dimanche 10 avril 2011

Mariage

En tout dans ma vie, je suis allée à deux mariages.
Celui d'une cousine éloignée et le mien.

Je ne peux pas dire que le mien était extraordinaire: organisé dans l'urgence à l'annonce de la nécessité d'opérer du cœur mon compagnon, nous y avons invité la stricte famille proche (mes grands mères, ma sœur, mes parents, les enfants de mon (futur) mari et le conjoint d'un de ces derniers. Point. La cérémonie à la mairie a eut lieu à 17h, un vendredi de fin janvier. Le matin même j'étais en cours. Et ma robe était... heu... ni blanche (mais je ne voulais pas de cet aspect "virginal") ni même belle, à dire vrai. Mais je n'ai trouvé nul part le courage d'aller dans un boutique spécialisée pour acquérir une robe de demoiselle d'honneur, et étais tellement angoissée à cette idée que je n'en ai même pas parlé à mon futur mari (avec qui j'étais déjà pacsée depuis 2 ou 3 ans). Pas plus que je ne lui ai parlé de mon désir de porter une alliance, désir que je jugeais "ridicule", mes parents n'en ayant jamais eu... Simplement quand il m'a demandé si je voulais un cadeau, je lui ai répondu que j'aimerais une "bague", sans être plus explicite.
Enfin bref, mon mariage me laisse bien plus de regrets que de beaux souvenirs.

L'autre mariage, celui d'une cousine au ixième degré, célébré un été de mon enfance dans le village où j'ai grandi. J'en garde un souvenir mitigé, avec une forme de honte pour mes vêtements, ma sœur m'ayant fait remarquer un peu tard qu'ils n'étaient pas adaptés à l'événement... mais personne d'autre ne s'en étant préoccupé avant elle, je n'avais pas le choix. On aurait pu m'acheter un petit ensemble gai et fleuri, quelque chose d'un peu chic et festif, au lieu de ça on m'a laissée m'habiller d'un ensemble en coton, jupe culotte mauve et tee shirt, avec des tongs! Moi qui parle souvent de honte, ce sentiment est très prégnant quand je pense à tout ça. Cela fait des années que ça s'est produit. Je pourrais prendre ça avec de l'auto dérision, me dire que j'étais enfant, mais avec le temps, ma honte n'a fait que croître et la chose me cause une grande tristesse. Certes il y a eu aussi le dîner de mariage, dans la salle des fêtes, mais je me souviens que j'ai été malade, que j'avais envie de vomir, parce que comme d'habitude j'avais noyée mon angoisse et mon ennui dans la nourriture, et j'étais arrivée à table plus que brassée par un estomac trop rempli.

Pourquoi évoquer tout cela, maintenant?

Dans deux semaines, ma soeur se marie, voilà pourquoi.

Un mariage à la mairie, avec une jolie robe (de demoiselle d'honneur), des tas d'invités, un bal.
Et je crève de trouille. Depuis l'annonce de l'événement, mon angoisse n'a cessé de croître.

Quand j'habitais encore à Angoulême, j'aurais aimé aller rejoindre ma sœur quand elle choisissait sa robe, en choisir une moi même, mais j'ai battu en retraite, incapable de faire cette démarche anodine, incapable de la rejoindre. Je me suis rabattue sur une robe bon marché, vendue sur Internet, qui certes est très jolie, mais ne me paraît pas à la hauteur de l'événement, et qui plus est, qui est un peu étroite (une taille en dessous la mienne, car épuisement du stock). Au cas où, j'en ai commandée une autre, encore plus terne. Et à force de déceptions j'en viens à me demander si je ne ferais pas mieux de porter une de mes deux robes (longues) préférées, certes déjà utilisées, mais qui en même temps me rendraient peut être plus à l'aise.

S'il n'y avais que la robe...
Il y a le coiffeur. J'aimerais vraiment me faire coiffer pour le mariage de ma sœur. Le hic c'est que je n'ai jamais mis les pieds chez un coiffeur. J'ai toujours éludée cette situation, et j'ai toujours gardés les cheveux longs. J'ai même cessé de me les faire épointer par ma mère quand j'étais adolescente. Aujourd'hui c'est une opération que je réalise moi même avec deux miroirs, des cheveux humides et peignés et une paire de ciseaux bien affutés.
J'ai confié cette peur du coiffeur à ma sœur, qui m'a gentiment proposé de prendre rendez-vous aussi pour moi, le jour de son mariage.
Il m'a fallut des jours avant d'accepter.
Et maintenant, j'ai des pensées d'angoisse rien qu'à y penser. Après tout, est-ce vraiment nécessaire? Je voudrais rester naturelle. Je suis tellement anxieuse à l'idée d'être confrontée à cette situation : le regard des autres, dans le dos, sur mes cheveux, avec les miroirs... C'est épouvantable! Et si on me faisait des réflexions sur mes cheveux? Ils sont tout fourchus... (normal, je suis anxieuse chronique, ce qui a un impact sur mon immunité, sur la qualité de ma peau, de mes ongles, de mes cheveux...). Et si je ne trouvais pas la boutique (il n'y en a que deux dans le patelin...).
Plusieurs fois ces derniers jours, j'ai eu envie d'annuler tellement ça me panique, cette histoire de coiffeur. J'en ai même fait des cauchemars.

Le coiffeur m'a cependant permis de me focaliser sur quelque chose pendant de longues semaines... occultant toutes les autres sources d'angoisse (en dehors de la robe, comme vu plus haut).

J'ai peur, bien sûr, de souffrir de diarrhées, comme chaque fois que je sors de chez moi pour agir. Malheureusement ce symptôme de stress s'est aggravé ces derniers mois et je n'ai absolument aucun contrôle là dessus.
J'ai peur aussi de trop manger, de "passer" mon anxiété dans la nourriture, les jours et les heures qui précèderont, au risque d'être déjà complètement saturée le jour J. C'est une de mes grandes spécialités et je me suis déjà gâchés de nombreux grands événements de cette manière là (je reviendrais sans doute dans un prochain billet sur le soi-disant reflux gastro-œsophagien qui m'a gâchée mon adolescence, en réalité une hyperphagie compulsive).
J'ai peur aussi d'avoir à danser, ou au contraire de ne pas oser danser, de ne pas réussir à me "lâcher" devant tout le monde, de ne pas réussir à éprouver du plaisir d'être là, que tout ça soit contrebalancé par mon anxiété.
J'ai peur de craquer, de me mettre à pleurer, d'attirer ainsi l'attention sur moi, de gâcher la fête.
J'ai peur d'être obligée de prendre la fuite à cause d'une crise de panique aigüe.


Les gens qui ne souffrent pas de phobie sociale, ou même d'anxiété sociale, ont beaucoup de difficultés à comprendre ce que j'éprouve, à percevoir ce degré de souffrance infinie qu'occasionne cette maladie. Cette peur de mal faire, mais aussi cette peur de ne pas être capable de faire, cette peur d'être jugé, en permanence, et même la peur des jugements qu'on pourrait soi même émettre, à force de savoir qu'ils seront sans doute erronés, mais qu'on va être incapable de ne pas en tenir compte, tout en sachant qu'on se trompe: non, tous les regards ne sont pas braqués sur moi, non, les gens ne me jugent pas, ne se posent pas les questions que je leur attribue, non ça ne va pas mal se passer...
Mais j'ai cette peur, immense, terrible, qui me cloue au mur, qui me terrifie, qui me donne envie de me réfugier dans un placard, de me recroqueviller à l'abri de l'obscurité, de ne plus bouger de là, qu'on m'oublie, que je n'existe plus.

Cette souffrance, j'aimerais l'arracher de moi, m'en débarrasser, ne plus la laisser m'envahir jusque dans les moindre recoins de mon existence, même les plus heureux. ceux qui devraient l'être.

lundi 4 avril 2011

Espace vital.

Dans ma vie quotidienne, je suis sans cesse confrontée au limites de mon espace vital. C'est à dire de mon espace vital psychologique. Celui qui m'est nécessaire pour ne pas être anxieuse ou angoissée, ou pour ne pas me sentir agressée par les autres.

Quand je parle avec quelqu'un, il doit être au minimum celui créé par mon bras tendu (en gros je ne suis vraiment à l'aise que si la personne avec qui je discute ne peut pas me toucher). Par ailleurs la personne doit impérativement être dans mon champ de vision, sans cela, je suis angoissée. Il m'est ainsi très pénible d'avoir une conversation avec mon mari, moi assise, lui debout derrière moi. "Je t'entend", me dit-il. Là n'est pas la question, je ne le vois pas, donc je ne perçois pas l'intégralité de ses expressions, et donc je risque de passer à coté de quelque chose. De plus de cette position, il me domine et est susceptible de voir ce que je fais, ce que je lis, ce que j'écris, ce qui est une intrusion totale dans mon espace vital... même si je ne lis, ni n'écris, ni ne fais rien!

Quand je suis chez moi, occupée à une activité quelconque, cet espace vital va en général jusqu'à la porte de la pièce, fermée s'il vous plait, avec moi seule dans ladite pièce.
Dans la cuisine, les passages pour cause de petite faim, petite soif, etc m'agacent (m'agressent?) mais j'arrive à me maîtriser, bien que je sois souvent obligée de m'interrompre dans mon activité (je disais, en forçant un peu le trait, à mon médecin que je ne pouvais pas éplucher une pu[biiiiiiip] de carotte devant mon mari...).
Dans mon bureau, je tolère très mal les allers et venues. Mon bureau est ma pièce. Presque une extension de moi. J'accepte mal qu'on y pénètre. Même mon mari. Le simple fait même qu'on puisse percevoir quelque chose de mes activités dans cette pièce m'angoisse.
Le fait est qu'auparavant (avant notre déménagement) mon bureau était éloigné de celui de mon mari. Il devait donc remonter un couloir pour venir me voir et j'avais donc le temps d'entendre ses pas, attentive au moindre bruit, et donc de me préparer à son arrivée imminente. Ici les choses sont différentes, puisqu'un simple pallier nous sépare. De plus les sons résonnent terriblement, des pièces encore bien vides et un plancher flottant y aidant. En résulte un effet anxiogène insoupçonné.
Si durant les 4-5 premiers jours de notre emménagement je laissais la porte ouverte, dans une volonté de partage et d'ouverture, j'ai désormais repris l'habitude de la fermer.
Qui plus est j'ai tourné le bureau et mon PC, de sorte à être certaine que l'écran ne soit pas visible pour qui se tiendrait simplement sur le pas de la porte.

Il va sans dire que pénétrer sans crier gare (et donc sans frapper, ou s'annoncer de quelque façon que ce soit) dans mon espace vital est très anxiogène. Je sursaute sans cesse, y compris quand mon mari pousse simplement une porte où je ne l'attendais pas.
Je ne suis pourtant coupable de rien, mais chaque fois la même peur m'ébranle, me fait battre le cœur, provoque une éprouvante décharge d'adrénaline dont je me serais bien passée.

Mon espace vital, c'est aussi mon indépendance, ma capacité liberté de faire des choses seule.
Elle s'est malheureusement fort restreinte lorsque, à la suite d'un accident de voiture, nous nous sommes séparés de mon véhicule personnel. Ne reste que la voiture de mon mari, que je n'ose guère emprunter, sauf motif impératif (recherche d'emploi par exemple).
Cette liberté s'est également trouvée restreinte d'une manière cruelle et inattendue depuis notre déménagement. En Charente, depuis que j'étais devenue piétonne j'avais pris l'habitude d'aller marcher une heure environ le matin, vers 8h-8h30.. souvent en allant dans telle ou telle grande surface. Pendant ce temps là mon mari faisait du vélo elliptique, sport d'endurance en intérieur, ce qui me laissait libre d'aller où je le voulais pendant ma propre promenade. Or voici qu'avec notre nouvelle vie, mon mari souhaite prendre de nouvelles habitudes. Parmi lesquelles, se promener avec moi. Et donc, sans même le savoir, restreindre un peu plus ma liberté d'aller et venir librement, en toute indépendance.

Je me sens agressée par cette seule idée.

J'ai beau savoir que ce n'est pas rationnel, qu'il souhaite seulement être avec moi, je ne puis m'empêcher de me sentir suivie, espionnée, surveillée. Où je vais, ce que je fais, combien je dépense, dans quoi... Des choses que je ne peux plus maîtriser s'il est avec moi dans la voiture, s'il se promène avec moi, s'il m'accompagne quand je dépose des candidatures, quand je vais à Pôle Emploi...
Et en même temps je suis si malheureuse d'être ainsi.
Je voudrais tant partager les choses avec lui.
Mais je ne peux pas.