vendredi 22 août 2014

La semaine où j'ai décompensé de mes troubles anxieux...

Semaine du lundi 04 aout au dimanche 10 aout 2014.

Je m'inquiétais pour mon mari.
Sa maladie neurodégénérative continue inexorablement d'évoluer, grignotant sa vie, son autonomie, son indépendance... perturbant aussi sa façon de voir la vie, c'est à dire qu'elle influe sur son humeur, ses sentiments, sa résistance aux contrariétés. Oui, quand on est malade, diminué, qu'on a mal, et bien il se trouve qu'on est plus facilement déprimé, dépressif, parfois même un peu agressif avec les autres.
Je pense que ça peut se comprendre.

Je m'inquiétais donc pour mon mari, que je trouvais parano et morbide.

En fait c'était moi qui était en train de complètement péter les plombs, avec paranoïa, interprétations délirantes des situations, agitation, distorsions cognitives complètement tordues, etc.

Le lundi, on a signé la procuration devant permettre à mon père de signer pour notre compte l'achat d'un appartement de 90m² à Angoulême, où nous retournons vivre.
J'étais toute fière de mon mari, qui m'avais fait un bel alphabet de la main gauche, juste après m'avoir écris une suite de nombres allant de 1 à 30.
Fière comme une maman devant les premiers gribouillis de son enfant, j'étais.
Et en même temps un grand, grand soulagement, l'impression que des mois de souffrance psychique allaient enfin trouver leur fin grâce au déménagement. J'allais enfin pouvoir souffler grâce à la famille, grâce au changement de prise en charge...
Souffler...
Souffler...
Cette idée est alors devenue une obsession.
À un tel point que j'ai commencé à vouloir souffler, déjà.
Ne plus devoir tenir, avoir à faire face à tout ça, à tous les impératifs de notre vie jusque là...
Le lever, le petit déjeuner, la toilette, l'urinal, la crainte des fausses-routes, les craintes de contrariétés pouvant entraîner une agressivité, une volonté de mort de la part de mon mari. Les impératifs du fauteuil roulant, des sorties, des non-sorties... etc.
Sentant que j'allais mal et que mon mari allait mal, j'ai essayé de joindre notre médecin traitant.
En vacances.
J'ai eu sa collègue du cabinet, le Dr.F.
J'étais dans un état d'agitation important, j'avais peur, j'étais épuisée.
La doctoresse, qui ne m'avait jamais vue (et ne me verra plus jamais, grrrr) en consultation ne m'a été d'aucun secours...
J'ai ensuite eu au téléphone ma famille au téléphone, ma sœur, mon père, une belle sœur.... Au bout du compte, en fin de journée, j'étais à bout, je voulais que "ça cesse", et j'ai carrément appelé le SAMU pour mon mari. Qui n'était pas agité. Enfin... pas plus que n'importe quel mari qui voit sa femme s'agiter sans raison apparente. Il faut dire quand même qu'il disait (ou je m'imaginais?) des trucs genre "tue moi", "il faut que je meure" et autres délicatesses.
Le SAMU a débarqué, avec les pompiers, trois urgentistes du SAMU, quatre pompiers, sept personnes en tout. Mon mari était dans le fauteuil du salon, il avait l'air d'aller bien, il était relativement calme vue la situation, logique, cohérent. Moi par contre, j'étais agitée, très très agitée, en larmes, limite "hystérique", comme on dit. Mais j'avais appelé pour mon mari, et le constat de l'équipe du SAMU, c'est que mon mari allait bien. Alors ils m'ont laissée, seule avec lui et mon désespoir, que je ne savais même plus dire, expliquer.
Ils m'ont laissée avec la haine, celle que je voyais dans le regard de mon mari...

Le mardi j'allais de mal en pis. Mon mari me haïssait pour "ce que je lui avais fais", pour avoir "essayé de me débarrasser de lui".
J'étais en grande souffrance face à ces mots que je me prenais dans la face comme la dureté des pierres d'une lapidation publique. Je me sentais irrémédiablement coupable, acceptant le châtiment, convaincue au plus profond de moi que ma trahison à son égard, m'avait déchue sans retour possible dans son estime.
J'ai appelée la généraliste, le Dr.F. pour lui demander un rendez-vous, comme je l'aurais fais dans les mêmes circonstances avec mon médecin traitant, le Dr.R.. Pas avant 18h15.
J'étais désespérée. Je perdais les pédales, et je ne disais rien à mon mari de cette détresse psychologique, partagée entre la colère et l'amour. Pour moi c'était évident que c'était... évident ! Je n'ai même pas pensé à lui dire, lui expliquer, que le Dr.F. était la collègue généraliste de notre médecin traitant.

Pour ajouter à tout ça, comme mon mari me semblait agité (à la suite des événements de la veille, c'était compréhensible), j'ai demandé à l'association d'aide aux personnes qui intervient chez nous au titre de l'APA, de nous envoyer quelqu'un pour l'après midi. Fanny, notre aide ménagère était disponible, elle est venue fissa.

Si je voulais une présence en mon absence, c'était parce que j'avais peur que mon mari se fasse du mal, après qu'il eut affirmé à plusieurs reprises vouloir crever, après qu'il m'ait aussi demandé de le tuer...

Je voulais voir la généraliste pour lui dire que je n'en pouvais plus de la situation. Que je ne parvenais plus à me sentir épouse, que je ne me sentais plus qu'aidante, que j'avais le sentiment de ne pas pouvoir, de ne pas avoir le droit de le dire, de ne pas avoir le droit de souffrir de la situation. Je voulais dire à quelqu'un du corps médical que je n'en pouvais "simplement" plus, plus, plupluplu...
Et je que donc je voulais être hospitalisée, car sinon on courrait au drame... Mais je voulais que la prise en charge de mon mari soit en cohérence avec mon absence.

Mais elle n'a rien comprit. Rien du tout. Elle a promit qu'elle contacterait la clinique, mais elle n'a rien fait pour mon mari, en fait.

Je suis rentrée à la maison. Les choses étaient pires, les choses allaient mal, mais je ne savais toujours pas dire à mon mari à quel point ça allait mal. Il faut dire que chaque fois que je me suis plainte, j'ai eu à affronter une remarque agressive telle que "qu'est ce que je devrais dire, moi?!?", comme si c'était un concours.
Aucun point de comparaison ne peut être fait entre nos souffrances, sa maladie, mes TAG, son anxiété, ses douleurs. Aucune n'est acceptable. La douleur, c'est toujours inacceptable, quelle que soit la cause, qui que soit la personne qui y est exposée.
pourtant depuis des mois, je devais taire ma souffrance, mes craintes, mes angoisses. Pire je devais être disponible pour toutes ses attentes, pour l'aider à marcher, pour lui préparer des repas adaptés, pour l'emmener chez les prestataires de soins, pour l'emmener se promener, pour assouvir ses plaisirs. Ma volonté, mon désir, mes angoisses, tout ça, ça n'avait pas voix au chapitre. Ou alors c'était stigmatisé, c'était "mal" de ma part de ne pas être bien, de ne pas avoir envie de faire ci ou faire ça, parce qu'il est malade, et qu'on ne tire pas sur une ambulance. Et je me laissais écraser, voilà tout, stoïquement, pour éviter tout conflit, toute contrariété à l'Homme que j'Aime.

Le mercredi, je trouvais que mon mari était agité (à la suite de mon appel au SAMU de lundi soir, il avait consacré une partie de son après midi de mardi à appeler les membres de sa famille pour leur dire pourquoi ils devraient me haïr, que je ne l'aimais plus et voulais l'éliminer le plus vite possible.
Il se gardait bien de dire qu'à de multiples reprises il m'avait demandé de mettre fin à ses jours, lors de diverses crises d'angoisse au fil des derniers mois...

J'ai donc encore appelé la généraliste, qui m'a proposée une consultation en urgence à la permanence psy de l’hôpital, mais il fallait y aller par nos propres moyens et j'étais sure et certaine que Alain ne voudrait pas. Non non non non non non.
Je n'étais pas en état de l'entendre, de la comprendre, lorsqu'elle me disait de faire monter Alain dans la voiture sous un faux prétexte. J'étais alors convaincue que c'était impossible. Aussi le Dr.F. a dû abandonner cette idée, pourtant la plus simple, la meilleure...
Donc elle a appelé les ambulances et on est allés aux urgences. Il a du falloir 6h pour que Alain voit la psychiatre (qu'il aurait vue en 10 min si j'avais été en état d'entendre ce que Laure F., la généraliste, m'avait dit...). 8h aux urgences en tout.

Le jeudi ça allait à peu près, je crois?
J'ai essayé de démêler la réalité de mes troubles cognitifs, mais ça n'était pas top quand même.
J'ai beaucoup appelé ma famille, suite à l'épisode des urgences. Je sentais que je débloquais, que je faisais n'importe quoi à cause de mon état de panique croissant. À cause de la souffrance croissance. Il n'y avait plus que ça en moi. La douleur, la souffrance. La colère aussi, le sentiment d'incompréhension.

Le vendredi, on avait rendez-vous chez la neurologue de mon mari à 8h. Elle avait été injoignable une grosse partie de la semaine, s'étant cassé le pied le dimanche 03 aout en descendant un escalier. À 7h40 l'ambulance était là pour ce petit voyage. Heureusement parce que l'accès au cabinet serait devenue impossible sans les grands ambulanciers baraqués.
Le rendez-vous s'est très bien passé. On a eu une grosse bise de Monika, tout sourire malgré son pied en attelle (2 métatarses en morceaux).

Malheureusement, une fois qu'on a été de retour à la maison, j'ai commencé à aligner de grosses crises d'angoisse, avec une sensation de dépersonnalisation, une impression de "devenir folle". Être là... mais pas là. Se sentir absente à soi même, absente au monde mais se savoir là quand même. Vraiment, ça n'allait pas. Je voulais "disparaître" (mais pas mourir), m'enfermer au fond d'un placard, dans un tas de couvertures et de couettes, dans un nid, dans le noir, disparaître...

À 11h, je suis allée à la permanence du CMP et on a décidé de mettre en place une prise en charge à partir du lundi suivant avec mon infirmier référent, mais dans l'après midi, ça a été de pire en pire, j'étais parano, hyperactive, complètement aliénée par mes devoirs envers mon mari, son manque de "reconnaissance", son manque d'empathie envers ma propre souffrance, mon épuisement face à la situation...
J'étais très très mal.
Du coup j'ai demandé au CMP de m'envoyer au CHS, sauf que personne ne proposait de solution pour Alain qui dépend pourtant à plus de 95% des autres, c'est à dire de moi... J'ai cherché auprès de toutes les ressources dont je disposais, c'est à dire bien peu de monde, et finalement on ne m'a proposé aucune solution valable.

Ce qui fait du mal à mon mari ne peut pas me procurer de bien être. Mon bien être, au prix de son abandon, c'était et ça reste inenvisageable. Sans contradiction possible.

Donc à 17h30 environ, j'ai laissé tomber l'hospitalisation. J'étais épuisée, j'avais abandonné totalement.
Ce jour là, j'ai fais une décompensation massive de mes troubles anxieux. Larmes etc, parano, dépersonnalisation, douleur psychique à 7 ou 8, je savais plus qui j'étais, je hurlais que je n'en pouvais plus, des trucs cohérents et d'autres pas, je bavais tellement je pleurais...

Mon mari est tombé des nues.
Il m'avait jamais vue comme ça.
Il pensait pas que les TAG, ça pouvait faire ça. Il était perdu et très très triste.

C'était entre le 4 et le 8 aout.
Je ne suis pas encore remise.
Mes parents se relaient pour être là le weekend et j'essaye de préparer le déménagement du mieux que je peux.
Voilà.

mardi 12 août 2014

Décompensation

Je dois dire que ça faisait plusieurs mois que ça traînait. Comme un rhume qui est là, qu'on sent, qu'on mouche mais contre lequel on ne fait rien. Jusqu'au jour où la bronchite débarque, pire, la pneumonie.

Mes troubles anxieux généralisés, pour lesquels j'ai une ALD reconnue à la Sécu (Affection de Longue Durée, communément appelée aussi "100%") et une reconnaissance de handicap supérieur à 50%, c'est un peu ce rhume à la con. Des troubles récurrents, gênants, avec j'ai appris à vivre, puisque de toute façon je vis avec depuis toujours. En gros, j'ai appris au fil du temps à compenser, à cacher tout ça, comme une femme de ménage un peu malhonnête qui cache la poussière sous le tapis.

La plupart du temps, mes TAG ne se remarquent pas, je vis plutôt bien. Pendant à peu près 30 ans, bon, j'ai eu des phases dépressives vraiment pas top, j'ai développée une phobie sociale de plus en plus invalidante, mais bof quoi! rien de "grave", qui fasse de moi une "malade". J'avais des mécanismes de défense plus ou moins au point qui me permettaient de faire face et de faire semblant d'aller bien, d'avoir "pieds". J'avais des ressources de protection, genre mon homme à moi. Sauf que mon homme à moi est de plus en plus dépendante et que du coup mon équilibre était de plus en plus précaire. J'ai perdues les choses, les repères qui me permettaient de compenser mon mal être profond.

Tout ça m'a pêté à la gueule.
Enfin, nous, parce que moi, mon mari, nos familles, on est tous dans le même bateau. Mais mon mari plus que les autres, quand même.

La décompensation en matière psychiatrique, que ce soit en matière de névrose ou de psychose, c'est toujours "spectaculaire". Et effrayant. C'est une crise majeure qui marque l'effondrement de l'équilibre qu'on s'était construit. C'est un choc, c'est violent, douloureux.

Chez moi, ça s'est traduit par une grande agitation, de la confusion voire des bouffées délirantes. C'est monté, monté au fil des jours, sur à peu près une semaine, pendant laquelle j'étais persuadée que c'était mon mari qui était confus, délirant, parano...

Aucune vraie prise en charge thérapeutique. Les médecins que j'ai croisés n'ont soit rien vus, parce que focalisés sur mon mari, soient se sont placés eux mêmes en position d'impuissance parce que, bien que voulant m'aider (via une hospitalisation), ils ne suggéraient aucune aide pour mon mari, qui, je le rappelle, souffre d'une maladie neurodégénérative qui le rend dépendant des autres, car son invalidité dépasse largement les 80%.
Un cauchemar.

Bon. En matière de névrose, la décompensation est le plus souvent transitoire. Même si je me sens très très fatiguée, ça va beaucoup beaucoup mieux. Je ne me cogne plus la tête contre les murs, je ne suis plus paranoïaque et mon sentiment de dépersonnalisation a prit fin.

Mais vendredi 8 aout, les choses étaient très très différentes.
J'ai décompensé de mes Troubles Anxieux Généralisés et fait réaliser à mon mari qu'il ne connaissait rien de ma maladie. La phobie sociale, c'est le sommet visible de l'iceberg. Les TAG, c'est la maladie qui me bouffe par tous les bouts, qui me vide de mon énergie, m'empêche de rien voir de la "vraie" vie, parce que j'ai peur de tout, de la peur qui fait peur aux peureux et surtout, surtout... j'ai peur de moi.