mardi 26 avril 2011

Garçon manqué

Fille ou garçon?
Quand j'étais petite, et jusqu'à un âge assez avancé, j'étais assez "garçon manqué".
Une image dans laquelle je me suis glissée par convenance. Pour moi et pour les autres, surtout pour ma mère. De manière insidieuse et en même temps si naturelle et spontanée. C'était plus facile pour tout le monde, en quelque sorte.

Dans mes souvenirs, j'ai commencé à "tourner" garçon manqué quand ma maman a reprit le travail. Du coup, elle était moins disponible pour m'aider à m'habiller, ou pour me coiffer. Je me suis habituée à être "coiffée avec un pétard" ou à la va vite, une tresse plus haute que l'autre, les élastiques passés à la va vite au milieu du couloir.
Et puis, comme maman n'aimait guère consacrer trop de temps aux achats vestimentaires, à choisir ce qui s'essayait le plus vite, qui durait longtemps, pouvait être acheté un peu grand et porté un peu petit, c'est à dire les survêtements.

Moi ça me convenait assez, ça me permettait d'aller courir les bois, de ne pas être gênée dans mes mouvements. C'était aussi une façon de ne pas avoir à faire d'efforts pour être jolie comme ma sœur, et je crois que c'était une protection contre le monde extérieur en général. Des vêtements molletonnés, ça tient chaud, et en même temps ça isole.

Peu à peu je suis devenue une monomaniaque du survêt'.
Je suis rentrée dans une case, celle du garçon manqué, et j'avais l'impression que ça plaisait à tout le monde.
Ma sœur était jolie, mignonne, déjà féminine avec ses cheveux coupés, ses barètes avec des petites fleurs dessus. Elle jouait à la poupée, promenait son landau, jouait à la couture. Moi j'étais le garçon manqué, toujours en jogging, mal coiffée, qui grimpait partout, qui traînait dans les bois.
Parfois, en été, j'étais en jupe, bien sûr, mais jamais vraiment "petite fille" à fond.

C'est resté comme ça pendant longtemps.

Et puis à l'adolescence, j'ai eu envie de redevenir une fille. Je voyais bien que les garçons se fichaient de moi, me tournaient en ridicule. Et puis j'avais envie d'être jolie, tout simplement.
Pour mon premier jour de collège, j'ai mis une jupe et un chemisier, et même des sandalettes avec un peu de talon. J'étais fière de moi, je me sentais jolie. Peut être une heure. Ensuite je me suis sentie très mal, j'avais la sensation d'être déguisée, de ne pas être moi même. Je n'avais plus qu'une hâte, c'est que la journée finisse et que je reprenne mes vêtements unisexe. La fierté avait été remplacée par une grande honte, un sentiment épouvantable de m'être tournée en ridicule devant les autres.

Pendant des années, j'ai vécu en jean ou en pantalon, voire en salopette, avec des pulls bien couvrants, en rêvant de jupes et de vêtements moulants, féminins.

Mais surtout, à chaque fois que j'essayais de "faire la fille", ma mère, dans sa grande indélicatesse, me donnait le sentiment d'être ridicule, ou même que j'étais une salope. Un fois, ma sœur m'avait maquillée, coiffée et prise en photo. C'étaient des jeux d'adolescentes qui découvrent leur pouvoir de séduction, qui aiment se faire jolies, certes en en ajoutant un peu, mais ce n'était qu'un jeu. Je me sentais belle, valorisée. Je me sentais bien. Mais maman trouvait que j'avais l'air d'une pute et me l'a un jour dit sans détour.
Chaque fois que je me faisais mignonne, simplement en achetant des boucles d'oreille (j'avais le sentiment que c'était la seule fantaisie féminine que je pouvais me permettre, sans avoir l'air ridicule), j'avais "droit" à des remarques ayant l'air de sous entendre que... que quoi?
Comment traduire ces remarques anodines du style "Ho là là, mademoiselle!!!". C'est le ton, la façon de le dire, le sifflet qui l'accompagne, les gestes, aussi. D'ailleurs je n'arrive pas à me souvenir clairement des remarques que je recevais, comme si je les avais effacées au fur et à mesure, n'en conservant que la souffrance qu'elles m'infligeaient. C'étaient des remarques qu'on fait à une petite fille qui va à la maternelle et qui décide de se faire jolie. Un compliment affirmant "dis donc, mais tu es toute jolie" sur un ton un peu trop appuyé, ça flatte une gamine de 4 ans. Une fille de 14 ans, elle, peut être blessée par ce ton exagérément admiratif au point de prendre un accent moqueur.

Depuis que je suis entrée dans l'adolescence, puis dans la vie adulte, chaque fois que je me suis faite belle, j'ai sentie cette moquerie dans la voix de ma mère. Peut être que ce n'est ce pas du tout volontaire de sa part. Peut être ne sait elle tout simplement pas mettre d'autres accents dans sa voix. Très probablement, elle ne se rend pas compte à quel point c'est important pour moi d'être belle quand je sors, quand nous recevons des gens. Sans doute ne comprend elle pas qu'à chaque fois elle me donne l'impression de voir ma robe, mon maquillage, ma coiffure, comme des déguisements ridicules.
De manière certaine, elle n'a jamais comprit à quel point j'avais besoin qu'elle me montre qu'elle m'aime comme je suis, qu'elle me montre qu'elle est fière de moi, que je m'épanouisse, que je sois femme, que je sois jolie. Elle n'a jamais compris qu'il y a un ton particulier pour dire ces choses là.

C'était plus facile pour elle, quand j'étais un garçon manqué, que je ne cherchais la reconnaissance de personne, pas même de moi même, et que j'avais appris à me tresser moi même les cheveux, parce que elle, jamais elle n'avait le temps pour ça.

Elle ne m'a jamais appris à être une fille. J'ai du apprendre toute seule, en regardant les autres. Et quand je suis vraiment une fille, que je porte des jupes, que je me coiffe, que je me maquille, on dirait parfois que pour elle je ne suis qu'un épouvantail.

Ma robe, au mariage de ma sœur.

2 commentaires:

  1. tu es magnifique dans cette robe et en plus tu souris... J'ai lu ton blog en entier!!!

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  2. Ha bha oui, je suis pas tristounette en permanence!!!
    Mais j'écris surtout sur ce blog quand j'ai du vague à l'âme...

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