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dimanche 7 janvier 2018

Peur : Alerte rouge risque de submersion

7h30
Je me réveille submergée par un sentiment d'angoisse.

Est-ce la peur qui m'accompagne dans l'éveil ou est-ce qu'elle attend, tapie, que je prenne seulement conscience qu'elle est là?

Je sais très bien que ces derniers mois, je me suis efforcée de la tenir à distance, de l'ignorer, cette peur envahissante, rationalisée malgré son caractère irrationnel, terrifiante et dévastatrice.

Elle n'est pas nouvelle dans mon univers.
Elle et moi nous nous affrontons depuis toujours.
Elle était déjà là avant que j'entre à la maternelle.
Sans avoir les mots pour le dire, j'avais peur d'être dés-aimée, abandonnée, j'avais peur de ne pas faire les choses comme je l'aurais du, j'avais peur de ne pas être comme il aurait fallut que je soi. 

J'ai les mêmes peurs qu'à tous mes âges : j'ai peur de ne pas savoir être, j'ai peur de vivre et j'en ai terriblement honte.

J'ai peur de vivre aux crochets des autres et de les dégouter de moi à force de trop leur en demander.

Ça a été si facile de me laisser "prendre en charge" par quelqu'un pendant près de dix ans.
Mais tellement minable. Et injuste. Quand il a commencé à s’effondrer, j'en ai tiré une force nouvelle, à devoir gérer les choses, puis je me suis effondrée avec lui.

Je me suis écartée, j'ai pris conscience de l'emprise que je l'avais laissé exercer sur moi et je me suis éloignée. J'ai remontée la pente, j'ai repris confiance en moi, j'ai écouté les gens qui me disaient de belles choses sur mes capacités. Des choses vraies.

Pourtant voilà que je me retrouve à nouveau à angoisser à petit feu, terrorisée par des moulins à vents.

J'essaie de reprendre pied, de sortir de l'ouragan.
Relativiser.
Prioriser les choses.
Être dans le présent avant de me focaliser sur l'avenir.

Je constate avec amertume que j'ai repris mes sales habitudes : j'ai dissimulé aux autres mes angoisses pourtant de plus en plus envahissantes en espérant qu'elles ne se voient pas, en espérant qu'elles se taisent et que tout aille mieux. En faisant ça j'ai laissée la peur prendre le dessus, s'insinuer partout dans mon esprit.

Stop!
Respirer.😌😔

Relativiser.
Laisser le passé derrière moi.
Ne pas me focaliser sur des problèmes que je ne peux pas résoudre.
Vivre le présent.
Avoir confiance dans mon futur.
 
Organiser les choses, une étape après l'autre.
Définir des priorités.

Ça a l'air simple, écrit comme ça.
Ça me terrifie.

J'ai accepté de reprendre conscience de mon angoisse et de la reconnaître en toute franchise.
C'est un bon début, je pense.

Demain je vois une nouvelle thérapeute.
Elle pratique les thérapies comportementales et cognitives.
Mon souci d'habiletés sociales est relativement secondaire pour l'instant.
L'urgence est de gérer mon angoisse.

dimanche 9 juillet 2017

Telle le phénix

Le dragon sous la montagne...

Le dragon sous la montagne est une métaphore sur les traumatismes enfouis.
Il est une montagne de pierre noire, craquelée et fissurée de toutes parts, qui cache en son sein un dragon endormi. La montagne n'est que douleur et souffrance, à cause du dragon mais tant qu'il dort, l'origine du mal reste cachée et ignorée.

Le dragon représente les traumatismes accumulés, les coups encaissés, mais qu'on a caché et dissimulé avec honte, cette honte terrible qu'on peut ressentir quand on est la victime d'une situation traumatisante dont on se croit parfois responsable.
La montagne est une partie de l'esprit qui a vécu ces traumatismes.

En occultant le souvenir des violences subies, on se donne une chance d'avancer dans une situation qui reste parfois périlleuse, afin de ne pas flancher.

Même une fois le péril écarté, il est fréquent que les souvenirs les plus douloureux restent occultés... La montagne est comme une gangue, et le dragon y est enfermé, en sommeil.
Si les souvenirs douloureux finissent par remonter à la conscience, le dragon est réveillé, il s'ébroue, s'agite, et commence à s'acharner contre la montagne...

Parfois, la solution n'est pas de tout cassez, mais de se débarrasser de ce qu'il y a "en trop"... Faire muer le dragon, le transformer en autre chose de plus léger... Un Phénix me semble une bonne allégorie.



Récemment, j'ai décidé d'arrêter de me mentir et de lever le voile sur ce qu'étaient réellement mes rapports avec mon mari...

Une longue relation de dépendance affective, flirtant avec la soumission, dans laquelle j'étais mue essentiellement par l'angoisse d'abandon, le besoin de reconnaissance et, surtout la peur que j'avais de lui, de ses colères et de sa capacité incroyable à me faire me sentir extrêmement coupable et honteuse.

Certes il ne m'a jamais frappée physiquement, mais dès les premiers moments de notre relation, il m'a menti et manipulée. Certaines personnes font ça de manière inconsciente et je ne saurais jamais ce qu'il en était le concernant.

Dès nos premiers jours de vie commune, il s'est mit à régenter mon existence toute entière, me reprochant tout écart dans les horaires, sans jamais m'expliquer le sens de ceux ci, s'emportant quand je l'interrogeais, ou m'ignorant simplement, en me regardant avec un air presque amusé, comme si j'étais trop stupide pour comprendre.

Il n'a cessé de me faire des promesses, sans jamais les tenir.

Il m'a tenue à l'écart du monde, me promettant sans cesse des sorties, des voyages, mais rien de ce que je lui proposait n'avait grâce à ses yeux et il refusait même que j'aille seule au cinéma!

Je n'osais pas aller contre ses décisions parce que ses sermons et ses reproches étaient épouvantables. Quand il se mettait en colère, c'était un autre homme, un homme terrifiant.

Il m'encourageait prétendument à aller vers les autres, mais dès que je tissais des liens avec quelqu'un, aussi superficiels fussent-ils, dès que je discutais avec d'autres personnes que lui, il me reprochait de l'ignorer, de l'oublier, de "ne rien en avoir à foutre" de lui.

Il m'a encouragée à reprendre mes études mais presque chaque semaine il se plaignait de mes horaires, comme si j'avais la moindre prise sur ceux-ci.

Il m'a poussée à travailler, mais comme pour l'université, il se montrait amer et désagréable dès que je sortais de la maison, et régulièrement, il me reprochait de le "laisser", alors qu'il "aurait pu m'entretenir".

M'entretenir... La pensée me ferait presque sourire... il ne me donnait que 200€ chaque mois, rechignait à faire les boutiques en ma compagnie et nous n'étions jamais d'accord sur ce qui m'allait ou pas... de fait, la plupart du temps il préférait des tenues d'adolescente plutôt que de femme, et ça avait finit par me mettre mal à l'aise au point que je ne le consultais plus quand je m'achetais mes vêtements. Peut être ai-je inconsciemment prit du poids également pour gommer cette image de femme-enfant qu'il appréciait mais que je détestais...

Si j'avais accepté la vie de "femme au foyer" qu'il me proposait, j'aurais été totalement dépendante de lui, y compris du point de vue de la sécurité sociale, ce qui a pourtant été le cas sur une courte période...
Être "ayant-droit" de son conjoint est une situation inconfortable, surtout lorsqu'on a pas vraiment le "droit" d'utiliser le compte commun pour effectuer ses dépenses de santé (ce qui aurait été logique, pourtant). Or, quand j'ai expérimenté ce statut, je me suis retrouvée dans la situation absurde où je devais payer les médecins à partir de mon compte courant personnel, avant que le "remboursement" soit fait sur le compte bancaire de mon mari, qui était sensé me restituer les sommes que j'avais versé.

Alain prétendait vouloir que j'aille mieux. Je ne remet pas en cause l'intention.
Il m'avait toujours connue anxieuse, avec des troubles de l'interaction et de la relation (même si on ne les avait pas encore nommés ainsi), ce qui me rendait triste et dépressive.
Mais quand j'allais en thérapie, quelle que soit la forme de la chose, il me le reprochait et me tourmentais pour me faire dire ce dont j'avais parlé en séance. À ses yeux, tous les "psys" (psychologues, psychiatres et autres...) étaient des "charlatans". Ce discours était très destructeur, car je me sentais en permanence obligée de justifier la poursuite des consultations. Et à chaque fois que je revenais à la maison, il renouvelait ses inquisitions pour savoir de quoi j'avais parlé, et de quoi je me "plaignais", comme s'il me contestait le droit d'avoir des pensées privées, tandis qu'il s'abstenait totalement quant à lui de me faire part de ses ressentis.

Alain était très habile pour jouer du bâton et de la carotte... mais plutôt pour mieux me contrôler que pour m'aider. En fait, c'était justement sa conception personnelle de l'aide qu'il m'apportait. Il ne me soutenait pas: j'étais encouragée à aller de l'avant, certes, mais dès que je m'écartais du scénario qu'il avait espéré me voir suivre, j'étais aussitôt placée en position d'accusation (de ne pas faire assez d'efforts, de me "laisser aller" et il n'était pas rare que je sois généreusement insultée et que je me sente profondément humiliée et honteuse.
Au début j'ai essayé de le contredire, mais j'ai rapidement compris que ça ne faisait que le contrarier davantage et augmenter son agressivité. Alors j'ai accepté de répéter "je suis en pleine forme", dès qu'il me demandait comment j'allais.
J'ai cédé, j'ai accepté son contrôle et je me suis pliée à sa "rigueur".

Mais quoi que je fasse, ça n'était généralement pas à la hauteur de ses exigences.

Il ne tenait aucun compte de mes besoins ni des réalités de la vie moderne. En dehors de son ordinateur et de l'utilisation d'internet, son mode de vie reproduisait singulièrement celui qu'il avait du avoir dans son enfance et son adolescence, à une époque où il vivait dans une maison sans chauffage central ni eau courante. Il se lavait chaque matin devant le lavabo, gardant le même maillot de corps pour la semaine, et prenait un bain hebdomadaire, faisant la lessive de ses sous vêtements par la même occasion, à la main.

Il n'est pas étonnant que, dans ces conditions il m'ait reproché mes douches "trop longues", "trop chaudes" et "trop fréquentes"... au point qu'aujourd'hui encore, j'éprouve des difficultés à passer par cette étape, alors qu'avant de vivre avec lui, je passais sous la douche facilement deux fois par jour...

Je ne peux pas résumer toutes ces années que j'ai laissé s'écouler auprès de lui, consciente d'être captive, sans doute sans que lui même en ait conscience, incapable de me rebeller... Parfois j'ai terriblement honte de moi.
Je suis restée parce que j'avais peur de la vie et que je pensais ne pas pouvoir survivre en dehors de ce vase clôt.

J'ai laissé Alain me mettre en cage et j'ai nourris une grande colère, contre lui ainsi que contre moi.
De quoi est-ce que je parlais, durant mes séances de thérapie? De nombreuses choses... Au début j'évitais d'évoquer à quel point je me sentais mal auprès de mon conjoint. Ensuite j'y suis parvenue, mais je restais convaincue d'être responsable de mon malheur, de mes ressentis que je considérais biaisés, convaincue d'avoir des attentes irréalistes qui ne pouvaient donc pas être satisfaites.
En fait, je me suis toujours sentie coupable et j'ai choisi d'être punie.
Cela peut paraître absurde, formulé ainsi, mais c'était un choix de facilité, pour moi : il était plus facile de rester en terrain connu, aussi violent qu'il soit, plutôt que de partir vers un inconnu bien plus effrayant.

J'ai conscience aujourd'hui que si j'avais fuis dès que j'ai commencé à comprendre que ça n'allait pas, début 2005, mes parents m'auraient soutenue. Malheureusement à cette époque là, j'étais également dévorée par l'angoisse et la honte de ne pas être "à la hauteur" à leurs yeux, de ne pas être "assez bien", et je cherchais à tout prix à fuir ces sentiments.

Je me suis cachée pendant tellement longtemps que c'était devenu un mode de vie en soit. Non. Un mode de survie, plutôt.

Toujours est-il que la maladie de mon mari a fini par me faire craquer.
Mais surtout, j'ai commencé à me libérer de mon mode de pensée erroné, fondé sur le principe que j'étais coupable (de ne pas comprendre l'existence, pour l'essentiel).

Quand Alain est tombé malade, il s'est montré de plus en plus agressif envers moi. Il répétait fréquemment une expression qui me blessait profondément, car j'y voyais de méchanceté gratuite. Il me disait "tu m'humilie!".
En réalité, il, l'a avoué ensuite, mais sans cesser pour autant d'utiliser cette formulation particulière, il voulait dire qu'il éprouvait un sentiment global d'humiliation, du fait de son état physique dégradé. Mais comme j'étais le témoin permanent de sa déchéance, il disait les choses qu'il ressentait comme si c'était moi qui provoquait ces émotions, et non sa maladie.

La maladie ayant altéré son odorat et son sens du gout, il lui était le plus souvent désagréable de manger. Mais au lieu de dire "pour moi, tout est mauvais", il me regardait avec rage et déclarait avec hargne, jour après jour, repas après repas "c'est dégueulasse". Comme si j'y étais pour quoi que ce soit. Je savais que je n'y pouvais rien, et malgré tout, jour après jour, ses mots me blessaient toujours aussi douloureusement...

Quand j'ai commencé à essayer d'aménager le quotidien pour m'adapter aux difficultés posées par la spasticité de ses membres (contractures permanentes proche de la rigidité) et l'altération de son équilibre, il a systématiquement refusé les changements. Parfois même alors que c'était lui qui en avait émit l'idée. J'avais alors droit à la litanie "tu m'humilie, t'es une salope, t'es dégueulasse", etc.
Mais quand je lui proposais de revenir à la façon de faire précédente, j'avais droit à la variante "tu comprends vraiment rien, tu es conne, tu me déteste" etc...
Quoi que je fasse, donc, j'étais en tors.

Il a fallu faire des aménagements dans la maison, certains organismes ont demandé à ce qu'on remplisse des papiers... J'aidais mais évitais de prendre des initiatives, demandant systématiquement à Alain son opinion, sa position.
Malgré tout, une fois les choses faites, il est arrivé qu'elles ne lui conviennent pas. La responsable était toujours toute trouvée... J'avais eu beau prendre toutes les précautions, le faire participer à chaque étape de la prise de décision, si une chose ne lui convenait pas, même s'il l'avait validée sur le papier, il me reprochait d'avoir manœuvré dans son dos, de l'avoir abusé d'une manière ou d'une autre, pour le persécuter et, dans son idée "le faire crever plus vite".
J'avais ma conscience pour moi. Sans compter qu'à ce moment là, j'avais fini par demander régulièrement son opinion à mon père, et il n'était pas rare que j'appelle mes parents tous les jours, à cause de cette pluie continue de reproches. Je faisais tout mon possible pour qu'Alain reste le plus autonome possible, en essayant de le lui faire admettre. Il s'y refusait et je ne pouvais rien y changer.

Imaginez un individu ayant un trouble de la personnalité obsessionnelle, vivant depuis des décennies dans un soucis extrême de perfectionnisme, ayant un soucis de bien faire poussé à l'extrême, avec un niveau d'exigence extrêmement élevé le concernant et concernant son entourage. Pensez que cette personne se soit construit des valeurs morales très fortes, avec une rigueur implacable dans le respect de ses propres règles et de ses horaires, au point d'être déraisonnablement autoritaire vis à vis des autres, et très critique vis à vis de quiconque ayant une vision divergente de la sienne par rapport à ce qui est et doit être... Ce genre de personnes veut tout contrôler et déteste déléguer quoi que ce soit, à moins qu'elles se sachent incompétentes (elles préfèreront dire qu'elles sont "au dessus de ça", ou tourner en dérision le domaine en question). Ces gens là développent généralement un mode de croyance qui fait qu'ils sont convaincu d'avoir "raison", de détenir la "vérité", et dans la grande majorité des circonstances, ils sont incapables de tenir réellement compte des avis contradictoires...
Ces personnes présentent également de grosses difficultés à exprimer leurs sentiments réels, surtout s'ils les jugent honteux ou synonymes de faiblesse et développent des stéréotypies, des masques, pour ne pas avoir à exposer aux autres leurs ressentis profonds.

Mon mari était comme ça.
Imaginez le calvaire qu'a représenté sa maladie, pour lui : perdre progressivement l'usage de ses membres, de ses sens, devenir dépendant des autres, avec les aléas que ça induit (le kiné qui n'est pas à l'heure, les interventions des aides soignants qui varient en fonction des plannings, la multiplication des interlocuteurs, ainsi que des opinions portées sur "ce qui est le mieux" pour lui.
Qu'est-ce qui restait à Alain dans ces conditions?

Moi. Le contrôle qu'il pouvait exercer sur moi.
Malheureusement, au lieu d'en faire une consolation et une ressource, au lieu de s'adoucir et de me montrer que j'étais précieuse à ses yeux, il a préféré m'accuser de tous ses maux, et, à force de promesses non tenues, de demandes inacceptables moralement et d'accusations mensongères, il fini par me convaincre que je ne pouvais plus rien pour lui, à part mourir moi même ou partir.
N'étant pas suicidaire, je suis partie.

Ce n'est que très récemment que j'ai enfin réalisé que, loin d'avoir abandonné mon mari, comme certains l'ont prétendu (même si j'aurais du le quitter, bien avant ce mariage, en fait), celui-ci m'a en fait chassée.
Alain m'a chassée de sa vue, de sa vie et de notre appartement... Je pense qu'il a cherché involontairement à se débarrasser de mon regard et de mes attentions, qu'il percevait comme humiliants.
Sa famille a malheureusement participé à mon expulsion symbolique, en me disant frontalement que je lui faisais du mal, et en m'accusant de le torturer. Probablement n'avaient-ils pas conscience de ne faire que répéter des mots, sans comprendre les mécanismes de pensée qui les avaient fait naître...
Alain disait à sa famille que je l'humiliais et le torturais, que je me conduisais de façon odieuse avec lui, pour quelle raison auraient-ils mis sa parole en doute? Peut-être en lui demandant de s'expliquer sur ses ressentis. Mais il est probable qu'il aurait refusé, ça n'était pas son genre.

Certains membres de la famille ont tout de même été jusqu'à dire que je n'étais qu'une "erreur" dans la vie d'Alain. Peut être. Mais ça, c'était une affaire entre lui et moi. À ce que je sache, les tiers, même de la famille, n'ont pas à s’immiscer dans les affaires de couple.

On m'a accusée d'avoir torturé Alain lorsque j'étais hospitalisée, en refusant de lui donner des nouvelles...
Je sais intimement ce qu'est la torture psychologique.
J'ai maintenant conscience que j'y ai été soumise pendant des années... mais je n'ai jamais répliqué, parce que j'ai toujours considéré que blesser volontairement les autres était profondément mal. A fortiori quand on utilise contre les autres leurs faiblesses et leurs douleurs intrinsèques pour ce faire.

J'aurais torturé mon mari en ne l'informant pas de mon état de santé, alors que j'étais hospitalisée en clinique "de santé mentale"? En psychiatrie, donc...

J'avais besoin de calme et j'avais besoin aussi de voir des gens, après des mois d'ostracisme, à cohabiter avec la maladie et le mépris. Car c'était ça qu'Alain me jetait au visage, jour après jour, depuis que la DCB avait commencé à faire partir en lambeau son système nerveux : sa maladie, sa souffrance, et son horreur que j'en sois le témoin.

Si Alain ou un de ses proches avait appelé la clinique pour demander de mes nouvelles, on leur aurait répondu que j'avais besoin de repos.
S'ils avaient demandé pourquoi je ne répondait pas aux appels de mon mari, on leur aurait expliqué que j'avais fais le choix de garder mon téléphone mobile éteint, au fond de mon placard, et de m'en servir exclusivement pour parler à des personnes rassurantes... et peut être aurais-je même confié aux équipes soignantes que mon mari m'appelait plusieurs fois par jour et m'envoyait des dizaines de sms.

Un harcèlement dont je m'étais plainte à plusieurs reprises à Alain.

Au bout de quelques jours, son attitude a provoqué en moi une réaction extrême de rejet: j'ai essayé de me débarrasser de mon alliance. J'ai essayé si fort, sans y parvenir tant j'avais prit de poids, que je me suis arraché la peau autour de l'annulaire gauche. L'inflammation a fait enfler mon doigt, poussant à faire craindre que je développe une infection. Un membre de ma famille a alors du m'emmener chez un bijoutier pour qu'il coupe l'anneau. Je l'ai toujours. J'aurais pu m'en débarrasser, d'une manière ou d'une autre, mais je ne le souhaite pas. Je l'avais voulue, cette alliance, je l'avais demandée. Une des rares choses que j'ai jamais demandé, et encore, deux mois après notre mariage.

Qu'en est-il aujourd'hui?

Aujourd'hui, la succession est au point mort.

D'aucuns souhaiteraient que je n'ai droit à rien, eut égard à mon statut "d'erreur de parcours", ainsi qu'au fait que j'avais "abandonné" Alain.

Je pourrais facilement répliquer que le psychiatre du CMP de Tarbes avait essayé de me faire accepter une hospitalisation au CHS de Lannemezan, en 2014, avant que nous ne quittions les Hautes-Pyrénées pour réintégrer la Charente, mais que j'avais refusé, la mort dans l'âme, parce qu'on ne me proposait aucune solution d'assistance pour Alain.
Là, je pense qu'on aurait éventuellement pu parler d'abandon.

Toutefois en février 2015, quand j'ai senti que, décidément, je n'arriverais pas à rester auprès de mon mari sans que nous ne tombions dans la maltraitance réciproque, j'ai fais en sorte de mettre mon mari en sécurité, médicalement parlant, avant d'accepter d'être hospitalisée.

En conséquence, il n'est pas question que la haine  aboutisse à me dépouiller, que ce soit dans mes biens ou dans ma dignité. J'ai au contraire tout à fait l'intention de lui faire comprendre que cette dignité est plus forte que jamais. D'autant que mon mari n'a pas été le seul à m'insulter, m'humilier et me faire subir des violences d'ordre moral. Mon mari est mort, d'autres ne le sont pas. Je pourrais nourrir un désir de vengeance, entamer des poursuites, mais ça n'est pas ce que je désire.

Je souhaite tourner la page.

Prendre conscience de l'ampleur de l'emprise qu'Alain avait sur moi et de la multitude de tortures psychologiques qu'il m'a infligé, au fil des ans, ça a été extrêmement violent.

Il s'avère que des événements récent, combinés au calendrier successoral ont "réveillé le dragon", comme certaines personnes disent... ce flot de souvenirs douloureux, qui était enfouit profondément, et qui à présent rugit en moi et me malmène intérieurement...



Je n'ai aucun désir de vengeance. Je n'irais pas cracher le feu sur les uns ou les autres, en imaginant que ça pourrait atténuer la douleur. Je ne crois pas une seule seconde que ça pourrait être d'une quelconque efficacité.

Je suis simplement déterminée à mettre un point final à l'histoire, clore cette succession de malheurs et vivre ma vie.

Je veux transformer le dragon en phénix... il s'envolera, trouvera son chemin à travers les roches et s'en ira loin, très loin de cette montagne.

dimanche 5 mars 2017

Les hurlements du silence

C'était le mardi 28 octobre 2014.
Nous avions réintégré la Charente début septembre, après quatre an et demi passés dans les Hautes Pyrénées.
C'était ma toute première hospitalisation (exception faite des hospitalisations de jour en clinique, environ trois ans auparavant).

Je n'allais pas bien. Vraiment pas bien.
Depuis des années, ça allait en se dégradant, et ça avait empiré depuis plusieurs mois.
Depuis 2013, je tenais des agendas journaliers qui, à la base, me permettaient de mettre en place et respecter des routines. Ils me servaient aussi à noter mes ressentis.📓
Détresse. Humiliations. Insultes. Crises de "gloutonnage". Automutilations...

Dans la nuit du 27 au 28 octobre 2014, je m'étais infligé des lésions cutanées aux mains, après avoir frottés mes poings de manière compulsive et incontrôlable l'un contre l'autre.👊

Les insultes et les humiliations étaient mon lot quotidien depuis longtemps. Les jours sans faisaient figure d'exception. Mais pas cette journée là, pas ce soir là...💥

Quand mon mari malade avait finit par s'endormir, je m'étais relevée et étais allée dans la loggia, blottie dans un coin, emmitouflée dans une couette, en m'efforçant de ne pas pleurer trop fort.

Ensuite j'étais allée dans le bureau et j'avais regardé un film sur mon PC, avec un casque sur les oreilles. Je voulais faire le vide dans mon esprit, oublier la journée, et celle d'avant, et celles d'avant, et les semaines, et les mois, et les années...
Je voulais faire taire les hurlements du silence, parce que je me sentais coupable et prisonnière.
😆
Les hurlements du silence.
Ne pas avoir su dire plus tôt ce qui se passait vraiment dans notre couple dysfonctionnel.

Une relation dans laquelle j'ai accepté de subir l'autre, dans laquelle j'ai laissé se développer les obsessions écrasantes de mon conjoint.😖
Pendant des années, je l'ai laissé aller toujours plus loin dans le contrôle et l'autoritarisme, jusqu'à être acculée par toute la violence qu'il avait en lui.

Son perfectionnisme et sa rigueur, son extrême niveau d'exigence, que je ne pouvais jamais satisfaire, parce que j'étais trop "nulle", parce que je n'avais aucune confiance en moi, et aussi parce que je souffrais de troubles anxieux et de la compréhension sociale.

Pendant des années je l'avais laissé m'imposer ses obsessions, ses horaires quasi militaires, ses règles absurdes relatives au chauffage, à la façon de faire le plein de carburant, à ma façon de me laver... je n'ai jamais osé contester sa pingrerie, ses économies insensées sur tout et n'importe quoi.
Je l'ai laissé me reprocher de dépenser mon propre argent de manière "compulsive" (il avait réussi à m'en persuader, d'ailleurs, alors que j'achetais seulement des livres, des vêtements, des choses en quantité raisonnable, sans me mettre à découvert, sans jamais lui demander d'argent).
Il contrôlait tout et ne déléguait qu'à contre cœur... et quand j'acceptais de faire des choix, il me les reprochait encore et parvenait à me démontrer que j'avais tors. J'avais appris à aller dans son sens pour éviter les conflits.😶

Il racontait à tout le monde qu'on ne se disputait jamais... Avait-il seulement conscience qu'il agissait de manière tyrannique avec certaines personnes (dont moi, en première ligne), et qu'il pouvait être d'une extrême cruauté psychologique vis à vis des autres? Se rendait-il compte que ce trait de caractère terrible faisait que je ne répliquais jamais ?
Je ne le saurais jamais.
Nous ne nous disputions pas, non.😒
Je me faisais disputer, engueuler, humilier, ça oui, mais on ne se disputait jamais.

Les hurlements du silence me réveillent souvent la nuit, ces temps ci.😩
La honte et la colère de m'être laissée berner par des promesses qu'il n'a jamais tenu, la honte de l'avoir laissé s'en prendre à moi, d'avoir acceptées ses remontrances, ses rappels à un ordre que je  ne comprenais même pas, un ordre établit "pour mon bien".
La honte de m'être laissée dominer par ses tortures psychologiques.

Je ne comprenais pas encore tout ça, cette nuit là d'octobre 2014.💫😓
Pourtant je savais bien que notre relation était malsaine.💀
Ma psychologue du CMP de Tarbes me l'avait dit, et je le savais depuis des années.
Je le savais depuis notre première rencontre, en fait...

La conseillère du CIDFF de Tarbes me l'avait confirmé, devant ma mère, qui m'avait accompagnée :
"Vous vivez dans un contexte de maltraitance psychologique, madame, mais on sent que vous n'êtes pas prête à le quitter..."
C'était vrai. J'étais très malheureuse, mais j'avais toujours été malheureuse et je pensais que je ne pourrais jamais trouver le bonheur. En plus j'estimais que ça devait être intenable pour qui que ce soit de vivre avec moi, alors je cherchais à me convaincre par tous les moyens que je l'aimais et qu'il m'aimait en retour. C'était la seule chose qui donnait du sens à notre vie commune.
Avant tout, mes angoisses d'abandon étaient plus envahissantes que tout le reste.

Sans savoir comment, cette nuit menant vers le 28 octobre 2014, je me suis retrouvée les poings serrés devant moi, à frotter les premières phalanges d'une main sur l'autre. Au début, cette sensation m'avait apporté un bien être inattendu...🔆

Ensuite, j'ai perdu le contrôle et j'ai continué, encore et encore.
Des ampoules se sont formées, mais je n'arrivais plus à m'arrêter, et peu à peu la peau s'est déchirée et je me suis mise à saigner.😱
Sur le coup, je ne sentais rien, je n'étais rien, j'étais absente, c'était la nuit mais je ne dormais pas, j'essayais désespérément de me calmer, de trouver des solutions et de me vider la tête. Mais pendant ce temps d'oubli, je me détruisais, je me punissais de ne pas être assez forte. Je me punissais parce que je le laissais me faire tout ce mal.

Le lendemain, j'étais anéantie. Entre l'insomnie, les lésions physiques et les blessures morales, j'étais un zombie.😑
Je suis allée me réfugier à la MJC, et une des employées que je connaissais bien a alerté un organisme de médiation locale. Quand les jeunes femmes d'Oméga ont vu dans quel état j'étais, presque amorphe, le visage boursouflé par les larmes, elles m'ont proposé de m'emmener à l'UAOCC (Unité d'Accueil et d'Orientation et Centre de Crise). Une unité hospitalière spécialisé situé à l'extérieur du CHS.

Je me souviens qu'elles ont appelés mes parents, eut mon père en ligne, et m'ont emmenée à l'UAOCC.
J'ai été hospitalisée quatre jours.
Je pleurais sans arrêt et ne pensais qu'à rester enroulée dans les couvertures du lit de ma chambre.
Je ne trouvais pas le sommeil, alors on m'a donné du Théralène pour que je dorme et on m'a également changé mon traitement antidépresseur. Le Théralène m'a encore plus zombifiée et le Prozac m'a rendue véritablement suicidaire (j'ai souvent pensé à mourir dans ma vie, mais il n'y a que sous Prozac que j'ai vraiment faillis passer à l'acte).
Je me suis brossées les dents, je me suis douchée, à ne plus vouloir abandonner le flux de l'eau, sous lequel je laissais mes larmes couler sans retenue, recroquevillée au sol...🚿
J'ai mangé les œufs mollets les plus infects de toute ma vie.
J'ai beaucoup pleuré, et regardé par la fenêtre le va et vient des étudiants fréquentant le Centre Universitaire, en amont.
Là où j'avais passée ma licence de droit.
Derrière cette fenêtre, j'ai ressassé les heures passées à pleurer, là bas, en cours, en TD ou enfermée dans les toilettes. J'ai ressassé toutes les (rares) fois où Alain m'avais reproché de ne pas l'avoir appelé à midi, ou le soir quand je restais discuter avec des gens, et même chacune des fois où il m'avait engueulée parce qu'un de mes TD, cours ou examen était programmé sur un horaire ou à une date qui ne lui convenait pas...💢😡

J'ai essayé de reprendre mes esprits.💭
Finalement on m'a fait sortir le vendredi 31 octobre.
Mon mari, qui avait été hospitalisé en neurologie pendant mon "absence" est sortit le samedi.

Sur le coup, je me suis persuadée qu'on s'étaient retrouvés "comme jamais", que j'avais trouvé une nouvelle force pour continuer...
😕
En vrai, j'ai du affronter la colère d'Alain, furieux que je ne sois pas venue le chercher le vendredi, et qui me l'a longuement reproché, avec des mots très durs, bien que ma sœur lui ait expliqué que le vendredi, je n'étais pas en état de m'occuper de lui. Il avait fait mine d'accepter cette explication et pendant un temps, il a été doux et prévenant avec moi.

Sauf que dès que j'ai paru aller mieux, les reproches ont recommencé à pleuvoir.
Mais je voulais tant le satisfaire, qu'il soit moins malheureux que j'ai essayé de tenir, encore et toujours, de continuer à le soutenir, malgré son chantage au suicide récurrent, ses insultes, ses accusations diverses et variées...

Il a fini par me chasser des chez nous, à force de menaces et d'insultes.💔😠😧😨😫
J'ai été hospitalisée en clinique psychiatrique le 10 mars 2015, mais pas sans avoir remué ciel et terre pour qu'il reste à domicile, comme il le souhaitait.

Il y est décédé le 20 aout 2016.

Six mois après sa mort, les hurlements du silence me lacèrent toujours l'âme.

Sans doute parce que j'avais espéré qu'il soit sorti de ma vie pour de bon, que la succession serait close et que je pourrais enfin me consacrer pleinement à mon présent et à mon avenir...

Or la succession semble être passée au point mort, dernier fil tenant envers et contre tout, parmi tous les lambeaux des entraves du passé.
 
J'ai du faire une proposition de partage amiable, parce qu'on me reprochait de ne pas être restée vivre avec mon mari, d'avoir cessé d'être un "conjoint cohabitant", m'interdisant ainsi de bénéficier du passage automatique de l'appartement qu'Alain avait acheté "pour moi, quand il ne serait plus là" dans mon patrimoine. On me disait aussi que mes avoirs faisaient partie de la communauté et devaient être comptés dans la succession... La torture psychologique continuait.

En dix ans de vie commune, Alain m'a donné 200€ tous les mois, jusqu'au mois d'aout 2015, où il a décidé, sans m'en avertir, de cesser les virements. Cela représente au mieux une somme de 24000€.

J'ai gagné un peu d'argent en faisant de l'intérim et quand j'étais assistante de vie, entre novembre 2011 et janvier 2014, mais le plus souvent je l'utilisais pour améliorer l'ordinaire, en contre-mesure de l'avarice dont mon mari faisait preuve concernant le budget alimentaire (150 à 170€ de frais de nourriture, pour deux personnes, par périodes de 5 semaines😳).

Quant à mon Livret A, qui était préexistant à notre mariage, c'est mon grand-père maternel qui l'avait ouvert, et alimenté, pendant des années... Sauf qu'Alain avait fini par me convaincre de changer de banque, en 2012 ou 2013, ce qui signifie que j'ai fermé mon Livret A de la Banque Postale et en ai ouvert un autre au LCL... D'où son inclusion à la communauté, à ce qu'on m'a dit.

L'argent de mon mari, je n'en ai jamais voulu. J'aurais pu lui demander de me payer des choses, des vêtements, des bijoux même, je suppose. Mais je n'ai jamais été comme ça.
Je savais qu'il avait de l'argent et j'ai pris conscience de l'ampleur de son patrimoine quand il a fait un chèque de banque sans emprunt pour payer la maison des Hautes-Pyrénées. Près de 190000€. Et il lui en restait de côté...
Mais je m'en fichais. Cet argent n'a jamais fait mon bonheur.

Le patrimoine d'Alain a fondu comme neige au soleil, quand il a refusé d'être hospitalisé en unité de soins de longue durée (USLD). L'hospitalisation à domicile, en soit, était prise en charge par la Sécurité Sociale, et la plupart des interventions à domicile, en partie par l'APA. Mais les gardes de nuit représentaient un gouffre financier, ce dont il avait parfaitement conscience.

Je n'étais pas d'accord avec cette solution, mais j'avais trop peur de lui pour le forcer à partir en USLD. J'ai donc protégé autant que j'ai pu un homme qui m'a fait souffrir pendant des années, juste pour éviter qu'il ne me haïsse et toute sa famille avec.😢

J'avais tors. Les décisions que j'ai pris à 'époque, je les regrette amèrement aujourd'hui, alors que le passé continue de me torturer et que certains refusent de me laisser en paix.


Cependant...
Aujourd'hui, je sais enfin ce qu'est la confiance et le respect mutuel.
C'est tellement mieux que la peur, qui m'avait toujours guidée jusque là, qui m'avait entraînée à avancer au delà de mes forces, sous le joug d'une tyrannie permanente.

Alors, même si les actuels changements dans ma vie m'amènent à regarder mon passé tel qu'il a été, sans les œillères avec lesquelles j'ai vécu pendant quinze ans, prenant ainsi enfin conscience de la mesure des violences que j'ai subi, et comprenant l'ampleur des blessures reçues... et même si cette prise de conscience et l'acceptation de ses implications sont terriblement douloureuses, le passé demeure passé.

On ne le refait pas.
On vit, et on avance.🌱🌳

dimanche 2 octobre 2016

Emprise conjugale

J'ai découvert la notion d'emprise via les livres de Marie-France Hirigoyen. J'essayais de comprendre les véritables liens qui m'unissaient à mon mari. Cela faisait dix ans que nous vivions ensemble et je commençais à comprendre à quel point j'étouffais. J'étais épuisée par sa maladie, mais aussi par les dizaines de revirements émotionnels qu'il m'avait fait connaître depuis notre première rencontre.

Je commençais à prendre conscience de l'écran de fumée des promesses, des belles paroles enjôleuses, des sables mouvants de notre relation qui m'avaient amenée à d'inquiétantes crises de dépersonnalisation, d'agitation aigüe et d'automutilations...

J'ai rencontré Alain par internet alors que j'étais très jeune. J'ai commencé à lui écrire alors que j'étais à peine majeure et l'ai rencontré environ un an plus tard.

Je n'avais pas d'amis et très peu de relations sociales.
J'avais des condisciples, avec lesquels je fréquentais le même lycée, les mêmes classes, mais ils n'étaient pas des amis et même si j'avais quelques "copines", nos relations restaient très superficielles.
Je savais aller vers les autres mais je ne savais pas maintenir le lien social, comprendre les attentes des uns et des autres, alimenter convenablement les conversations, ne pas commettre d'impairs et jeter un froid.
Bref j'étais socialement totalement inadaptée.

Je trouvais mon bonheur dans les correspondances que je pouvais me trouver sur Internet, et j'y étais toujours sincère, même si souvent rêveuse. Je ne songeais généralement pas réellement à rencontrer mes interlocuteurs et je leurs confiais bien imprudemment des détails sur ma vie, mes aspirations, mes craintes, mes angoisses, les causes supposées de mon malaise...

La violence psychologique est un terme aujourd'hui communément accepté. Ce qui est ignoré, ce sont ses conséquences. Ignoré et, bien pire, réfuté. [...] Il doit nous obliger à ouvrir les yeux sur des drames quotidiens, enfermés entre quatre murs.

Enfermés, c'est le cas de le dire.

Mon mari était un adepte de la rigueur et de la force de la volonté. Ayant constaté que j'étais d'une grande faiblesse de ce point de vue, dès que nous avons commencé notre vie commune, il a commencé à m'inculquer des horaires et une discipline de vie que certains pourraient facilement qualifier d'extrême. Ceci-dit, il ne voyait pas ce qu'il y avait de déviant dans son mode de vie et me concernant, je regardais ses manies comme des bizarreries d'un homme ayant connu des privations et un mode de vie "à la dure" dans sa jeunesse, et qui en avait gardé des stigmates.

Et si malgré tout je vivais mal certains aspects des choses, j'évitais de m'en plaindre, parce que, après tout, je m'étais largement plainte de ma vie "antérieure", de mes relations conflictuelles avec ma mère et de mon mal-être général. Je souhaitais satisfaire mon compagnon et lui montrer qu'il m'apportait beaucoup. J'avais vraiment besoin de croire à un nouveau départ dans la vie, grâce à lui.

C'était une erreur.
C'est une attitude risquée que celle de se reposer sur les autres pour se construire, et tenter d'aller de l'avant. S'en remettre à un tiers, c'est prendre le risque de s'oublier et de voir l'autre comme un guide omniscient. C'est une voie qui peut sembler facile, mais elle est dangereuse... L'autre est nécessairement différent. Qu'il soit bon ou mauvais n'a pas d'importance. Regarder le monde par dessus l'épaule d'une autre personne, c'est biaiser son point de vue.
On ne peut pas vivre sans les autres, mais jamais je n'aurais du accepter de vivre selon des règles qui ne me convenaient pas, jamais je n'aurais du accepter d'être tantôt encouragée et tantôt infantilisée. Pourtant je l'ai fais...

Une femme qui se fait frapper par son conjoint, ou empoigner trop fort par le bras, qui se fait insulter, crier dessus ou qui doit subir une crise de jalousie parce qu'elle a "osé" porter un décolleté ou une jupe à la mode, mais qui auront paru "indécents" à son compagnon pourra comprendre facilement que son partenaire de vie a une tendance à l'agressivité, la possessivité ou la violence.

Le phénomène d'emprise est différent. C'est un peu "viens donc que je t'embrouille"... des belles paroles, une écoute attentive et surtout le tissage méticuleux d'une relation de dépendance. Cette dépendance est essentielle pour que l'emprise prenne racine. Dépendance du point de vue du toit sur la tête, de l'écoute, de l'affection, dépendance financière, alimentaire... tout est bon. Et même si des encouragements peuvent être donnés pour que l'autre acquiert un peu d'indépendance, dès que la chose commence à prendre forme, des reproches se forment habilement, culpabilisants, ramenant l'autre dans le giron du dominateur narcissique...

J'ai connu ça... être encouragée à me faire des amis, avant qu'il me reproche de ne pas "rentrer à l'heure" de la fac (quel étudiant appelle son conjoint pour dire qu'il papote avec les copains avant de rentrer???)... Encouragée à travailler "pour être capable de faire quelque chose de ma vie", mais subir des reproches parce que je travaillais à des moments qui ne l'arrangeaient pas (!). Encouragée à "aller mieux", tout en entendant sans arrêt des critiques sur les psys, jamais content de mes horaires de rendez-vous ou de soins... etc.

Il était gentil et doux, la bonté incarnée... un moment. Je crois que c'était un besoin, chez lui. Être tendre et attentionné, c'était davantage pour lui même que pour les autres. Un rôle valorisant, en somme.
En vérité, la plupart du temps, il était dur, froid, distant, inflexible.
Je ne pensais qu'il devenait ainsi quand il était contrarié, et cherchais systématiquement à savoir quels étaient les facteurs déclencheurs, aussi j'essayais de le satisfaire en tout. Pour ne pas prendre le risque d'être brimée, rabaissée ou humiliée par ses mots d'une dureté infinie, d'une froideur glaçante.
Sauf qu'à tout bien réfléchir, chaque fois que je l'ai observé alors qu'il était seul, dans son bureau, dans son jardin, dans n'importe quelle activité où il se croyait seul, il portait avant tout cette froideur en lui, cette rigueur qu'il élevait au rang de vertu absolue.
C'était sous mon nez mais je préférais voir un homme torturé par la vie, qu'il fallait ménager, alors que lui ne prenait jamais de pincettes avec moi...
L'emprise psychologique est constituée de comportements alternant une tendresse simulée, et la maltraitance, les injures, le dénigrement, les reproches, le mépris, comportements répétés et implacables. Le bourreau utilise la victime comme défouloir à ses diverses pulsions, jusqu'à la dépersonnaliser. Véritable torture, tout raisonnement, toute pensée, tout acte individuels et libres sont interdits. La violence psychologique crée un brouillard, sème la confusion, empêche toute réaction pour se protéger. L'emprise est une histoire individuelle qu'il faut connaître avant de juger.

Elle suit toujours le même schéma. Caméléon, elle s'adapte au caractère des victimes. Elle se glisse dans les fragilités et les creuse comme la gangrène, inlassablement.
J'étais maladroite socialement et j'évitais les situations qui risquaient de révéler ma maladresse, mon manque de conversation "normale" et mes paniques inexplicables. Je craignais terriblement de nouer de liens sociaux que je savais être incapable d'entretenir, sans comprendre pour autant pourquoi.

Je m'étais montrée incapable de suivre des études universitaires, trop habituée à fonctionner sur mes "acquis de cours" (j'ai passé le bac sans avoir fais de fiches, sans avoir véritablement révisé au sens classique du terme, et j'ai pourtant "décroché" le diplôme en me contentant des souvenirs que j'avais de mes cours).

J'étais obsédée par l'idée que je décevais forcément mes parents. Ma mère surtout. J'étais aussi obsédée par l'idée qu'elle ne me comprenait pas du tout, e ne percevait pas mon état de souffrance psychique permanent. Je ne comprenais absolument pas qu'elle ne se rende pas compte que ses activités dans la maison familiale me semblaient affreusement bruyantes et dérangeantes. Pour être honnête, je ne comprenais pas exactement ce que je lui reprochais, et je plaquais des motifs divers sur un sentiment d'injustice dont elle ne pouvait pas avoir conscience, puisque je ne parlais jamais à mes parents de mon sentiment dominant de honte de ne pas être "normale". J'avais intimement conscience d'être différente émotionnellement des autres personnes de ma classe d’âge, de ne pas les comprendre, de me tromper régulièrement sur leurs intentions et du fait que je m'écartais d'eux volontairement pour éviter de souffrir d'une anxiété trop envahissante.
De toute façon, j'étais de toute évidence très différente de mon seul "étalon-maître", seul point de référence, c'est à dire ma sœur aînée. Je savais que maman me trouvait "intéressante" de par ma différence, mais je savais aussi qu'elle ne mesurait absolument pas le degré de souffrance intérieur que produisait mon incapacité à m'accorder avec le monde. Et bien sûr je n'étais pas du tout capable d'utiliser de comprendre quoi que ce soit de tout ça, à l'époque. Une époque où ma souffrance psychique se situait à 8 sur une échelle de 10.

Par mes correspondances, puis les longues discussions que j'ai eu avec Alain (ou plutôt des monologues que je tenais, dans lesquels il intervenait pour attiser ma colère contre ma mère), je lui ai fourni la plupart des clés qui devaient par la suite lui permettre d'asseoir son emprise. J'avais de très nombreuses failles et une très faible connaissance de leur nature véritable...
Avec les années, j'ai étudié de manière autodidacte, par tâtonnements empiriques et pragmatiques à me connaître. J'ai appris à mettre des mots sur mes traits de caractères et mes déficiences. Via des recherches en arborescence, j'ai étendue mes connaissances quant à mon émotivité, mon anxiété, leurs symptômes. J'ai commencé à comprendre que je ne pouvais plus continuer à accuser ma mère de tous mes maux. J'ai commencé à relever qu'Alain avait des comportements abusifs à mon égard, dans sa manière de chercher à tout contrôler.
Bref, j'ai changé... Alain n'a pas aimé, sans que je comprenne pour autant pourquoi il ne se réjouissait pas avec moi de ma meilleure compréhension de mon fonctionnement intellectuel et émotionnel.
J'étais sous emprise.
De manière maladroite, je cherchais à me protéger.
Je crevais de trouille à l'idée de devoir avouer à mes parents mes déficiences sociales, mais c'était encore pire avec mon mari et sa famille. Je ne pouvais pas parler de mes problèmes à la famille de mon mari, ça aurait été lui faire honte, et j'avais déjà bien assez honte de moi comme ça, pas la peine d'en rajouter. J'avais très vite compris que je ne devais pas évoquer le fait que je souffrais d'anxiété chronique, pas plus que je ne devais laisser voir que l'anxiété me fatiguait voire me rendait dépressive. J'avais beau souffrir du déni de mon mari, je m'étais laissée convaincre de l’efficacité de la méthode Coué... après tout, si j'ignorais les symptômes, je parviendrais à faire disparaître le mal. Un pure question de volonté et de rigueur.
Quand j'ai emménagé avec Alain, j'étais dépendante financièrement de mes parents. Ma mère me versait de l'argent tous les mois, et bien que je sois inscrite en agence d'intérim, je me sentais totalement incapable d'occuper le moindre emploi.
J'avais essayé de passer le BAFA, à l'image de ma sœur, mais je n'ai jamais été et je ne serais jamais une animatrice. J'aime les activités solitaires et gère très mal les activités de groupe ou me demandant d’interagir avec les autres dans des domaines que je sais ne pas maîtriser ou pour lesquels j'ai du mal à accorder de l'intérêt.
J'ai repris des études universitaires à la fois parce que j'étais terrorisée par le monde du travail et parce que faire des études de Droit constituaient un défi personnel alors que dès le collège la conseillère d'orientation avait tenté de me décourager de cette aspiration.
Cependant cela m'a rendue financièrement dépendante d'Alain. J'habitais avec lui, je me pliais à ses horaires, respectais ses budgets pour faire les courses et devais me contenter des 200€ qu'il m'accordait comme "argent de poche" tous les mois, avec lesquels je payais mes frais universitaires, ma mutuelle santé, mon essence, mes vêtements...

Au bout de quelques mois, j'ai su que cette vie ne me convenait pas. Mais enfermée dans ma honte et le dégout de ma faiblesse, je suis restée.

Pourquoi suis-je restée 10 ans, je me le demande encore...
J'ai lu une fois l'expression de "terrible mécanique sacrificielle", à propos de l'état d'emprise.
C'est exactement ça. On se sacrifie pour satisfaire l'autre. Il nous semble si séduisant dans ses bons moments qu'on souhaite bénéficier de cette aura, et on est prêt à se sacrifier, à abandonner sa dignité, à accepter des déviances qu'on désapprouve pourtant, tout ça simplement pour que l'autre nous fasse bénéficier de sa chaleur. Parce que sinon on se sent abandonné, puisqu'on a plus de contact avec le reste du monde... un monde qui nous semble hors de portée, et où on a pas notre place, car bon à rien, nul, incapable... sauf sous ses encouragements.
Jamais je n'ai vu Alain se remettre en question. Même la fois où il a nié la bonne direction d'un sentier de montagne, il s'est acharné à aller de l'avant dans la pente abrupte, alors que je le suppliais de faire demi tour, lui indiquant que je voyais le sentier. Encore quelques minutes, je suis sûr que c'est là, m'affirmait-il. Ce n'était pas là du tout. J'ai fait une terrible crise d'angoisse ce jour là, j'ai été prise de palpitations, mes jambes menaçaient de me lâcher, et lui, il avançait, sans tenir compte de mes cris d'angoisse. Quand il a fini par faire demi tour parce que je hurlais de détresse, il m'a dit qu'à cause de moi, il avait du s'arrêter à quelques mètres du col et m'a reproché de ne rien lui avoir dit au sujet des balises que j'avais vu (alors que je les lui avais signalé, mais il n'en avait fait qu'à sa tête).

La moyenne randonnée en montagne était une de ses plus grandes passions. Une des rares que je connaisse, en tout cas. Alain était très secret.
Il prétendait vouloir partager celle-ci avec moi, mais quoi que je fasse, nous n'étions jamais ensemble.
Il était meilleur grimpeur que moi et n'hésitait pas à me laisser loin en arrière, ne faisant pas de pauses, tout à son "défi" d'arriver au sommet, chrono à l'appui. Je pleurais en silence dans la solitude. La première fois, je lui ai expliqué mes larmes, il a semblé s'en inquiéter, mais invariablement, il a continué à monter à son rythme. Plusieurs fois, en essayant de suivre son rythme, je me suis cognée suffisamment fort pour boiter et garder des bleus, mais il ne s'en inquiétait jamais.
J'étais une très bonne descendeuse. Mais je n'ai jamais eu le droit de me faire plaisir. Je descendais trop vite pour lui, et il m'a insultée plus d'une fois "parce qu'il avait faillit tomber avec mes conneries". Plusieurs fois j'ai essayé de comparer nos plaisirs, lui à la montée, moi à la descente.... Lui il se faisait plaisir, et m'attendait en haut, donc j'aurais pu me faire plaisir de temps à autre en descendant certains passages à mon rythme et l'attendre en bas. Il avait rétorqué que ça n'était pas comparable et m'avait même dit que s'il tombait, ça serait de ma faute.

Quand il est tombé malade et qu'il ne grimpait plus si vite et ne pouvait plus marcher aussi longtemps qu'avant, c'était encore de ma faute. Alors que quelques années auparavant, il rechignait toujours à m'accorder des pauses, moi, il m'accusait de ne "rien en avoir à foutre de lui", alors qu'il ne réclamait pas de pauses, bien que je m’enquiers régulièrement de savoir si tout allait bien.

dimanche 15 février 2015

Violence.

"L’égoïste n’est pas celui qui vit comme il lui plaît, c’est celui qui demande aux autres de vivre comme il lui plaît ; l’altruiste est celui qui laisse les autres vivre leur vie, sans intervenir".

Wilde, Aphorismes


"La violence psychologique est un abus de pouvoir et de contrôle d'une personne sur une autre. Elle s'exprime par des mots ou des attitudes (paroles blessantes, insultes, menaces, moqueries, bousculades, indifférence, dans l'objectif de faire peur...) qui sont vécues comme traumatisantes par la victime.
Les comportements suivants sont généralement reconnus comme des formes de violence psychologique :
  • Rejet de la personne en ignorant sa présence ou sa valeur, lui faire comprendre qu'elle est inutile ou inférieure, dévaloriser ses idées et ses sentiments.
  • Isoler la personne par la  réduction de ses contacts (amicaux, professionnels, familiaux, thérapeutiques...) et la restriction de la liberté de mouvement (physique ou par la menace psychique).
  • Dévaloriser la personne en l'insultant, la ridiculisant, en niant son utilité ou sa valeur, ses capacités, voire en se comportant d'une manière qui porte atteinte à l'identité, à la dignité et à la confiance en soi de la personne.
  • Terroriser la personne en lui inspirant un sentiment de terreur ou de peur extrême, en la contraignant par l'intimidation ou encore en la plaçant dans un milieu inapproprié ou dangereux, ou menacer de l'y placer. Jouer sur les angoisses connues (phobies, angoisses...) ou en menaçant des biens.
  • Menacer d'abandon, de violences graves, de mort, de suicide (culpabilisation).

♦♦♦
    J'ai connu ce genre de choses pendant presque toute ma vie commune avec Alain, avant et après notre mariage. Mais chaque fois je me persuadais que c'était moi qui avait un problème, que j'étais "trop fragile" pour assumer notre relation et qu'en conséquence, c'était à moi de faire plus d'efforts.
    J'ai failli me tuer à faire des efforts pour lui.
    Je m'interroge souvent sur la manière qu'ont les autres victimes de telles situations de s'en extirper...