombreux billets lui seront sans doute consacrés).

De fil en aiguille j'ai tout de même réussi à braver mes peurs et ai repris un studio, dans le chef lieu de département. Grâce à mon futur mari, en grande partie, le seul à me soutenir, à m'encourager, à me tenir la tête hors de mon mal être.
Grâce à lui je suis retournée à la fac. Une toute petite faculté de Droit délocalisée.
Cette scolarité a été une rude épreuve pour moi.
Au cours de ma deuxième année mes troubles de l'humeur, ma dépression et mes troubles anxieux ont conduit mon médecin à me faire passer un bilan thyroïdien, qui s'est révélé normal. Et j'ai passée le reste de l'année sous Stresam, un autre anxiolytique. J'ai senti mon corps se détendre, ma vessie a cessé de se faire sentir (crispée en permanence, j'ai eu de nombreux troubles de la miction au cours de ma vie). J'ai cessé de me mordre la langue, de serrer les dents. Pendant cette période j'ai aussi réussi à arrêter de grignoter quasi totalement.
Malgré tout j'ai redoublée mon année, uniquement sur les "majeures". L'année qui a suivi n'a cependant pas été plus relax...

Ma troisième année a été une épreuve, que j'ai passée sans médicaments.
À la fin, j'ai renoncé à aller plus loin, retourner à l'Université, à Poitiers, de fréquenter des couloirs bondés, tout ça pour étudier une matière pour laquelle ma passion s'était éteinte. Mon anxiété généralisée prenait de plus en plus le pas sur tout le reste... chaque séance de travaux dirigés était un calvaire: j'avais la diarrhée en partant de chez moi et en arrivant à la fac, je me mettais à pleurer en pleine séance et je finissais enfermée en pleurs dans les toilettes, pour évacuer la tension nerveuse occasionnée par cette confrontation aux autres et à mes trop nombreuses lacunes.

J'ai voulu chercher du travail.
Et là je me suis effondrée.

J'ai soudain pris douloureusement conscience de ce que je n'arrivais pas à faire. Je me suis découverte incapable de la moindre démarche. Et plus que jamais je me suis trouvée au bord de l'épuisement.

Une simple consultation a fini par révéler le cœur du problème. Je me suis effondrée dans le cabinet. Non pas physiquement, mais psychologiquement. Je me suis mise à pleurer en parlant de mon incapacité à aller faire les démarches que je m'étais promises, que j'avais de la volonté mais que je n'arrivais pas à agir. À force de pleurs et de détresse, mon médecin a fini par me dire que cela ressemblait beaucoup à une phobie sociale.

Cet entretien avec mon médecin, c'était il y a un an et trois mois. Et depuis j'ai fais des progrès incroyables face à ma phobie sociale. Je ne suis toujours pas heureuse mais je garde espoir. J'ai vue une psychiatre pendant 6 mois, et nous en sommes parvenues à la conclusion que j'ai besoin aujourd'hui de me réapproprier mon corps, et pour cela de suivre une thérapie corporelle du type sophrologie, mais également de suivre une thérapie de groupe.

Je ne serais jamais guérie, m'a-t-elle dit. Il faudra toujours combattre ma faible estime de moi même, mon hypersensibilité, ma peur des autres. Mais je peux trouver un équilibre.

Cet équilibre commence à se constituer, peu à peu, pas à pas, pour que je commence enfin à avancer, en avant vers ma vie.

(description médicale tirée du DSM-IV : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders - American Psychiatric Association)
  1. Une peur persistante et intense d'une ou plusieurs situations sociales ou bien de situations de performance durant lesquelles le sujet est en contact avec des gens non familiers ou bien peut être exposé à l'éventuelle observation attentive d'autrui. Le sujet craint d'agir (ou de montrer des symptômes anxieux) de façon embarrassante ou humiliante.
  2. L'exposition à la situation sociale redoutée provoque de façon quasi systématique une anxiété qui peut prendre la forme d'une Attaque de panique liée à la situation ou bien facilitée par la situation.
  3. Le sujet reconnaît le caractère excessif ou irraisonné de la peur.
  4. Les situations sociales ou de performance sont évitées ou vécues avec une anxiété et une détresse intenses.
  5. L'évitement, l'anticipation anxieuse ou la souffrance dans la (les) situations(s) sociale(s) ou de performance redoutée(s) perturbent , de façon importante, les habitudes de l'individu, ses activités professionnelles (ou scolaires), ou bien ses activités sociales ou ses relations avec autrui, ou bien le fait d'avoir cette phobie s'accompagne d'un sentiment de souffrance important.
  6. Pour les individus de moins de 18 ans, on ne porte le diagnostic que si la durée est d'au moins 6 mois.
  7. La peur ou le comportement d'évitement n'est pas lié aux effets physiologiques directs d'une substance ni à une affection médicale et ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental (p. ex. le trouble panique avec ou sans agoraphobie).
  8. Si une affection médicale générale ou un autre trouble mental est présent, la peur décrite en 1 est indépendante de ces troubles; par exemple, le sujet ne redoute pas de bégayer, etc..

vendredi 17 décembre 2010

Une après midi en cuisine

Ouf! ça fait du bien.
Ces temps ci j'ai eu un peu tendance à m'enfermer dans mon bureau, à jouer à des jeux en ligne (je suis accro à Zylom) ou lire des forums, ou écrire sur ce blog. J'en aurais presque oublié que ma passion, c'est la cuisine.
Donc ce soir nous dînerons d'un velouté de tomates rôties, d'un boeuf bourguignon à la flemmarde (c'est à dire à l'autocuiseur) et d'une tarte au flan pâtissier (en poudre, mais amélioré de ma propre pâte à tarte, et de deux œufs frais dans le flan).
C'est agréable de me tirer de ma passivité, une fois de temps en temps...!

Courses de Noël

Comme je ne peux pas me contenter d'écrire le récit de ma vie passée, il faut bien que je parle un peu de ma vie actuelle. Des va et vient incessants entre le passé et le présent qui finiront sans doute par me conduire vers un avenir plus stable, plus rassurant, plus vivant.

Aujourd'hui, une sortie insignifiante, quelques achats de Noël.
Dans la mesure du possible, je fais ce genre de choses de plus en plus par Internet. Une écharpe pour ma grand mère, des boucles d'oreille pour ma mère et ma sœur... Ma propre liste d'envies cadeaux sur Amazon, les repérage pour le reste sur les sites marchands.
Mais il y a des fois où il faut y aller physiquement.

Ce matin, donc, un tour dans une très grande surface des environs... mon mari cherchait quelque chose de très particulier pour son père, veuf depuis quelques semaines. Au bout de longues minutes, je parviens à comprendre qu'il cherche des pralines roses, dont son papa était friand...
Il me reste donc à lui trouver cette gourmandise avant Noël.

Il faut savoir que je suis très à l'aise dans les grandes surfaces (je ne risque pas d'y être abordée par un vendeur, sauf les démonstratrices ou démonstrateurs temporaires). Par contre je n'y suis pas tant à mon aise quand je suis accompagnée de mon mari, qui, lui, n'y est pas à son aise du tout.
En général je m'efforce d'être seule pour ce genre d'activités.

Un rayon que je n'aime pas trop en grande surface, c'est l'habillement: je voudrais y aller, mais je n'y suis pas à l'aise. Ma peur est totalement irrationnelles, j'ai peur qu'on me regarde, qu'on me "juge mal" en fonction des vêtements que j'examine, que je laisse de coté, etc...
Autant dire que la plupart des boutiques ne sont pas vraiment des endroits où je prend plaisir à me trouver... Bien que j'aime m'acheter des vêtements. Mais je privilégie systématiquement les enseignes que je connais, où je suis déjà allée, où tout s'est bien passé.

Donc mon mari et moi sommes sortis de la grande surface sans avoir rien acheté, et sans même que je me sois vraiment approchée des vêtements, bien que je n'ai toujours pas de tenue pour le réveillon de Noël dans ma belle-famille, ni pour le déjeuner du lendemain chez mes parents.

Heureusement dans la galerie marchande nous avons fini par passer devant un magasin où mon mari s'est arrêté. Une chance qu'il ait été avec moi: seule, j'aurais probablement été incapable de franchir le seuil, bien que les vêtements que j'apercevais étaient tout à fait sympathiques. Bon, je regarde, mais sans réussir vraiment à choisir quoi que ce soit. Mon mari me propose une robe en maille, manches courtes... pourquoi pas après tout? Très... verte, mais bon... Pour aller avec je choisi un sous pull vert.
Après quelques essais infructueux (la gamme taille petit), je suis très satisfaite.

Je n'aurais jamais choisie cette robe si j'avais été seule, bien qu'elle me plaise beaucoup.
Comme quoi, mieux vaut parfois être accompagnée, même pour les activités que je préfère solitaires!

Et pour la fin des courses, dans un magasin de jouet, c'est encore mon mari qui a fini par trouver le cadeau idéal pour mon neveu.

Il n'en reste pas moins que je n'ai qu'une hâte, c'est de finir mes courses de Noël seule.
Ce ne sera pas facile... je n'ai plus de voiture.

Enfance, première partie : du CP au CE2.

Je l'ai écris la dernière fois, aux abords de mon passage en CP, ma mère a obtenue une mutation dans une école à classe unique, à une dizaine de kilomètres de chez nous. Dès lors la décision fut prise: elle nous prendrait dans sa classe, nous emmènerait à l'école le matin, nous en ramènerait le soir. Pendant 3 ans, nous avons connus ces allers-retours en famille. Trois années qui forment une éternité dans ma mémoire.

J'ai du me faire une joie de avoir que j'irais à l'école avec maman, que j'allais la retrouver, passer plus de temps avec elle, être à nouveau sa petite fille pour de vrai. Sans compter que les instituteurs de l'école près de chez nous me faisaient peur. J'avais entendu parler de coups de règles sur les doigts (ou sur les tables), de la rigueur et de la sévérité. Maman semblait être farouchement opposée à "ces méthodes là", que je visualisait en imagination à défaut des les connaître, dressant sans doute un tableau bien plus noir que dans la réalité.

Peu importe: fin aout, nous visitions en famille la nouvelle école de maman, avec papa. Nous aidions ainsi maman à emménager son matériel pédagogique personnel dans sa nouvelle école, avec notre camping-car tout neuf, avec lequel nous avions voyagé tous les quatre pour la première fois pendant l'été. Et en septembre, nous y suivions notre première journée de classe dans cette nouvelle école. Deux petites nouvelles dans une école où les gamins se connaissaient depuis l'enfance. Et maman souhaitais que nous ne disions pas que nous étions ses enfants. Nous devions l'appeler "maîtresse", comme les autres, et ne pas nous conduire trop familièrement avec elle.
Mais en moins de 20 minutes le secret était éventé. J'étais mortifiée de ma gaffe.
Je ne me souviens pas de la réaction de maman, mais je suppose qu'elle a du réaliser que c'était un rôle de dissimulation bien difficile pour une gamine de 6 ans.

Ensuite je me souviens de choses confuses, désordonnées.
De maman qui organisais sa classe en ilots de tables, deux par deux, parfois à trois, en fonction des groupes d'âges. Je me souviens de l'aménagement progressif de l'école, avec de plus en plus d'étagères, de plus en plus de fichiers pédagogiques. Je me souviens de l'apprentissage de la lecture avec "La sorcière et moi", qui m'avait tant passionnée que je m'exerçais à lire le soir les fiches suivantes, dans ma hâte de connaître la suite de l'histoire... et j'avais fini par lire tout le roman, bien longtemps avant mes petits camarades. Une période relativement heureuse.

La première année ne s'est pas trop mal passée. Si l'autorité et les méthodes pédagogiques de ma mère étaient contestées par certains parents d'élèves, je n'en avais alors pas trop conscience, ou bien je n'en ai pas le souvenir. Je garde plutôt en mémoire les ateliers créatifs divers et variés: le métal repoussé, la peinture vitrail, les dessins en relief avec des gommes spéciales, l'apprentissage du tressage de brins de laine... très important puisque maman avait de moins en moins le temps de me faire mes tresses le matin: je voyais dans cette activité la possibilité d'apprendre à me coiffer moi même.

Je ne sais pas à quel moment les choses ont dérapé. Je sais qu'un jour vers mes 7 ans, je me suis cassé un os du pied. J'étais trop petite à l'époque pour les béquilles et mon père m'en a confectionné dans son atelier. Cet été là, nous avons franchis la Manche en camping-car, visité Londres et l'Ecosse...
Peut être est ce après cela que les choses ont commencé à se dégrader... mais peut être était ce déjà fait.

Maman n'allait pas bien. Elle pleurait parfois sans raison, et puis éclatait dans des colères épouvantables dans lesquelles elle cassait tout. Quand nous ne rangions pas notre chambre et qu'elle était en proie à ces crises, elle dégageait le sol de notre chambre en jetant tout ce bric à brac par notre fenêtre, à l'étage. Il ne nous restait plus, à ma soeur et à moi, qu'à aller tout ramasser, autant que nous pouvions en tenir dans nos bras, et remonter. J'avais déjà à coeur que les voisins ne voient pas tout ça. Heureusement le chemin sur lequel était jetées nos affaires n'avait pas de vis à vis, et seuls les gens qui passaient sur la route à 3 mètres de là auraient pu surprendre notre humiliation. C'était déjà arrivé: une fois, peut être la première, c'était sur la route devant la maison qu'elle avait éparpillées nos affaires. Une route très peu passante, heureusement, presque une impasse. Mais une rue, avec des voisins pour regarder.

Il est arrivé aussi deux fois que la frénésie de rangement de notre mère la pousse à jeter au feu nos affaires. Ainsi elle a un jour brûlés des déguisements qui faisaient notre joie. C'était un jour d'hiver, et comme souvent la cheminée était allumée. Elle rangeait son propre monde, brulait les papiers inutiles. Et puis elle était venue dans notre chambre, je suppose (j'ai oublié l'enchaînement des événements, n'en retenant que le résultat définitif). Elle avait constaté le désordre, en avait été excédée et avait attrapé à bras le corps une portion des éléments à ranger, l'avait emportée avec elle dans le couloir, traversant toute la maison pour aboutir au salon, à la cheminée, et y fourrer habits, jouets, déguisements, 33 tours... Je me souviens de la détresse et de la colère de ma sœur devant sa jolie jupe "de princesse" en train de brûler (un jupon bohémien blanc avec un liseré doré incrusté dans la maille).

Une autre fois, après avoir jetées nos affaires sur le chemin sous nos fenêtre, nous avions été ramasser. Comme d'habitude nous rangions au fur et à mesure les brassées rapportées, ne voulant courir le risque que les objets passent une nouvelle fois par la fenêtre. Ce travail rendait plus long le dégagement du chemin. Nous étions en pas, accroupies pour ramasser livres, peluches et autres objets enfantins, lorsque nous avons entendu la voiture de notre mère démarrer, reculer pour sortir du garage... nous avons juste eu le temps de nous garer, de voir la voiture écraser ce qui restait sur le chemin, puis tourner dans la rue et s'éloigner. Le chemin sous notre fenêtre conduisait au jardin et au garage. En pente, notre mère accélérait toujours pour le monter, bien que n'ayant guère de visibilité avant cet élan prit, en raison d'un virage et de haies. Ce jour là, elle aurait très bien pu nous heurter, au lieu de briser en morceaux notre 33 tour préféré.

Voilà pour l'ambiance à la maison.

Pour ce qui est de l'école, maman y piquait des colères épouvantables.
Elle avait instaurée une sorte de familiarité avec elle, que les élèves appelaient par son prénom voire tutoyaient. Mais ce climat n'était pas forcément favorable à la discipline, et lorsque celle ci n'était pas respectée, elle s'emportait dans des colères effrayantes.

Par ailleurs, ses méthodes étaient pour beaucoup basées sur l'autonomie, l'autodiscipline. C'est ainsi que j'ai appris à tricher, et ma soeur aussi. Cette dernière, à 30 ans, ne sait toujours pas ses tables de multiplication. Quant à moi j'ai de grosses lacunes en français: la grammaire et la conjugaison sont des domaines dans lesquels j'ai trop triché par facilité pour en assimiler les concepts. D'où mes fautes d'accord, que j'apprends aujourd'hui à corriger, souvent de manière empirique, au cas par cas.

Les parents mécontents se sont multipliés et l'ont fait savoir. Ma mère était inspectée très souvent, et chaque fois la même fébrilité se saisissait d'elle, la même angoisse, mais aussi la même colère, celle née de sa conviction de faire au mieux, mais d'être incomprise et persécutée par le système. Elle avait le sentiment que son inspectrice la détestait.
D'ailleurs à cette époque nous recevions des coups de fil anonymes la nuit, et je l'ai souvent entendue dire que c'était l'inspectrice. Nos parent pourtant nous disaient aussi que c'était un fantôme, un incident sur la ligne, qui faisait sonner le téléphone ainsi, du même genre qui faisait sauter l'électricité si souvent.

À l'école, ça n'allait pas. Les élèves n'allaient pas, je n'allais pas, nous n'allions pas.
Parmi les élèves, une fille était complexée par la maladie grave qui collait au lit sa grande soeur. Un garçon avait découvert son père dans le grenier de sa maison après que celui-ci se soit suicidé à la carabine. Un autre vivait avec l'angoisse que son père parte encore de la maison avec la caisse du commerce où sa mère était employée. Deux petites filles avaient été "surprises" à copier le numéro d'enfance maltraitée et disaient à leurs petites camarades de se méfier de leur beau père. Une fille s'arrachait les dents (et pas toujours de lait)... Je vivais dans ce climat délétère.

J'ai commencé très tôt à souffrir d'énurésie diurne. Je faisais pipi dans ma culotte, incapable de me retenir, ayant la vessie irritée en permanence. Je sentais le pipi et les autres se moquaient de moi en conséquence. Puis j'ai commencé à souffrir de terribles douleurs dans les jambes. Comme si on me broyait l'os à l'intérieur des membres, qu'on me déchirait la chair. Au point de ne plus pouvoir marcher. Mais sans que les examens médicaux ne révèlent quoi que ce soit. J'étais trop jeune pour savoir ce qu'étaient les troubles psychosomatiques et sans doute le médecin de famille pensait-il que j'étais trop jeune pour en avoir... Il a conclu à des problèmes de croissance.

En même temps je commençais à jouer de plus en plus clairement le rôle de souffre douleur au milieu des autres gamins. On se moquait de moi, on me mettait à l'écart. On me refusait de participer aux jeux, comme au foot ou à la marelle. Et puis on me visait plus ou moins ouvertement, quand il s'agissait de jeux de ballons: recevoir une balle une ou deux fois en 3 ans dans la figure, c'est un accident. Plus d'une dizaine de fois en quelques mois, c'est un acte volontaire de la part des tireurs.
J'ai très vite développée une peur panique vis à vis des jeux de ballons, même lancés doucement à la main. Mais je me souviens des parties de ballon prisonnier qui nous rassemblaient tous dans la cours, au cours desquelles je m'acharnais à ne surtout pas me laisser approcher par le ballon, que ce soit avant ou après un rebond. Ce trait de caractère n'incitait pas les autres enfants à me prendre dans leur équipe, bien que ce refus du jeu puisse devenir un atout: quand toute mon équipe avait été faite prisonnière à force de n'avoir pas rattrapé le ballon qui les avait touchés, je restais seule sur le terrain. Mais il était rare que je finisse par attraper ce fichu ballon.
J'ai gardé cette angoisse pendant des décennies.

Dans la catégorie des anecdotes relatives aux élèves, un jour, en cours de sport, un des gamins a refusé de participer à l'exercice demandé. Ma mère commençant à se mettre en colère, il est entré en trombe dans la classe et a appelé la police, en prétendant que son institutrice était devenue folle, qu'elle voulait le frapper, etc.
J'ignore si cet événement s'est produit avant ou après que ma mère m'ait ouvert le front en public...

J'étais une enfant "turbulente", indisciplinée. J'aurais voulu garder l'attention de maman pour moi, ou du moins qu'elle s'occupe de moi à l'école. Mais j'étais sa fille et elle craignait qu'on dise d'elle qu'elle faisait du favoritisme. Ainsi j'avais du m'élever toute seule, sans être cadrée, multipliant les gaffes. Il m'arrivait souvent de couper la parole aux autres dans mon désir d'être reconnue. Y compris à l'instit.
Dans ces temps là, maman allait mal, elle piquait des colères et devenait agressive. Quand il arrivait que nous lui coupions la parole lors d'une leçon (il n'y avait pas que moi qui agissais de la sorte), il lui arrivait de jeter vers le coupable une craie, un chiffon, ce qu'elle avait dans la main.
Ce jour là elle avait le tampon effaceur du tableau à la main. Un bloc de bois avec une bande de feutre collée sur une de ses faces.
Je ne me souviens pas lui avoir coupée la parole.
Je ne me souviens pas de son lancé.
Je me souviens seulement du silence dans la classe, du regard des autres enfants sur moi, choqués.
Je me souviens que je ne me suis pas rendue compte que je saignais avant que les autres enfants ne me le disent et que je porte mes doigts à mon front, pour les découvrir rouges de sang.
Je me souviens très bien de ma mère appelant notre femme de ménage pour qu'elle vienne me chercher et m'emmène chez le médecin: maman ne pouvait pas, elle avait la responsabilité de sa classe...
Je me souviens aussi des vêtements qu'elle m'a acheté ensuite, "pour se faire pardonner".

Ce jour là, ça aurait pu être un autre élève qui lui aurait coupée la parole.
Alors, sans aucun doute possible, il y aurait eu plainte, à la police, au rectorat... coups et blessures sur un mineur de moins de 11 ans, pensez donc! Au rectorat, il y aurait eu procédure disciplinaire, sans doute aussi.

Mais là non. Personne n'a fait trop de vagues. La femme de ménage de mes parents, le médecin qui m'a soignée, les autres parents d'élèves, mon père, ils n'ont rien dit, rien fait.

Avant, après, je ne sais pas... durant ces trois années, une fois, maman m'a humiliée publiquement. Pendant une récrée, je suppose, ce n'est plus très net dans ma mémoire. Je devais l'avoir provoquée je suppose. Elle m'a donnée la fessée en public. Fesses nues.
Sans doute pas plus de quelques claques.
Mais une humiliation publique honteuse.

J'étais isolée des autres de par mon statut de fille de l'instit (dont ne pâtissait pas ma sœur aînée...). J'étais leur souffre douleur. Et malheureusement j'étais aussi celui de ma mère, par des voies plus détournées... car elle savait, consciemment ou non, qu'elle ne pouvait pas laisser sa colère s'exprimer avec les autres enfants. Avec moi, si. Moi elle pouvait me donner la fessée ou me garder en punition après les cours... mes parents ne se plaindraient pas.

Au bout d'un moment, elle ne nous remmenait même plus à la maison à la fin des cours: elle "rangeait" sa classe pendant des heures, jusqu'à 19h, voire plus tard encore. Tous les jours elle rangeait, et je n'ai jamais su ce que ça voulait dire, ce qu'était ce rangement qui mangeait mes heures de loisirs.
Je passais tout mon temps dans cette école de malheur. J'étais de plus en plus solitaire et supportais de moins en moins les autres, me sentant parfaitement rejetée. Mes anniversaires étaient des catastrophes alors que ceux de ma sœur, de deux ans et un mois mon aînée, étaient de vraies fêtes.

Je commençais à devenir une petite fille triste. Les photos de cette époque révèlent parfois une enfant au regard mélancolique.

À notre arrivée, l'école comptait 17 élèves. La seconde année ils n'étaient plus que 14. La dernière nous étions 9. Ensuite l'école a fermé faute d'inscrits.

dimanche 12 décembre 2010

Petite enfance.

Pour pouvoir parler de ma vie au jour le jour, en avant vers un futur apaisé, il faut d'abord que j'évoque mon passé, mon histoire. Mais je tiens à être très claire : le récit que je vais en faire est très parcellaire et éminemment subjectif. Il s'agit ici d'évoquer les éléments majeurs de ma construction individuelle, et non de retranscrire fidèlement des événements.

J'ai grandi
dans le nord de la Charente, dans un petit patelin de 150 habitants, perché sur le bord d'un plateau calcaire, au bord du fleuve donnant son nom au département. À peine quelques voisins: une petite famille, de l'autre coté de la rue, avec deux filles, et deux couples de personnes âgées un peu plus loin. Autour, la campagne, le bétail, les prés.

Mon enfance tourne autour de l'école. Et pour cause: maman était institutrice.

Je suis née en juin 1982, le lendemain du jour de l'été et de la première fête de la musique.
J'ai une sœur aînée de 2 ans, née en mai le jour de la Saint-Yves.

Nos parents se sont connus aux sports d'hiver, dans une auberge de jeunesse. Ils se sont mariés sans cérémonie, sans alliances, en jean avec leurs seuls parents et témoins. Ma mère a quitté la région parisienne où elle avait grandit et vécu. Ils ont habité quelques temps en appartement à Angoulême, le temps de rénover une propriété héritée par mon père. Le temps que j'arrive et elle était habitable.
J'ai connues mes premières années dans une maison en perpétuel chantier, avec ses murs de placo-plâtre à peine peints de blanc. Au fil des ans les opérations se sont concentrées sur l'indispensable, c'est à dire l'isolation, les travaux électriques, la sécurité. Les rangements aussi. L'aspect décoratif n'est intervenu que vers mon adolescence.

...
Mon premier souvenir clair et net dans ma mémoire remonte à ma petite enfance. J'avais deux ans, peut être deux ans et demi. Je dormais et je me suis éveillée seule et abandonnée. J'ai appelée maman, mais elle n'est pas venue. J'ai hurlé, hurlé, mais ce n'est pas maman qui est venue, mais Marthe, une voisine. Dans mon esprit enfantin, j'ai cru qu'elle était venue de dehors, que j'étais vraiment abandonnée, que maman était partie loin loin...
Maman était allée à la Poste et m'avais confiée à la surveillance de la voisine.

Maman était encore en congé parental à l'époque. Ma sœur était sans doute à l'école maternelle et mon père au travail.

Maman m'a allaitée jusqu'à l'âge de 24 mois environ. Par tendresse maternelle mais surtout par conviction militante. Elle avait raté son allaitement avec ma sœur aînée, empêchée par les médecins, commencé celui-ci après deux semaines, réussi à le maintenir quelques temps, puis avait arrêté, par manque d'information et de soutien. Le mien, elle y tenait.
Ainsi avons nous vécu deux ans au rythme des tétées, l'une fondue dans l'autre, blottie dans sa chaleur et sa protection. Mais peu à peu, elle s'est détachée de moi.

Mes souvenirs sont imprécis en la matière.
Je me souviens vaguement de son départ pour l'école tôt le matin parce que c'était loin.
Et puis de mon entrée en très petite section, à l'école maternelle.
Jamais je n'ai connue la crèche ou la nounou.

Mon souvenir est à la fois vague et vif de maman occupée à préparer des affiches et des documents, consacrant son temps et son attention à des papiers sur son bureau, ou a son ordinateur (j'ai connus les premiers "computers", du TO7 au TO13, les imprimantes à aiguille...), ou encore occupée à tourner la manivelle d'une machine à polycopiés.
Elle me délaissait tout en me gardant près d'elle. Je préférais la regarder plutôt que de jouer, préférant m'inventer des histoires dans la tête que d'aller essayer de jouer avec les petites voisines, que je trouvais méchantes (surtout la grande).

Maman a toujours été une militante. Militante pour l'allaitement maternel, pour l'espéranto, pour la pédagogie Freinet, pour Atac, pour l'écologie... Sa vie, d'aussi loin que je me souvienne, a toujours tourné autour de ça.
Quand elle tournait la manivelle de son duplicateur à alcool, c'était pour ces activités là. Je sens encore cette odeur toute particulière, mélange d'encre et d'alcool, avec un fond de papier mouillé, je vois les feuilles de papier couleur défiler entre les rouleaux, jusqu'à ce que les tirages soient illisibles. Maman à genoux sur la moquette, toute à son occupation... Et les piles de tracts jamais utilisés, rangés sous le lit de la chambre d'amis, des années après ça.

Je n'étais pas malheureuse, mais j'aurais voulu qu'elle s'occupe de moi, qu'elle fasse attention à moi.
De temps en temps, elle y consacrait du temps, et puis elle m'oubliait et repartait à ses occupations. Alors j'allais voir papa qui bricolait dans la maison ou jardinait, pendant le week end.

À la maternelle, j'aurais voulu être avec ma sœur, mais elle faisait partie des "grands". Mes activités ne coïncidaient pas avec les siennes.
Les autres enfants me faisaient peur, je les trouvais méchants. Je n'en connaissais qu'un ou deux, et après avoir tenté d'un approcher un ou deux autres, je m'étais renfrognée dans l'idée que j'étais mieux seule que mal accompagnée.
Je faisais œuvre de séduction auprès de l'institutrice, à qui je collais aux basques, à qui j'allais chercher des ciseaux, ou ceci ou cela. Je l'aidais à détacher les bordures des documents imprimés sur papier continu (les vieilles imprimantes à aiguille fonctionnaient avec du papier en accordéon, entraîné par des roues à picots qui s'inséraient dans des bandes perforées prédécoupées le long des feuilles). Avec les chutes, elle nous apprenait à faire des guirlandes en accordéon.

Les autres enfants ne m'intéressaient pas. Seule ma sœur avait grâce à mes yeux, ainsi que ses amis de son âge. J'avais aussi une soif d'apprendre immense et je "trichais" régulièrement lors des séances de collage ou de jeux de construction, en tentant de suivre les cours de lecture des élèves de moyenne section. Je m'en dévissais la tête et l'auxiliaire d'éducation y attribuait mes fréquents maux de ventre et de tête.

De cette époque je garde aussi des souvenirs épouvantables de la cantine. Pour y aller il nous fallait traverser cette zone épouvantable à mes yeux qu'était la cour de récréation déserte des "grands" de l'école primaire. Je n'aimais pas cette traversée que je jugeais dangereuse, sentiment renforcé par le fait qu'on nous la fasse traverser avant que les grands soient sortis de classe, puis avant que ceux-ci aient rejoint la cours après le déjeuner.
Par ailleurs comme dans de nombreuses cantines, les méthodes pour faire manger les enfants n'étaient guère sophistiquées: quand on ne voulait pas de quelque chose, on nous forçait à gouter une bouchée, puis on nous affirmait qu'ayant déjà mangé une bouchée, on pouvait manger le reste. J'ai ainsi passés des repas épouvantables devant des saucisses purée, n'ayant pas le droit de manger la purée avant d'avoir mangée une demi saucisse. J'ai fini par vomir devant tout le monde, un jour.
J'ai eu de la fièvre ce même jour et ai été isolée des autres enfants le temps que maman, qui travaillait, puisse venir me chercher. Quand j'ai eu faim on a refusé de me donner à manger, parce que j'avais vomi.

Pour finir avec cette époque, je me souviens que maman n'avait jamais le temps de nous emmener à l'école, à un kilomètre de la maison: elle travaillait à 20 minutes de route et devait être en avance à son école pour ses élèves. Papa partait souvent vers 7h du matin et ne pouvait pas non plus s'acquitter de cette tâche. Nous étions trop petites pour prendre le bus seules, aussi était-ce la plupart du temps une voisine qui nous emmenaient à l'école. Mais parfois elle ne pouvait pas, ou bien ses filles étaient menées à l'école par leur grand-mère, qui ne nous emmenaient pas, nous. Alors maman nous déposaient à l'école, très tôt le matin. Et souvent nous nous retrouvions seules dans la cours de l'école, parfois de nuit en hiver. Une fois même, maman nous avait déposées si tôt que les grilles n'étaient même pas encore ouvertes.
Parfois la chose se reproduisait le soir: elle devait venir nous chercher mais nous devions attendre tard, avec quelques autres enfants. Une ou deux fois, l'attente a duré vraiment longtemps, soit qu'elle nous ait oublié, ce qui est tout à fait vraisemblable, soit qu'elle n'ait pas vu le temps passer, occupée à une course sur le chemin de l'école...

Je me sentais de plus en plus négligée, sans importance aucune à ses yeux, après avoir été si proche d'elle auparavant.

Aussi ça a été une joie pour moi, lorsque nous avons appris à l'aube de mon entrée en CP qu'elle avait obtenu un poste à une quinzaine de kilomètres de chez nous, et qu'elles nous prendraient toutes les deux, moi et ma sœur, dans sa classe à la prochaine rentrée.


Premier billet.

Premier billet dans une nouvelle phase d'introspection. J'en ai connu d'autres, plus ou moins ostentatoires. J'ai tenu des journaux, écris des pages et des pages. J'ai eu un site internet, aussi, il y a bien longtemps, une éternité, une décennie.
Le temps passe, j'en reviens toujours à l'écrit. Il m'est indispensable, essentiel.
Qu'elle passe par un clavier d'ordinateur ou par la plume d'un stylo, l'écriture est mon alliée, mon amie, ma confidente depuis des années. Elle m'offre la possibilité d'exprimer des choses que ma parole ne sait pas formuler, que mes sens ne savent pas soutenir sans trembler.
L'écrit est une force pour moi.

J'aime écrire et j'ai toujours aimé ça, même quand je faisais des fautes d'orthographe monstrueuses et que les accords me faisaient faire des cauchemars (je ne suis toujours pas très douée en grammaire et conjugaison, ces matières me restant assez étrangères). Avec les années j'ai apprivoisés les mots, appris l'ordre des lettres, appris à apprécier leur juste conformation, copie conforme à ceux du dictionnaire.
Les mots massacrés des textos et de certains internautes me sont devenus difficiles à lire, me donnent mal au crâne, et révèlent chez moi une certaine intolérance. L'absence de ponctuation dans ce genre d'écrits ne fait que renforcer mon impression d'écrabouillage, de gribouillage, de mastication interrompue des mots.

J'aime écrire et j'écris avec passion, même quand il ne s'agit pour moi que de m'occuper. En plein ennui, donnez moi une feuille et un crayon, et mon univers sera plein d'une activité intense.

Voilà pour l'écrit.

La suite au prochain épisode.