jeudi 3 août 2017

Juste la vérité... mais on s'en fout!

J'en ai ma claque de ressasser le passé.
J'ai envie de passer à autre chose.
"Abandonner le passé, vivre pleinement le présent, avoir confiance en mon avenir"


J'avais écris le billet ci dessous il y a des semaines, des mois peut être... Mais il est soudain devenu complètement obsolète à mon développement personnel. C'est vraiment une impasse que de continuer à me focaliser sur ce genre de trucs... alors je passe à autre chose.

Dernier billet de retour sur les choses, et après, c'est fini l'auto-analyse : j'arrête de regarder en arrière et je vais de l'avant!









Tous les jours, il me demandait de le tuer et tous les jours, je refusais, en larmes.
Un jour, j'ai été épuisée de refuser.
Il y avait tellement de douceur dans son regard, ce jour là...
Je lui ai demandé s'il était sûr que c'était ce qu'il voulait et il m'a regardée droit dans les yeux et il m'a répondu oui.
J'ai encore beaucoup pleuré.
J'ai vérifié encore et encore, et la réponse ne variait pas.
Alors je suis allée dans la cuisine, j'ai mélangé des médicaments et du fromage blanc. Sédatifs, anxiolytiques, anticoagulants, aspirine, hypotenseurs...
Je pleurais et j'étais résignée.
Une partie de moi se disait que mieux valait la prison que de continuer cette vie vide, pleine de doutes et de cris, où quoi qu'il me demande, mon avis ne valait rien, mes envies ne valaient rien, ma souffrance ne valait rien...
Quand je suis revenue avec le ramequin, j'ai encore beaucoup pleuré, agenouillée à coté du lit.
Je lui ai encore demandé si c'était vraiment ce qu'il voulait.
Oui.
Je revois ses paupières cligner en même temps qu'il prononçait le mot.
Alors j'ai levé la cuillère jusqu'à sa bouche et croisé son regard.
Un regard plein de haine.
Il a parlé de sa voix hachée et il m'a brisée en morceaux.
"T'es vrai-ment qu'une sa-lope"

Je me suis enfuie de la chambre en pleurant.
J'ai eu très envie d'avaler le fromage blanc qui avait tourné au rose à cause du mélange de Théralène, de Seresta, Zolpidem, etc, et puis je l'ai jeté à la poubelle.
Je me suis terrée dans la cuisine en plaquant mes mains sur mes oreilles, parce qu'il hurlait depuis l'autre bout de l'appartement.
D'abord des cris de rage et puis ensuite des appels à l'aide
"Au se-cour! Elle veut me tu-er! À l'ai-de!"
Il a hurlé comme ça jusqu'à ce que je me résigne à retourner me faire insulter près de lui.

À partir de ce jour là, je n'ai plus jamais pu être là pour lui.
Je crois que j'étais loin depuis longtemps, mais je refusais de me l'avouer.

J'ai fais les démarches pour qu'il ait des gardes de nuit, que les horaires d'APA soient aménagés, qu'il y ait un portage des repas.

J'ai été hospitalisée le 10 mars 2015. Je n'ai pas fais passer les entretiens des futures gardes de nuit, mais quand je suis partie, Alain avait son fils cadet pour veiller sur lui, en plus des intervenants de l'hospitalisation à domicile.

Au début de mon hospitalisation, je pensais que je pourrais peut être revenir, mais j'ai vite compris que je n'en avais pas envie. Il m'avait chassée, il avait tout fait pour que je parte, pour que je m'enfuie loin de lui. Pour mieux me le reprocher, d'ailleurs, puisqu'il continuait de me torturer. Il appelait, je voyais son numéro alors je ne décrochais pas, mais quand j'écoutais les messages, ça n'était que des insultes et des reproches.

Quand je suis sortie de la clinique, j'ai découvert qu'un "grand ménage" avait été fait dans l'appartement.
De fait, toutes mes affaires avaient disparu de la vue d'Alain et de ses visiteurs, quels qu'ils soient.
J'ai bien cru qu'elles avaient été jetées aux ordures (ce qui a peut être été le cas d'une partie, d'ailleurs), puis j'ai découvert que, pour la plupart, elles avaient été littéralement balancées dans le cagibi de l'entrée, pêle-mêle, sans égard pour ce qui se trouvait dans cet espace (un lombricomposteur, était installé là... par miracle il n'a pas été renversé par ces manœuvres douteuses de "rangement").
Même les photos de ma famille avaient été dissimulées dans des tiroirs, en vrac.

Quand j'ai découvert ça, ma détresse a été immense. Je me suis mise à pleurer, alors que plusieurs de mes belles-sœurs étaient présentes. Je savais parfaitement qui était responsable de cette campagne d'élimination et je me suis mise à protester à haute voix, mais pour moi même, tout en pleurant.
Je répétais encore et encore "Il n'avait pas le droit ! Il n'avait pas le droit !"...
J'étais effondrée... Littéralement.

Au lieu de compatir, mes belles-sœurs sont venues me "gronder", comme un enfant qui fait un caprice, en me reprochant de me laisser aller et que je devais me calmer, "pour Alain".
Ces femmes m'ont traitée comme une étrangère alors que je rentrais chez moi, après un mois d'hospitalisation en clinique psychiatrique et elles me reprochaient de souffrir et d'exprimer ma détresse...
On était pas chez elles ou chez leur frère... Elles étaient chez nous. J'étais chez moi, mais je ne me rendais même pas compte que j'aurais été en droit de leur dire, moi, à elles de sortir, de me laisser tranquille, de me laisser discuter avec mon mari. Au moins quelques instants.
Elles aussi, comme leur frère, elles m'ont chassée, elles m'ont fait comprendre que ma place n'était plus là, que je n'avais plus rien à y faire, que je n'étais qu'une source supplémentaire de douleur pour Alain.
J'ai bel et bien été chassée.

J'ai attrapé ce que je pouvais comme affaires et j'ai suivi mon père hors de l'appartement, hors de l'immeuble, hors de la ville...

Après ça, pendant un temps, dès que j'allais le voir seule, il m'insultait autant qu'il le pouvait.
Certains intervenants se montraient également désagréables avec moi. Je suppose qu'Alain ou d'autres personnes leurs avaient dit des choses sur moi...


Puis nos relations se sont apaisées, mais même si j'avais encore de l'attachement pour lui, je ne pouvais pas oublier les années d’ostracisme, de reproches, d'humiliations ni aucune des autres tortures psychologiques qu'il m'avait fait subir.


Le pire, c'est que l'avant dernière fois où je l'ai vu, il a insisté pendant un temps fou pour me dire quelque chose. Je ne comprenais pratiquement plus rien quand il essayait de communiquer avec moi, alors ça a duré presque une demie heure avant que je saisisse ce qu'il tenait tant à partager avec moi. Il essayait d'indiquer "pardon". J'ai dit le mot à haute voix et j'ai vu que c'était bien ça.
Je lui ai dis la vérité : que je ne comprenais pas.

Je lui ai demandé si il essayait de me dire qu'il m'avait pardonné d'être partie. Il s'est agité, ça n'était pas ça.
Il avait l'air si triste, alors je lui ai demandé si c'était à moi qu'il demandait pardon, et il m'a serrée la main.
C'était ça.
Il me demandait pardon.

Je ne sais pas pour quoi exactement, dans son esprit. Comme si ça pouvait avoir un sens.
Sur le coup, je lui ai dis que je lui avais pardonné.

Mais je ne crois pas que ça soit vrai.
Pas après ce que j'ai découvert au fil des mois, après son décès.

Peut être qu'il me demandait pardon de m'avoir manipulée dès les premiers jours de notre correspondance ?
Pardon de m'avoir écrit sous de fausses identités, tantôt pour me rassurer sous couvert de figures féminines, tantôt pour me bousculer, voire m'agresser psychologiquement et me pousser à réagir avec un avatar masculin...
Pardon de m'avoir agressée sexuellement le jour de notre première rencontre? Car oui, il savait que c'était mon ressenti, que j'ai pourtant fini par occulter au fil des mois et des années... il le savait via les alias qu'il s'était créé pour correspondre avec moi!
Pardon d'avoir induit en moi l'idée que j'interprétais mal ses intentions, me poussant à douter systématiquement de moi...?
Pardon de m'avoir isolée de ma famille, de m'avoir empêchée de me faire des amis, d'avoir des activités en dehors de notre relation, bref, pardon de m'avoir rendue plus seule que jamais...?
Pardon de m'avoir empêchée de progresser, de m'affirmer, et de développer la confiance en moi naissante que je ressentais quand je l'ai rencontré...?
Pardon de m'avoir manipulée et de m'avoir volé plus de 10 ans de ma vie ?
Peut être tout ça à la fois...

La toute dernière fois où je l'ai vu, je savais qu'il allait mourir. Il était très faible et seuls ses yeux parlaient pour lui. Ses ongles étaient bleus, ce qui dénote en général une insuffisance cardiaque (le sang n'irrigue plus assez les extrémités). J'étais venue lui dire quelque chose qui me tenait à cœur et il a eut l'air d'en tirer une certaine joie. C'était le 19 aout 2016 en milieu de matinée.
Le lendemain, il était mort.

dimanche 9 juillet 2017

Telle le phénix

Le dragon sous la montagne...

Le dragon sous la montagne est une métaphore sur les traumatismes enfouis.
Il est une montagne de pierre noire, craquelée et fissurée de toutes parts, qui cache en son sein un dragon endormi. La montagne n'est que douleur et souffrance, à cause du dragon mais tant qu'il dort, l'origine du mal reste cachée et ignorée.

Le dragon représente les traumatismes accumulés, les coups encaissés, mais qu'on a caché et dissimulé avec honte, cette honte terrible qu'on peut ressentir quand on est la victime d'une situation traumatisante dont on se croit parfois responsable.
La montagne est une partie de l'esprit qui a vécu ces traumatismes.

En occultant le souvenir des violences subies, on se donne une chance d'avancer dans une situation qui reste parfois périlleuse, afin de ne pas flancher.

Même une fois le péril écarté, il est fréquent que les souvenirs les plus douloureux restent occultés... La montagne est comme une gangue, et le dragon y est enfermé, en sommeil.
Si les souvenirs douloureux finissent par remonter à la conscience, le dragon est réveillé, il s'ébroue, s'agite, et commence à s'acharner contre la montagne...

Parfois, la solution n'est pas de tout cassez, mais de se débarrasser de ce qu'il y a "en trop"... Faire muer le dragon, le transformer en autre chose de plus léger... Un Phénix me semble une bonne allégorie.



Récemment, j'ai décidé d'arrêter de me mentir et de lever le voile sur ce qu'étaient réellement mes rapports avec mon mari...

Une longue relation de dépendance affective, flirtant avec la soumission, dans laquelle j'étais mue essentiellement par l'angoisse d'abandon, le besoin de reconnaissance et, surtout la peur que j'avais de lui, de ses colères et de sa capacité incroyable à me faire me sentir extrêmement coupable et honteuse.

Certes il ne m'a jamais frappée physiquement, mais dès les premiers moments de notre relation, il m'a menti et manipulée. Certaines personnes font ça de manière inconsciente et je ne saurais jamais ce qu'il en était le concernant.

Dès nos premiers jours de vie commune, il s'est mit à régenter mon existence toute entière, me reprochant tout écart dans les horaires, sans jamais m'expliquer le sens de ceux ci, s'emportant quand je l'interrogeais, ou m'ignorant simplement, en me regardant avec un air presque amusé, comme si j'étais trop stupide pour comprendre.

Il n'a cessé de me faire des promesses, sans jamais les tenir.

Il m'a tenue à l'écart du monde, me promettant sans cesse des sorties, des voyages, mais rien de ce que je lui proposait n'avait grâce à ses yeux et il refusait même que j'aille seule au cinéma!

Je n'osais pas aller contre ses décisions parce que ses sermons et ses reproches étaient épouvantables. Quand il se mettait en colère, c'était un autre homme, un homme terrifiant.

Il m'encourageait prétendument à aller vers les autres, mais dès que je tissais des liens avec quelqu'un, aussi superficiels fussent-ils, dès que je discutais avec d'autres personnes que lui, il me reprochait de l'ignorer, de l'oublier, de "ne rien en avoir à foutre" de lui.

Il m'a encouragée à reprendre mes études mais presque chaque semaine il se plaignait de mes horaires, comme si j'avais la moindre prise sur ceux-ci.

Il m'a poussée à travailler, mais comme pour l'université, il se montrait amer et désagréable dès que je sortais de la maison, et régulièrement, il me reprochait de le "laisser", alors qu'il "aurait pu m'entretenir".

M'entretenir... La pensée me ferait presque sourire... il ne me donnait que 200€ chaque mois, rechignait à faire les boutiques en ma compagnie et nous n'étions jamais d'accord sur ce qui m'allait ou pas... de fait, la plupart du temps il préférait des tenues d'adolescente plutôt que de femme, et ça avait finit par me mettre mal à l'aise au point que je ne le consultais plus quand je m'achetais mes vêtements. Peut être ai-je inconsciemment prit du poids également pour gommer cette image de femme-enfant qu'il appréciait mais que je détestais...

Si j'avais accepté la vie de "femme au foyer" qu'il me proposait, j'aurais été totalement dépendante de lui, y compris du point de vue de la sécurité sociale, ce qui a pourtant été le cas sur une courte période...
Être "ayant-droit" de son conjoint est une situation inconfortable, surtout lorsqu'on a pas vraiment le "droit" d'utiliser le compte commun pour effectuer ses dépenses de santé (ce qui aurait été logique, pourtant). Or, quand j'ai expérimenté ce statut, je me suis retrouvée dans la situation absurde où je devais payer les médecins à partir de mon compte courant personnel, avant que le "remboursement" soit fait sur le compte bancaire de mon mari, qui était sensé me restituer les sommes que j'avais versé.

Alain prétendait vouloir que j'aille mieux. Je ne remet pas en cause l'intention.
Il m'avait toujours connue anxieuse, avec des troubles de l'interaction et de la relation (même si on ne les avait pas encore nommés ainsi), ce qui me rendait triste et dépressive.
Mais quand j'allais en thérapie, quelle que soit la forme de la chose, il me le reprochait et me tourmentais pour me faire dire ce dont j'avais parlé en séance. À ses yeux, tous les "psys" (psychologues, psychiatres et autres...) étaient des "charlatans". Ce discours était très destructeur, car je me sentais en permanence obligée de justifier la poursuite des consultations. Et à chaque fois que je revenais à la maison, il renouvelait ses inquisitions pour savoir de quoi j'avais parlé, et de quoi je me "plaignais", comme s'il me contestait le droit d'avoir des pensées privées, tandis qu'il s'abstenait totalement quant à lui de me faire part de ses ressentis.

Alain était très habile pour jouer du bâton et de la carotte... mais plutôt pour mieux me contrôler que pour m'aider. En fait, c'était justement sa conception personnelle de l'aide qu'il m'apportait. Il ne me soutenait pas: j'étais encouragée à aller de l'avant, certes, mais dès que je m'écartais du scénario qu'il avait espéré me voir suivre, j'étais aussitôt placée en position d'accusation (de ne pas faire assez d'efforts, de me "laisser aller" et il n'était pas rare que je sois généreusement insultée et que je me sente profondément humiliée et honteuse.
Au début j'ai essayé de le contredire, mais j'ai rapidement compris que ça ne faisait que le contrarier davantage et augmenter son agressivité. Alors j'ai accepté de répéter "je suis en pleine forme", dès qu'il me demandait comment j'allais.
J'ai cédé, j'ai accepté son contrôle et je me suis pliée à sa "rigueur".

Mais quoi que je fasse, ça n'était généralement pas à la hauteur de ses exigences.

Il ne tenait aucun compte de mes besoins ni des réalités de la vie moderne. En dehors de son ordinateur et de l'utilisation d'internet, son mode de vie reproduisait singulièrement celui qu'il avait du avoir dans son enfance et son adolescence, à une époque où il vivait dans une maison sans chauffage central ni eau courante. Il se lavait chaque matin devant le lavabo, gardant le même maillot de corps pour la semaine, et prenait un bain hebdomadaire, faisant la lessive de ses sous vêtements par la même occasion, à la main.

Il n'est pas étonnant que, dans ces conditions il m'ait reproché mes douches "trop longues", "trop chaudes" et "trop fréquentes"... au point qu'aujourd'hui encore, j'éprouve des difficultés à passer par cette étape, alors qu'avant de vivre avec lui, je passais sous la douche facilement deux fois par jour...

Je ne peux pas résumer toutes ces années que j'ai laissé s'écouler auprès de lui, consciente d'être captive, sans doute sans que lui même en ait conscience, incapable de me rebeller... Parfois j'ai terriblement honte de moi.
Je suis restée parce que j'avais peur de la vie et que je pensais ne pas pouvoir survivre en dehors de ce vase clôt.

J'ai laissé Alain me mettre en cage et j'ai nourris une grande colère, contre lui ainsi que contre moi.
De quoi est-ce que je parlais, durant mes séances de thérapie? De nombreuses choses... Au début j'évitais d'évoquer à quel point je me sentais mal auprès de mon conjoint. Ensuite j'y suis parvenue, mais je restais convaincue d'être responsable de mon malheur, de mes ressentis que je considérais biaisés, convaincue d'avoir des attentes irréalistes qui ne pouvaient donc pas être satisfaites.
En fait, je me suis toujours sentie coupable et j'ai choisi d'être punie.
Cela peut paraître absurde, formulé ainsi, mais c'était un choix de facilité, pour moi : il était plus facile de rester en terrain connu, aussi violent qu'il soit, plutôt que de partir vers un inconnu bien plus effrayant.

J'ai conscience aujourd'hui que si j'avais fuis dès que j'ai commencé à comprendre que ça n'allait pas, début 2005, mes parents m'auraient soutenue. Malheureusement à cette époque là, j'étais également dévorée par l'angoisse et la honte de ne pas être "à la hauteur" à leurs yeux, de ne pas être "assez bien", et je cherchais à tout prix à fuir ces sentiments.

Je me suis cachée pendant tellement longtemps que c'était devenu un mode de vie en soit. Non. Un mode de survie, plutôt.

Toujours est-il que la maladie de mon mari a fini par me faire craquer.
Mais surtout, j'ai commencé à me libérer de mon mode de pensée erroné, fondé sur le principe que j'étais coupable (de ne pas comprendre l'existence, pour l'essentiel).

Quand Alain est tombé malade, il s'est montré de plus en plus agressif envers moi. Il répétait fréquemment une expression qui me blessait profondément, car j'y voyais de méchanceté gratuite. Il me disait "tu m'humilie!".
En réalité, il, l'a avoué ensuite, mais sans cesser pour autant d'utiliser cette formulation particulière, il voulait dire qu'il éprouvait un sentiment global d'humiliation, du fait de son état physique dégradé. Mais comme j'étais le témoin permanent de sa déchéance, il disait les choses qu'il ressentait comme si c'était moi qui provoquait ces émotions, et non sa maladie.

La maladie ayant altéré son odorat et son sens du gout, il lui était le plus souvent désagréable de manger. Mais au lieu de dire "pour moi, tout est mauvais", il me regardait avec rage et déclarait avec hargne, jour après jour, repas après repas "c'est dégueulasse". Comme si j'y étais pour quoi que ce soit. Je savais que je n'y pouvais rien, et malgré tout, jour après jour, ses mots me blessaient toujours aussi douloureusement...

Quand j'ai commencé à essayer d'aménager le quotidien pour m'adapter aux difficultés posées par la spasticité de ses membres (contractures permanentes proche de la rigidité) et l'altération de son équilibre, il a systématiquement refusé les changements. Parfois même alors que c'était lui qui en avait émit l'idée. J'avais alors droit à la litanie "tu m'humilie, t'es une salope, t'es dégueulasse", etc.
Mais quand je lui proposais de revenir à la façon de faire précédente, j'avais droit à la variante "tu comprends vraiment rien, tu es conne, tu me déteste" etc...
Quoi que je fasse, donc, j'étais en tors.

Il a fallu faire des aménagements dans la maison, certains organismes ont demandé à ce qu'on remplisse des papiers... J'aidais mais évitais de prendre des initiatives, demandant systématiquement à Alain son opinion, sa position.
Malgré tout, une fois les choses faites, il est arrivé qu'elles ne lui conviennent pas. La responsable était toujours toute trouvée... J'avais eu beau prendre toutes les précautions, le faire participer à chaque étape de la prise de décision, si une chose ne lui convenait pas, même s'il l'avait validée sur le papier, il me reprochait d'avoir manœuvré dans son dos, de l'avoir abusé d'une manière ou d'une autre, pour le persécuter et, dans son idée "le faire crever plus vite".
J'avais ma conscience pour moi. Sans compter qu'à ce moment là, j'avais fini par demander régulièrement son opinion à mon père, et il n'était pas rare que j'appelle mes parents tous les jours, à cause de cette pluie continue de reproches. Je faisais tout mon possible pour qu'Alain reste le plus autonome possible, en essayant de le lui faire admettre. Il s'y refusait et je ne pouvais rien y changer.

Imaginez un individu ayant un trouble de la personnalité obsessionnelle, vivant depuis des décennies dans un soucis extrême de perfectionnisme, ayant un soucis de bien faire poussé à l'extrême, avec un niveau d'exigence extrêmement élevé le concernant et concernant son entourage. Pensez que cette personne se soit construit des valeurs morales très fortes, avec une rigueur implacable dans le respect de ses propres règles et de ses horaires, au point d'être déraisonnablement autoritaire vis à vis des autres, et très critique vis à vis de quiconque ayant une vision divergente de la sienne par rapport à ce qui est et doit être... Ce genre de personnes veut tout contrôler et déteste déléguer quoi que ce soit, à moins qu'elles se sachent incompétentes (elles préfèreront dire qu'elles sont "au dessus de ça", ou tourner en dérision le domaine en question). Ces gens là développent généralement un mode de croyance qui fait qu'ils sont convaincu d'avoir "raison", de détenir la "vérité", et dans la grande majorité des circonstances, ils sont incapables de tenir réellement compte des avis contradictoires...
Ces personnes présentent également de grosses difficultés à exprimer leurs sentiments réels, surtout s'ils les jugent honteux ou synonymes de faiblesse et développent des stéréotypies, des masques, pour ne pas avoir à exposer aux autres leurs ressentis profonds.

Mon mari était comme ça.
Imaginez le calvaire qu'a représenté sa maladie, pour lui : perdre progressivement l'usage de ses membres, de ses sens, devenir dépendant des autres, avec les aléas que ça induit (le kiné qui n'est pas à l'heure, les interventions des aides soignants qui varient en fonction des plannings, la multiplication des interlocuteurs, ainsi que des opinions portées sur "ce qui est le mieux" pour lui.
Qu'est-ce qui restait à Alain dans ces conditions?

Moi. Le contrôle qu'il pouvait exercer sur moi.
Malheureusement, au lieu d'en faire une consolation et une ressource, au lieu de s'adoucir et de me montrer que j'étais précieuse à ses yeux, il a préféré m'accuser de tous ses maux, et, à force de promesses non tenues, de demandes inacceptables moralement et d'accusations mensongères, il fini par me convaincre que je ne pouvais plus rien pour lui, à part mourir moi même ou partir.
N'étant pas suicidaire, je suis partie.

Ce n'est que très récemment que j'ai enfin réalisé que, loin d'avoir abandonné mon mari, comme certains l'ont prétendu (même si j'aurais du le quitter, bien avant ce mariage, en fait), celui-ci m'a en fait chassée.
Alain m'a chassée de sa vue, de sa vie et de notre appartement... Je pense qu'il a cherché involontairement à se débarrasser de mon regard et de mes attentions, qu'il percevait comme humiliants.
Sa famille a malheureusement participé à mon expulsion symbolique, en me disant frontalement que je lui faisais du mal, et en m'accusant de le torturer. Probablement n'avaient-ils pas conscience de ne faire que répéter des mots, sans comprendre les mécanismes de pensée qui les avaient fait naître...
Alain disait à sa famille que je l'humiliais et le torturais, que je me conduisais de façon odieuse avec lui, pour quelle raison auraient-ils mis sa parole en doute? Peut-être en lui demandant de s'expliquer sur ses ressentis. Mais il est probable qu'il aurait refusé, ça n'était pas son genre.

Certains membres de la famille ont tout de même été jusqu'à dire que je n'étais qu'une "erreur" dans la vie d'Alain. Peut être. Mais ça, c'était une affaire entre lui et moi. À ce que je sache, les tiers, même de la famille, n'ont pas à s’immiscer dans les affaires de couple.

On m'a accusée d'avoir torturé Alain lorsque j'étais hospitalisée, en refusant de lui donner des nouvelles...
Je sais intimement ce qu'est la torture psychologique.
J'ai maintenant conscience que j'y ai été soumise pendant des années... mais je n'ai jamais répliqué, parce que j'ai toujours considéré que blesser volontairement les autres était profondément mal. A fortiori quand on utilise contre les autres leurs faiblesses et leurs douleurs intrinsèques pour ce faire.

J'aurais torturé mon mari en ne l'informant pas de mon état de santé, alors que j'étais hospitalisée en clinique "de santé mentale"? En psychiatrie, donc...

J'avais besoin de calme et j'avais besoin aussi de voir des gens, après des mois d'ostracisme, à cohabiter avec la maladie et le mépris. Car c'était ça qu'Alain me jetait au visage, jour après jour, depuis que la DCB avait commencé à faire partir en lambeau son système nerveux : sa maladie, sa souffrance, et son horreur que j'en sois le témoin.

Si Alain ou un de ses proches avait appelé la clinique pour demander de mes nouvelles, on leur aurait répondu que j'avais besoin de repos.
S'ils avaient demandé pourquoi je ne répondait pas aux appels de mon mari, on leur aurait expliqué que j'avais fais le choix de garder mon téléphone mobile éteint, au fond de mon placard, et de m'en servir exclusivement pour parler à des personnes rassurantes... et peut être aurais-je même confié aux équipes soignantes que mon mari m'appelait plusieurs fois par jour et m'envoyait des dizaines de sms.

Un harcèlement dont je m'étais plainte à plusieurs reprises à Alain.

Au bout de quelques jours, son attitude a provoqué en moi une réaction extrême de rejet: j'ai essayé de me débarrasser de mon alliance. J'ai essayé si fort, sans y parvenir tant j'avais prit de poids, que je me suis arraché la peau autour de l'annulaire gauche. L'inflammation a fait enfler mon doigt, poussant à faire craindre que je développe une infection. Un membre de ma famille a alors du m'emmener chez un bijoutier pour qu'il coupe l'anneau. Je l'ai toujours. J'aurais pu m'en débarrasser, d'une manière ou d'une autre, mais je ne le souhaite pas. Je l'avais voulue, cette alliance, je l'avais demandée. Une des rares choses que j'ai jamais demandé, et encore, deux mois après notre mariage.

Qu'en est-il aujourd'hui?

Aujourd'hui, la succession est au point mort.

D'aucuns souhaiteraient que je n'ai droit à rien, eut égard à mon statut "d'erreur de parcours", ainsi qu'au fait que j'avais "abandonné" Alain.

Je pourrais facilement répliquer que le psychiatre du CMP de Tarbes avait essayé de me faire accepter une hospitalisation au CHS de Lannemezan, en 2014, avant que nous ne quittions les Hautes-Pyrénées pour réintégrer la Charente, mais que j'avais refusé, la mort dans l'âme, parce qu'on ne me proposait aucune solution d'assistance pour Alain.
Là, je pense qu'on aurait éventuellement pu parler d'abandon.

Toutefois en février 2015, quand j'ai senti que, décidément, je n'arriverais pas à rester auprès de mon mari sans que nous ne tombions dans la maltraitance réciproque, j'ai fais en sorte de mettre mon mari en sécurité, médicalement parlant, avant d'accepter d'être hospitalisée.

En conséquence, il n'est pas question que la haine  aboutisse à me dépouiller, que ce soit dans mes biens ou dans ma dignité. J'ai au contraire tout à fait l'intention de lui faire comprendre que cette dignité est plus forte que jamais. D'autant que mon mari n'a pas été le seul à m'insulter, m'humilier et me faire subir des violences d'ordre moral. Mon mari est mort, d'autres ne le sont pas. Je pourrais nourrir un désir de vengeance, entamer des poursuites, mais ça n'est pas ce que je désire.

Je souhaite tourner la page.

Prendre conscience de l'ampleur de l'emprise qu'Alain avait sur moi et de la multitude de tortures psychologiques qu'il m'a infligé, au fil des ans, ça a été extrêmement violent.

Il s'avère que des événements récent, combinés au calendrier successoral ont "réveillé le dragon", comme certaines personnes disent... ce flot de souvenirs douloureux, qui était enfouit profondément, et qui à présent rugit en moi et me malmène intérieurement...



Je n'ai aucun désir de vengeance. Je n'irais pas cracher le feu sur les uns ou les autres, en imaginant que ça pourrait atténuer la douleur. Je ne crois pas une seule seconde que ça pourrait être d'une quelconque efficacité.

Je suis simplement déterminée à mettre un point final à l'histoire, clore cette succession de malheurs et vivre ma vie.

Je veux transformer le dragon en phénix... il s'envolera, trouvera son chemin à travers les roches et s'en ira loin, très loin de cette montagne.