jeudi 1 février 2018

CEPMO, lycée épisode 2

Après ma tentative de suivre des cours par correspondance, ayant aboutit à un bac de français "à moitié passé", je suis entrée dans un lycée "expérimental" (comprendre que les cours et la pédagogie ne s'y organisent pas selon les mêmes temps et les mêmes modes que dans un établissement lambda, tout en restant un établissement public).
Le CNED, j'avais toujours su que je n'y arriverais pas, mais je préférais dire "je veux suivre des cours par correspondance" que "je ne veux plus aller au lycée, ça me rend trop malade" à mes parents. Pourtant le signal d'alarme aurait sans doute été plus fort, mais peu importe, on ne refait pas le passé.

La journée portes ouvertes, également journée de préinscription, a été très pénible pour moi. Je voulais être jolie, mais j'ai très mal vécue la sensation d'être regardée de près, observée (ce qui n'était sans doute pas le cas).
Quand j'ai passé l'entretien de pré-inscription, j'étais nouée de partout et je me sentais très mal. Je me souviens qu'un des profs m'a demandé si je n'avais pas des envies, de passions et que je me suis sentie "coincée", je n'ai pas su quoi répondre, j'avais peur de dire une connerie et de voir mon dossier "rejeté". Alors qu'en fait ces entretiens permettent avant tout à l'équipe pédagogique de se faire une idée des candidats. Pas d'en faire des "oraux" décisifs.

Le CEPMO était à Boyardville, sur l'Ile d'Oléron (il a déménagé à Saint-Trojan, de nos jours).
Mes parents m'ont trouvé un logement à Saint-Denis d'Oléron.
C'était quelque chose : presque tous les élèves louaient des logements initialement prévus pour les beaux-jours, pas toujours bien isolés ni bien chauffés. Moi j'avais décroché le pompon avec un logement dont la chambre /pièce à vivre était séparée par une ruelle de la terrasse et son accès à la cuisine et la salle d'eau. Je ne disposais pas d'un compteur d’électricité individuel, ni d'un disjoncteur, bien entendu, car il s'agissait d'une dépendance d'une autre maison, bien plus grande.

Le CEPMO ne m'a pas permit de développer mes habiletés sociales, même si j'y ai eu des copines. Mais c'étaient là encore uniquement des "copines", pas des amies. Je les connaissais très probablement mal et nous n'avons pas gardé le contact une fois que j'ai quitté l'établissement, bien que j'ai essayé, pour certaines, mais je ne savais (et ne sais toujours pas) faire.

Le lycée était à échelle "humaine" pour moi, avec de toutes petites classes avec un maximum de 20 élèves par classes (inscrits, mais pas toujours présents). Les choses fonctionnaient par contrat élève-lycée, avec des engagements d'assiduité réaliste en fonction des problématiques individuelles. J'imagine que les choses n'ont pas beaucoup changé de ce point de vue là.

Je suis restée dans la filière L arts plastiques. En regardant en arrière, je sais que j'aurais sans doute mieux fait de passer en 1ère Économique et Sociale, éventuellement avec une option facultative d'Arts, mais on ne refait pas le passé. J'aurais même pu ne pas être scolarisée là-bas, mais dans le petit lycée à 15 kilomètres au nord de chez mes parents, où j'aurais sans doute été aussi bien.

Pour autant je ne regrette pas mes années CEPMO. Deux années riches, même si j'ai été absente 25% du temps contractuel sur la première période de la première année (nous ne fonctionnions pas par trimestres, mais selon les périodes de cours s'intercalant entre les vacances scolaires).

A début je mangeais j'étais sensée manger à la cantine à midi, mais en réalité j'ai dû y mettre les pieds qu'une dizaine de fois. Soit je jeûnais, soit j'emportais à manger. Bref je reproduisais ce que j'avais fais par le passé, au collège puis dans mon premier lycée. D'autant que là c'était pire : pas de self-service mais des tables communes, avec des plats apportés à table, la cohabitation infernale avec les autres, le bruit, le rythme à suivre... la pause de midi était épuisante nerveusement.
Le phénomène étant fréquent, à la fin de la première période, le responsable d'établissement demandait aux élèves inscrits à la demi-pension s'ils y allaient vraiment. J'ai demandé à ce qu'on me désinscrive.

Certes on me savait "anxieuse" lors de mon inscription, déscolarisée après une tentative d'études par correspondance, mais c'est tout. Je n'avais à l'époque aucun diagnostic "officiel" autre que celui de phobie scolaire, et encore, il n'avait fait l'objet d'aucune déclaration, que ce soit auprès de la CPAM ou de la MDPH.
Je me savais en souffrance psychique de longue date.
J'ai cherché à voir la psychologue scolaire pour lui parler de mon mal être mais soit je m'exprimais mal, soit elle ne comprenait pas l'ampleur de ma détresse et prenait les choses à la légère. Toutefois je ne lui en veux en rien car elle avait également à suivre des élèves en situation de handicap psychique bien plus invalidante que la mienne, confrontés à des début de schizophrénie, des troubles obsessionnels compulsifs envahissants, bipolaires, boulimiques et autres...
Nous n'en parlions pas entre nous, par une sorte d'accord tacite, tous élèves, tous différents, mais avant tout élèves. Cependant nous savions tous qu'une partie des élèves étaient là parce que les établissements scolaires traditionnels refusaient de "prendre le risque" de les admettre pour cause de "problèmes" psychiatriques.

J'ai été confrontée à la schizophrénie d'un des élèves un jour où je le ramenait chez lui, à Saint-Denis d'Oléron avec ma voiture. J'avoue que je n'avais jusque là jamais rien vu en lui qui ait pu m’effrayer. Il était élève depuis un ou deux ans, alors en terminale et moi en première. C'était le printemps. Tandis que je conduisais, il avait commencé un monologue sur la violence des hommes, leur cruauté, qu'il allait punir... j'avais senti que je ne devais pas essayer de le contredire, par une sorte d'instinct. Lorsqu'il a commencé à parler de sa "femme" et de "chez lui" en citant le Vatican ou la Mecque, il m'est apparu évident qu'il était en perte de contact avec la réalité.
Une fois arrivée à Saint-Denis, je me suis garée au bord d'un square et ai simplement attendu qu'il s'apaise et descende de lui même du véhicule. À aucun moment je n'ai crains qu'il me fasse du mal, même si ses paroles avaient des accents de violence effrayants. Il est "redescendu" au bout d'une dizaine de minutes de discours acerbe parfaitement construit et convaincant, bien qu'évoquant sa déité supposée. Il m'a remercié de l'avoir ramené, en descendant tranquillement, mais en me disant quand-même qu'il n'oublierait pas, le jour de son courroux, que j'étais du côté des "justes".
Oui, oui, oui...

Le lendemain, je me suis enquis de savoir qui était son tuteur (nous avions tous un professeur référent), que je suis allée voir pour rapporter l'incident, sans chercher à en savoir plus. Quelques mois plus tard l'élève en question a malheureusement du être hospitalisé, ce qui était relativement rare dans l'établissement, car il était devenu un danger pour les autres. Il avait en effet un certain charisme, notamment auprès d'élèves en quête d'identité, et en avait entraîné un à commettre des actes violents. C'est le seul incident notable dont j'ai eut vent, alors que j'ai côtoyé de façon certaine d'autres élèves psychotiques.

Au CEPMO, il existait (à cette époque, et c'était il y a plus de 15 ans) une sorte de dichotomie entre les élèves "locaux" et les autres. En effet il y avait les insulaires et ceux qui, pour une raison ou une autre, avaient besoin d'une scolarité "différente". J'en faisais partie. Les oléronnais étaient minoritaires. La plupart des adolescents du cru en âge d'aller au lycée étaient internes à Rochefort, notre lycée de tutelle, ou à Bourcefranc pour l'enseignement technique maritime.
Souvent les habitants de l'île avaient des réticences à inscrire leurs enfants au CEPMO, précisément à cause de la concentration d'élèves en situation d'échec scolaire, quelle qu'en fut la cause. En outre l'organisation de la scolarité, non conformiste, déplaisait à la plupart.

J'ai traversé ces deux années de façon "mécanique". Je fonctionnais essentiellement sur mes acquis de cours, ne révisais quasiment jamais, perdais mes cours de manière récurrente.

Les épreuves anticipées de français, mathématiques et sciences se sont bien passées (une expérimentation qui n'a pas perduré) à la fin de ma première, même si mon niveau d'anxiété était important.

Quand je suis passée en terminale, j'ai changé de logement pour aller habiter à La Côtinière. Je me contentais de faire le trajet aller-retour entre le lycée, m'arrêtant simplement à Saint-Pierre d'Oléron pour faire mes courses. Je n'allais pas marcher et restais enfermée la plupart du temps dans mon studio. J'étais tellement effrayée par le regard de mes propriétaires, dont je devais traverser la cour pour sortir, que j'emportais souvent mon sac poubelle avec moi le matin, pour le jeter dans une benne sur mon chemin, plutôt que de le mettre dans la leur.

Il y aurait bien entendu beaucoup à écrire sur cette période de ma vie mais je ne suis pas certaine de l'utilité de ce récit.

J'ai été confrontée à des situations que peu de gens voient vraiment, en raison du caractère atypique de l'établissement. En 2001, les attentas du 11 septembre ont fait réagir beaucoup d'élèves, ce qui m'a entre autre révélé la mythomanie pathologique d'une jeune fille que je croyais bien connaître.
Dix jours plus tard, l'accident de l'usine AZF à Toulouse a provoqué le départ précipité de plusieurs élèves inquiets pour leurs familles.
À un moment indéterminé dans le temps, au début de ma terminale je pense, nous avons apprit le suicide d'un des élèves (je ne le connaissais pas), d'où la mise en place d'une cellule d'écoute spécialisée dans l'établissement.
Une des élèves a fait un déni de grossesse et a accouché en urgence à Rochefort...
Certains élèves ont été surpris à voler de la nourriture dans une grande surface, faute de savoir gérer leur budget, achetant des plats préparés à foison en début de mois et se trouvant sans le sous à la moitié du mois...

Un chapelet de petits événements représentant un condensé de la vie "réelle" et très ordinaire que la plupart des adolescents et jeunes adultes ne connaissent pas vraiment, isolés dans cette sorte de tour d'ivoire qu'est le lycée général et sa dilution des individus dans les masses anonymes.

De ma première année là-bas, en 1ère, donc, je peux en outre évoquer un échange culturel avec un établissement scolaire de Gratz, en Autriche, qui a mis à rude épreuve mon anxiété pathologique. Nous sommes d'abord allés là bas au cœur de l'hiver (voyage en train de près de 24 heures, en groupe, hébergement dans une famille, barrière linguistique...), travaillant sur le concept de l'actionnisme et le thème des tabous. Un voyage de 10 jours, dont un weekend à Vienne, hébergés en auberge de jeunesse (j'ai un souvenir extrêmement confus de cette expérience). À notre retour à Gratz, nous avons mis en place nos actions, projets artistiques de performance en milieu urbain, destinés à interpeller les témoins sur un thème.
Ensuite nous avons accueillis nos correspondants chez nous au printemps (pour moi, l'enfer de la cohabitation, de ma correspondante-binôme qui partait avec ma bicyclette et ne rentrait pas, sans me prévenir, et autres imprévus imprévisibles effrayants...).
Quand nous avons travaillé en groupe sur la plage, effectuant la transition entre l'actionnisme et le land-art, abordant dans une ronde rythmée par les galets que nous entrechoquions en nous balançant pour évoquer le thème du flux et reflux lié à la mer toute proche... j'ai fais une crise d'angoisse qui m'a littéralement fichue par terre, sidérée.
Trop de monde, trop de bruit, trop de regard, trop d'anxiété de "performance". Trop de stimulations sensorielles simultanées aussi. Ce n'est que des années plus tard que j'ai réellement compris que mon cerveau avait alors été saturé par un excès de stimuli et était entré en mode "survie".
Un professeur m'a ramenée chez moi, dans un état second.
Je garde de cet échange culturel une sorte d'amertume et de mélancolie.
On aurait pu poser des diagnostics à l'époque.
Mais les enseignants ont cru que j'avais eu une insolation.

Bref. Je suis allée dans un lycée experimental public, donc.
Il y en a d'autres en France, et ailleurs.

L'approche des épreuves terminales du baccalauréat a été très problématique pour moi. Deux semaines avant les épreuves, je ne dormais plus que par micro-sommeils. J'ai vu un medecin local qui a eut la riche idée de me mettre sous Stilnox (hypnotique) et Zoloft (antidépresseur). J'ai pris le somnifère (un demi) le soir même (on était mercredi) et j'ai littéralement oublié mon jeudi matin. Une prof m'a dit de rentrer chez moi. Le soir j'étais encore dans le brouillard. Le lendemain matin, j'ai appelé mon médecin, chez mes parents et pris rendez-vous. Après une mâtiné de cours, je suis partie directement et vu mon médecin, qui m'a prescrit du Lexomil.

En début de première, j'avais passé mon permis de conduire. Après deux échecs à l'examen (et 40 heures de cours contre les 20 obligatoires), j'avais obtenu le papier rose (on l'envoie par courrier, aujourd'hui) avec l'aide de médicaments prescrits par mon médecin, dont des ampoules sublinguales de... lithium.

Il est à souligner que je prenais également quotidiennement de l'Euphytose, spécialité de phytothérapie agissant sur l'anxiété, prescrit par mon gastroentérologue lorsque j'avais 16 ans (du fait de l'anxiété, j'avalais de l'air, ce qui affaiblissait les muscles de l’œsophage par fatigue permanente). Pour mon examen de conduite, à 18 ans donc, mon généraliste m'a prescrit de passer de 3 comprimés par jour à 6, avec complément de magnésium et ces fameuses ampoules de lithium.
Aucun diagnostic sérieux concernant des troubles anxieux dont je présentais des symptômes évidents depuis la petite enfance n'a cependant été posé.

J'ai donc passé le baccalauréat sous Lexomil. 1/4 le soir pour dormir et 1/4 une heure avant les épreuves. Boite de 28 barrettes... Je suis devenue dépendante. À tel point que j'en ai ensuite volé à ma grand-mère paternelle.

Bien qu'ayant égaré la plupart de mes notes de cours et que notre prof de Lettres et Philosophie ait été une calamité en termes de pédagogie (à défaut de prof titulaire, l'académie de Poitiers nous avait envoyé un jeune docteur en philosophie, sans formation d'enseignant, vacataire donc), j'ai eu 13/20 au bac.

Je me souviens que ma mère s'est limite fait agresser par une cousine au 3ème degré de mon père, parce que on avait pas annoncé que j'avais eu mon bac... pour la bonne raison que nous ne lisions pas le journal, mais elle si. Donc nous l'avons appris par des tiers. On m'a offert des livres que je n'ai jamais lu et j'ai passé un été sans vagues.

Que dire d'autre de cette période?
Pendant mes années au CEPMO, j'ai eu une sorte de relation "virtuelle" à distance avec un auteur de littérature jeunesse, étant intervenu dans l'école où exerçait ma mère. Il habitait en région parisienne. Quand notre classe de 1ère Arts Plastique avait fait le voyage annuel à Paris, j'avais été hébergée chez lui (chez ses parents!!!). Très... "amoureuse", je lui écrivais régulièrement des lettres ou courriers électroniques exprimant avant tout mon besoin de reconnaissance.
Toutefois les rares fois où nous avons été ensemble, j'ai éprouvé une sorte de profond malaise.
Ça avait été le cas lors du voyage à Paris, durant lequel je m'étais trouvée confuse face à cet homme qui me semblait somme toute étranger.
J'avais essayé de lui exprimer mes doutes, mais il m'avait totalement déstabilisée en me disant que je ne "pouvais pas lui dire que je l'aimais un instant, et lui dire le contraire l'instant d'après".
Effrayée, influençable, hyper-empathique et incapable de gérer mes émotions, je m'étais "pliée" à son raisonnement et avais fait taire mon ressentit profond.
Au final, j'ai rompu avec lui lors d'un voyage ensemble à Aix-en-Provence durant les vacances de Pâques 2002, au bout de 48 heure d'une cohabitation qui m'avait été très pénible.

En parallèle, j'écrivais par mail à de nombreuses autres personnes, depuis que j'avais 17 ans environ. Parmi mes correspondants, il y avait un certain "Julien", professeur à Angoulême. Je l'avais même rencontré, fin mai 2001. J'étais alors à la fin de mon année de 1ère au CEPMO. Cet homme, par sa façon d'écrire, exerçait sur moi une sorte d'attraction effrayante. Notre rencontre avait été un désastre personnel et je refusais de lui écrire encore... Durant mon année de terminale, j'en faisais même parfois des cauchemars.

Durant l'été 2002, j'ai butiné, via Internet fais quelques rencontres plus ou moins hasardeuses, et suis tombée sur Frédéric. Ça devait être une simple relation estivale car il était du Nord et seulement en formation dans la région. Ça a duré un peu plus, et je me suis fais largement manipuler. Mais pas autant que par "Julien" cependant.

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