mardi 12 avril 2011

Petit déjeuner


Certaines personnes sont notoirement "grognon" le matin. Intolérantes. Agressives.
Je fais partie de ceux là. J'ai longtemps fait partie de ceux là...
Parce que je vivais en permanence dans l'anxiété, sans le comprendre.
Mais ceci, je l'écris en 2018...

Revenons dans le passé...

Je m'efforce de modérer mes réactions, mais la présence de l'autre, le matin, est une chose qui m'est pénible... mais son absence, le silence, le vide, m'est peut être plus intolérable...? Je l'ignore. J'ai envie de prendre mon petit déjeuner avec mon mari. Mais chaque matin c'est la même lutte contre moi même, contre ce monstre qu'il y a dans ma tête.
Chaque matin la même intolérance, le même agacement face aux petits mots doux, que je trouve exagérés, comme quand une voiture s'arrête, parce que je me tiens sur le bord d'un passage piéton sans manifester le moins du monde l'intention de traverser... et alors, même si je n'en avais pas envie tout de suite, mais un peu plus tard, je me sens obligée de traverser quand même, là, justement, tout de suite, parce qu'on me fait cette politesse, qui finalement me hérisse le poil.
Je crois qu'en matière de petit déjeuner, les mots doux, et même toute parole, ça m'oblige à sortir de moi, de mon monde intérieur, de ce refuge, et de me confronter au monde extérieur.
Chaque matin Calimero se débat pour repousser un peu le monde extérieur, et chaque matin le monde extérieur finit par gagner.

Le matin, je n'ai pas envie de parler, je n'ai pas envie qu'on me parle, je n'ai pas envie qu'on me voit, j'ai envie de continuer à ne pas exister.

Le petit déjeuner est toujours plus dur quand j'ai mal dormi, ou que je me réveille épuisée. Malheureusement ces nuits sans sommeil, au sommeil haché ou peu réparateur sont fréquentes. Comme si j'étais incapable de me reposer vraiment.
D'ailleurs il paraît que je grince des dents en dormant.

Il y a longtemps, quand je vivais chez mes parents, j'avais développées des stratégies d'évitement pour ne pas être confrontée aux autres pour le petit déjeuner. Me lever tard, par exemple. Malheureusement, ça ne me garantissait pas la tranquillité recherchée. Car souvent ma mère se levait tard également, et rien n'était pire pour moi que de prendre le petit déjeuner avec elle. Je ne supportais ni son regard, ni ses gestes, ni le bruit de sa cuillère dans son bol de thé. Tous les sons me parvenaient comme amplifiés, au fond d'un entonnoir terrible, et je n'avais plus alors qu'une envie, fuir, partir, me cacher, rejoindre le confort de ma chambre, disparaître.
Parfois, lorsque je restais dans ma chambre, à tenter de courir après un sommeil qui n'a jamais voulu de moi, j'étais éveillée, pire que tout, par les pas de ma mère dans le couloir, et une ou deux fois, la première chose que j'ai fais en passant le pas de la porte de ma chambre, c'est mettre le pied sur un livre, une cassette vidéo, un objet quelconque m'appartenant. Grand rangement. Agression dès le matin. Message: tu es bordélique, reconnais le dès le saut du lit. Réaction hérisson. Sentiment de rejet. Réaction de défense.
Mais passons sur le passé, il est passé, je ne peux pas le refaire et personne n'aurait pu envisager à l'époque que je m'enfonçais dans cette maladie mal connue du grand public qu'est la phobie sociale.

Aujourd'hui il m'est toujours aussi pénible de prendre le petit déjeuner, chaque matin avec mon mari. Les mêmes gestes répétés à l'infinie auraient du me sécuriser, au contraire. Pourtant je ressens toujours la même gêne, la même intolérance à l'égard de l'autre à ce moment de la journée.

Souvent j'en veux à mon mari d'être bien réveillé, alors que moi je me traîne mon sommeil et ma fatigue. Mais lui, souvent, est éveillé depuis des heures, et il est donc parfaitement normal qu'il soit en état de marche parfaite. Mon temps de réaction à moi est diminué et surtout, j'éprouve de très grandes difficultés à ressentir des choses positives, comme du plaisir par exemple. Plaisir d'être avec lui, plaisir du matin, plaisir du café. Tout me pèse.

Et chaque jour ça recommence.
Et chaque jour je suis triste à cause de ça.
Et chaque jour je lutte contre moi même.
Et chaque jour je me dis que je l'aime, que c'est le plus important, au delà de toute chose, au delà de cette intolérance qui me submerge et me fait horreur.

Alors chaque jour après le petit déjeuner, je reste seule dans la cuisine, je recherche mon équilibre et l'endosse comme je peux, et j'avance.

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